Les attentats du 11 septembre 2001, ceux de Madrid, de Casablanca, de Marrakech, de Paris, de Bruxelles et tout récemment de Tunisie, pour ne parler que de ces derniers, n’ont pas cessé de nous interpeller et de nous confirmer dans une certitude : l’ancien monde a changé, un autre lui a succédé, porteur d’inquiétude, marqué au sceau de la déstabilisation et de la peur panique.
Un monde du terrorisme avec lequel nous vivons et composons. Le cycle de la terreur et des violences qui s’est ouvert avec la destruction des tours jumelles de New York en 2001 ne se refermera jamais, il va sans cesse croissant. Il ne se passe plus un jour, désormais, sans que l’information, livrée en boucle et images d’horreur à l’appui, ne vienne nous tirer du fugace confort et nous rappeler une réalité à la fois intégrée et banalisée dans notre quotidien.
Aucun pays, nul État et sans doute tous les espaces du monde n’échappent à cette «épée de Damoclès», tirée, brandie comme un cimeterre et trempée dans le sang ! Si le terrorisme n’existait pas sous sa forme actuelle, nous l’aurions inventé, tant il est vrai que nos sociétés, les fantasmes aidant, demeurent désemparées, voire impassibles à ce phénomène qui, telle une lave, gagne la planète tout entière et n’épargne personne.
Et plus la conviction se fait ferme de le combattre, moins des résultats tangibles sont visibles, autrement dit, gouvernements, États, systèmes organisés deviennent chaque jour désarmés et défensifs, alors même qu’il convient – pour le salut des peuples et de l’humanité – qu’ils soient offensifs et anticipateurs.
Quinze ans de terreur répandue comme de l’huile sur le feu n’ont donc pas convaincu responsables et gouvernements d’organiser efficacement, de manière concertée, une riposte énergique à l’échelle mondiale. Le terrorisme s’est fait une rédhibitoire spécialité de surprendre coup après coup les États et les gouvernements, les jetant dans l’effroi, démobilisant à chaque fois leur ardeur proclamée de le contenir ou l’anéantir, changeant de tactique,
étendant de manière spectrale ses tentacules meurtrières, renaissant à chaque fois de ses cendres comme le Phénix, tuant sans état d’âme, visant indistinctement des populations innocentes.
Sa nouveauté aujourd’hui consiste à signer et persister, signer ouvertement ses meurtres dans l’immédiat après ses coups, pour prouver qu’il existe au grand dam des démocraties et des populations. Les démocraties, nous y voilà ! Ventre mou de l’Ordre mondial, bâti sur une dimension irénique, cible du chaos… des groupuscules et des organisations criminelles qui ont vite fait de réduire frontières et limites agissent impunément… Il n’est pas de responsable dans le monde qui ne soit à présent conscient de la fragilité des démocraties, non plus de démocraties qui ne soient exposées, et les plus
solides et puissantes encore plus.
Vivre avec le terrorisme ? N’est-ce pas notre réalité quotidienne aujourd’hui ?
La création il y a quelques mois du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), sa mobilisation médiatisée depuis le 22 mars, survient à un moment où, urgence oblige, la lutte contre le terrorisme est contrainte de prendre une autre forme. Le lancement du BCIJ ne doit pas nous faire oublier qu’il existait déjà une institution appelée la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST) grâce à la veille de laquelle le Maroc – hormis les attentats de mai 2004 à Casablanca et d’avril 2012 à Marrakech – a été bon an mal an épargné. Ces deux corps, l’un enfantant l’autre, ont vocation à se compléter, le plus jeune s’appuyant sur la longue expérience de l’ancien dont le parcours, trempé dans l’épreuve, défiant le temps et les complots, nous a valu les honneurs internationaux depuis des décennies.
Si le Maroc a relevé les défis du terrorisme rampant qui secoue la région et le monde, c’est grâce à la vigilance et la culture proactive de nos services de renseignement.
Or, de toute évidence, et jusqu’ici, ces derniers agissaient sous cape, s’étaient fait d’autant plus discrets qu’ils étaient en quelque sorte privés de textes de lois, de justifications juridiques, handicapés qu’ils étaient par cette lacune, exposés qu’ils se sentaient à la malveillante critique de certains «moralistes» qui instrumentalisent les droits de l’Homme et s’évertuent de jouer aux effarouchés. La législation antiterroriste est venue combler la lacune par la volonté de répondre à la terreur, à légaliser la riposte, sous peine de voir nos institutions, nos vies voler en l’air… Ce sont quelque 132 cellules terroristes démantelées depuis 2005, et la dernière opération du 22 mars consistant à arrêter 13 sympathisants du prétendu État islamique – opérée avec succès par le BCIJ – nous en dit long à la fois sur la dimension de la menace terroriste qui vise le Maroc et sur la capacité de ce jeune organisme à nous préserver.
La lutte antiterroriste au Maroc est une lutte de longue haleine ! En témoignent, d’un côté, les lois votées au Parlement, les réformes qui les ont suivies, enrichies, amendées, renforcées, et de l’autre les démantèlements opérés tour à tour par les services de sécurité qui nous montrent la propension du phénomène, ses ramifications internationales, les changements de tactique qui le caractérisent et cette rage de tout détruire qui l’anime.
Que le corps sécuritaire, et en particulier ses responsables, s’inscrive désormais dans une culture de transparence et d’ouverture, de communication et de dialogue avec les populations, est d’autant plus inédit et honorable que ces dernières n’hésitent pas à leur rendre l’hommage méritoire nécessaire. Désormais, services de sécurité et populations sont solidaires et ne font qu’un !