Le religieux identitaire et la logique du croire

Le processus d’évolution du fait religieux à travers le temps et l’espace, poursuit une certaine progression qui n’a pas cessé de se transformer au cours de ce rapport au religieux, d’abord vis-à-vis de l’identité, de l’esprit, de la raison et la mémoire. Mais aussi, à une autre échelle par rapport à l’espace, le patrimoine en commun et le pacte social. Autrement dit, l’évolution du fait religieux se développe dans un rapport de force, à la fois au niveau individuel et collectif, mais aussi dans une interférence institutionnelle et personnelle.

La sécularisation des sociétés, s’est accélérée avec le changement dans l’institution religieuse ou le changement de l’institution religieuse. Ces changements n’ont pas empêché celle-ci de garder un poids relativement social important selon les pays. En revanche, ces transformations ont été accompagnées par l’apparition d’une multitude de nouveaux groupes religieux. Ces nouveaux mouvements religieux ont d’abord surgi dans les sociétés libérales avant de toucher les autres sociétés dites conservatrices.

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Cette évolution du fait religieux fait naître une certaine polarisation autour de deux tendances opposées : l’opposition entre intégriste et fondamentaliste d’un côté, et relativisme et individualisme d’un autre côté. Cependant, au-delà de la polarisation autour des deux pôles, les nouveaux mouvements religieux ont fortement participé à une certaine décomposition du religieux en des symboles, des attitudes et des sentiments religieux. En d’autres mots, la désinstitutionalisation du religieux dans un certain nombre de sociétés, et la lecture du texte sacré ou fondateur, ne sont plus intégrées dans une expérience croyante commune elles ne sont plus soumises au contrôle d’une communauté croyante, surtout dans les sociétés loin d’une certaine institutionnalisation de consensus religieux.

Religion à la carte?

Le développement des sociétés, de l’être humain, mais surtout de sa raison et de son esprit, ont poussé le fait religieux vers une logique du bricolage. Ce bricolage est poussé particulièrement loin dans les religiosités parallèles à tel point que l’on parle parfois de syncrétisme. Cependant, la religion demeure un élément plus ou moins important des constructions identitaires. Aussi l’appartenance religieuse constitue-t-elle un point d’attache historique et un héritage familial à transmettre. Ici, il s’agit d’un rapport très fort, à savoir  celui des identités mémoires. Or, si le religieux est un trait primordial au niveau identitaire, il ne façonne que partiellement ces identités à partir de ce rôle à tisser quelques liens entre les générations.

Toutefois, face à ce phénomène religieux en mouvement, nous pouvons distinguer trois pôles, celui des croyants, des incroyants et ceux qui adhèrent à des croyances diffuses, flottantes et incertaines. Ces transformations du fait religieux dans les esprits et la raison ont donné naissance à un système de religion à la carte qui refuse une institution régulatrice des pratiques et des croyances, au profit du principe de la souveraineté individuelle. Autrement dit, l’individu a développé une volonté qui a tendance à une religion sur mesure, propre à chaque personne, puisqu’il devrait être en harmonie avec son esprit, sa raison, son identité, sa culture et son trait psychologique.

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Ce besoin religieux personnifié et libre, qui a mené à l’apparition de ces religiosités parallèles, a donné existence à ce que l’on appellera « nébuleuse mystique-ésotérique » qui a bouleversé les mécanismes des rapports au sein du fait religieux, pour l’individu, les sociétés et à l’opposite des autres religions. Cette nébuleuse mystique-ésotérique donne une certaine marge de flexibilité à partir d’un mariage entre traditions instituées et bricolage individuel. D’ailleurs, c’est pourquoi, on se trouve désormais, et d’une manière macro, devant deux types de religiosité, à savoir celle du « type mystique » (des réseaux ou sectes invisibles) et celle de la « religion populaire » (donne la primauté aux expériences subjectives personnelles).

Cette trajectoire du fait religieux démontre les limites de l’institutionnalisation d’un certain religieux fixe et traditionnel à l’égard d’une certaine émergence d’un religieux en mouvement constant, loin d’une certaine fixation de règles spirituelles. L’individu et les sociétés illustrent un certain besoin religieux libre et propre à chaque personne puisque le religieux au sens macro-institutionnel traditionnel, ne pourrait jamais répondre et surtout gérer les différents états d’esprits et expériences de tous les groupes ou chaque individu.

 

Moulay Hicham Mouatadid, politologue, écrivain et chercheur en études des politiques publiques et internationales – Canada (Université de Sherbrooke)

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