« Charte de la majorité » : entre coups fourrés et impérieux sauvetage
En principe, ce lundi 19 février, en fin d’après-midi, les six partis de la coalition gouvernementale devraient signer leur « Charte de la majorité » pour « s’efforcer » de trouver un terrain d’entente et harmoniser leurs positions. Un contexte difficile, marqué au sceau des déclarations assassines des uns contre les autres, et des petites querelles byzantines. Faut-il rappeler que la signature de cette Charte a été reportée plusieurs fois pour non-accord ?
Un document de ce genre est-il capable, en définitive, d’amener la cohésion qui fait défaut au sein de la majorité censée regarder dans la même direction ? Les citoyens que nous sommes, ne peuvent, probablement, qu’être indifférents quant à un « pacte » qui cherche beaucoup plus à nous convaincre que tout va bien dans le meilleur des mondes, mais ne nous convainc pas a priori de sa solidité.
Quand ces partis politiques, en refondation – quand ils ne sont pas en décomposition- ou s’effritent pour des dysfonctionnements ou des différends qui n’en finissent pas au sein de leur « entité », comment peut-on s’attendre à une éventuelle harmonie alors que lorsque l’un d’eux dit « cornu » l’autre dit « fourchu » ? Pour cela, il suffit d’une petite mèche de l’indécrottable ancien secrétaire général du PJD et de l’un de ses coups de boutoir répétitifs pour que les détonations fusent de partout.
C’est dire qu’Abdelilah Benkirane, qui est loin de coincer la bulle, n’en démord pas et trouve un malin plaisir à donner en spectacle les acteurs politiques contre lesquels il a toujours une dent. Quel est donc ce pouvoir caché qu’il a pour maintenir le parti de la Lampe sous sa coupe et marquer de son influence sa Jeunesse?
Preuve en est sa dernière sortie lors du Congrès de la Jeunesse du PJD, le 3 février, où ses projectiles, de la même virulence, se sont abattus sur les dirigeants du RNI et de l’USFP. C’est à croire qu’il ne sort de sa tanière que pour attiser les tensions entre les membres d’une majorité qui peine à trouver une feuille de route et la détourner des vrais défis qui se présentent à elle. Au lieu que les partis se penchent sur les vrais problèmes des Marocains livrés à eux-mêmes voire abandonnés au large du tintamarre d’une politique politicienne, comme dirait l’autre, c’est à qui mieux, mieux et ce n’est jamais de bonne guerre.
Le week-end dernier donc aura été marqué par une agitation cacophonique au sein des partis politiques happés par les attaques et des clashs qu’ils s’envoient les uns les autres au moment où, nous autres, nous attendons ce que va apporter cette fameuse « Charte » qui instaurerait entente et coordination au niveau gouvernemental comme au niveau du Parlement.
Si lors du Conseil national du MP, Mohand Laenser a explicitement pointé du doigt Benkirane en disant que celui-ci ne cherche qu’à faire éclater la majorité, le secrétaire général du PPS, Mohamed Nabil Benabdellah, quant à lui, trouve qu’il n’y a pas mort d’homme mais exige du Chef de gouvernement, toutefois, à présenter un programme politique et une vision claire et stratégique du mandat en cours en vue de répondre aux attentes du peuple. Le secrétaire général du PJD qui a présidé la première réunion du Conseil national de la Jeunesse est, pour sa part, plutôt occupé à asseoir son nouveau statut au sein de son parti tout en le consolidant dans sa restructuration. Par ailleurs, il doit être sur le qui-vive pour justifier les sorties au pied levé et déstabilisantes de Benkirane, quitte à jouer au bouclier pour le bien du parti de la Lampe. Cela fragiliserait à coup sûr un parti, tiraillé entre deux « commandants ».
Pendant ce temps, Aziz Akhannouch, qui est allé jusqu’à boycotter le Conseil de gouvernement, ne ménage pas ses efforts pour sortir du lot et se montrer ouvert à toutes les perspectives pour le développement du Maroc. Sa campagne électorale est-elle déjà entamée ? En tout cas, il se dit être occupé à aller de l’avant au lieu de s’attarder sur tout ce qui pourrait entraver sa démarche alors qu’il promet une solution miracle pour la problématique du chômage.
En somme, le microcosme politique vacille entre deux clans qui tirent la couverture chacun de son côté (RNI, USFP et MP contre PJD et PPS). L’avenir de la majorité est, c’est le moins que l’on puisse dire, flou et imprévisible. C’est bel et bien une majorité à géométrie variable où chaque parti oeuvre pour soi, brandissant son fer de lance à la figure des autres, se souciant peu des attentes des Marocains.
Comment croire alors qu’une « Charte de bonne conduite » détiendrait la baguette magique alors qu’au cœur de la majorité gouvernementale, des voix s’élèvent pour critiquer la gouvernance des uns et des autres et freiner des quatre fers la politique des coéquipiers ? Les différentes composantes de l’Exécutif arriveront-elles vraiment à dépasser leurs différends et à s’asseoir autour de la même table, régulièrement, pour davantage de coordination et de solidarité afin de discuter des politiques et des démarches entamées par leurs ministres et se mettre d’accord pour l’intérêt du pays?
Une « Charte de bonne conduite » nous semble prometteuse sauf qu’une voix intérieure ressurgit des abysses pour nous rappeler qu’au cours des gouvernements Benkirane, les conflits continuels au sein de l’Exécutif ont tendu même vers le blocage en dépit d’une charte que la majorité avait signée.
En somme, bien que l’équipe gouvernementale ait pris beaucoup de temps avant qu’elle ne forme ses contours, l’incohérence de l’incohérence est sa marque de fabrique. Et pendant cette danse à plusieurs temps où les pas se piétinent les uns les autres, il est légitime de se demander que fait l’opposition dans tout cela.
Maintenant que les jeux sont clairs et que c’est plié de prime abord, peut-être qu’on pourrait espérer un remaniement ministériel de mi-mandat pour donner un coup d’accélérateur et un nouvel élan à une gouvernance titubante. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui et après une année d’exercice, pour le gouvernement, il n’y a vraiment pas le feu au lac !