L’écriture est un exercice d’émancipation et une expérience de liberté qui transgresse les frontières et embrasse l’universel, a souligné samedi soir à Rabat, l’écrivaine marocaine, Leïla Slimani.
« L’écriture est profondément, un exercice d’émancipation qui nous permet de sortir de ce confinement, de découvrir qu’on fait partie de quelque chose de plus grand et de confirmer notre appartenance à la grande famille humaine« , a indiqué Leïla Slimani, lauréate du prestigieux Prix Goncourt pour son roman « Chanson douce« , lors d’un débat avec l’écrivain et journaliste algérien d’expression française, Kamel Daoud sur le thème « Ecrire la liberté« .
« L’écriture nous permet de se défaire de son genre, de sa condition sociale, de sa religion, de sa nationalité, d’inventer des univers et des horizons, d’imaginer d’autres destins impossibles et d’investir d’autres vies, pas forcément la nôtre. Il s’agit d’une liberté absolue« , a-t-elle dit.
Selon Leïla Slimani, « la littérature offre l’opportunité de parler de tout et d’évoquer toutes les thématiques sans avoir peur des tabous. « Une fois je commence à écrire, jamais je me pose la question du risque que je prends en écrivant telle ou telle chose, je suis une écrivaine et je suis là, pour explorer une société qui m’interroge, qui m’intrigue et qui me provoque quelquefois« , a-t-elle confié.
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Ecrire c’est aussi prendre le risque de devenir un paria, d’être incompris, d’être rejeté, parce qu’il y a le fait de sortir de soi, de divulguer des choses, d’oser l’interdit et de se mettre à nu, a-t-elle fait remarquer.
C’est vrai qu’on paie le prix de la liberté, mais ce prix vaut bien la peine. C’est une grande jouissance d’écrire exactement ce qu’on ressent et d’exprimer les idées qui nous traversent, a souligné l’écrivaine, appelant les jeunes qui veulent prendre des plumes à s’exprimer, à ne pas baisser les bras et à poursuivre leur rêve de liberté, « car il y’ aura souvent des gens qui vont les décourager mais beaucoup d’autres qui vont les soutenir« .
Interrogée sur la question de la sexualité, évoquée constamment dans ses œuvres, comme thématique phare et centrale, elle a relevé que l’intérêt qu’elle y porte est en premier lieu, lié au corps, en tant que fondement de notre existence qui a aussi le droit de jouir, de vivre et aussi d’être respecté.
Concernant l’harcèlement sexuel, dont sont victimes plusieurs femmes, elle a appelé toutes les femmes du monde à briser le silence, à parler et à raconter leurs histoires sans avoir honte ou peur ou se sentir coupable, notant que seul le pouvoir de s’exprimer, peut mettre fin au patriarcat et la misogynie. Leïla Slimani a, par ailleurs, mis en avant la richesse linguistique du Maroc, en tant que terre du pluralisme, relevant que cette diversité est une opportunité et un atout immense à exploiter, tout en veillant à s’ouvrir sur d’autres langues et découvrir de nouvelles cultures et civilisations.
De son côté, Kamel Daoud a affirmé que l’écriture est une forme d’émancipation, une réincarnation et désincarnation à la fois et un champ de liberté tellement fascinant auquel on revient toujours. Ecrire c’est vivre mille vies, explorer, fabriquer un sens à partir de l’absurde et échapper à l’absolutisme, a-t-il dit. « Je ne crois pas aux lignes rouges, si on réagit avec l’idée de l’interdit et du tabou on va tuer l’écriture« , a-t-il estimé, ajoutant que la question de la sexualité est intimement liée à la liberté dans son sens le plus large.
De nos jours, le discours sur la langue est devenu plus important que l’usage de la langue, a-t-il noté, tout en appelant à arrêter d’idéologiser ce débat et de s’ouvrir sur le monde car une civilisation c’est aussi un carrefour de langues. Organisée à l’initiative de l’Institut français du Maroc, cette rencontre exceptionnelle entre deux grandes figures de la littérature maghrébine d’expression française, s’inscrit dans le cadre de la saison culturelle France-Maroc 2018. Ce rendez-vous littéraire a été marqué par la présence de personnalités éminentes du monde politique, diplomatique et culturel.