Le Maroc, une diplomatie à l’épreuve du feu
Dossier du mois
Regards croisés de la société civile sur la diplomatie marocaine
Naima Korchi, Juriste Internationale, ex-fonctionnaire des Nations Unies, Fondatrice du Africa Women’s Forum, Présidente du The Africa Institute, Institut International pour la coopération Nord Sud /Sud
Une prise de position d’un Etat étranger ou d’une institution internationale, qu’elle nous soit favorable ou au contraire hostile, est toujours le résultat d’un travail continu de lobbying. Pour les actions hostiles, la question à se poser est : A-t-on justement fait ce travail de lobbying efficacement ? En effet, la diplomatie ne se résume pas aux chancelleries, il faut conduire l’information auprès de la société civile, des médias, des intellectuels… c’est-à-dire auprès de tous les acteurs du pays qui peuvent avoir un impact positif sur ces institutions. Notre diplomatie s’est largement améliorée grâce à une stratégie plus cohérente avec les questions fondamentales comme celle de notre intégrité territoriale comme le montre l’ouverture de plusieurs Ambassades dans des pays stratégiques, notamment, en Afrique ou en Amérique Latine. En plus de relations plus diversifiées entre les pays traditionnels comme la France ou les USA. Mais évidemment, il faut accompagner cette large couverture diplomatique par des moyens adéquats. Dernièrement, la visite de Ban Ki-moon à Tindouf et en Algérie, et ses dérapages – notamment langagiers – qui ont caractérisé cette tournée, ont suscité la réaction diplomatique du Maroc. Tout d’abord, il faut souligner, encore une fois, que l’attitude du Secrétaire général des Nations Unies est une faute grave dans la mesure où l’expression de son opinion personnelle est contraire au droit de réserve qui s’impose à tout diplomate. Dans la gestion de ce dossier, il faut avant tout, saluer les initiatives de Sa Majesté qui ont conduit aux réactions positives des grandes capitales. La réaction de notre diplomatie y compris vis-à-vis de la MINURSO, est justifiée et a été efficace puisque le SG a fini par regretter ses propos. En fin de compte, cette crise a réaffirmé la position stratégique du Maroc. D’un autre côté, je suis heureuse que, sous l’Impulsion de Sa Majesté, nous ayons, enfin, tourné pleinement notre coopération vers le Sud. Le Maroc est bien présent dans pas mal de pays francophones mais pas assez dans les pays anglophones, alors que certains ont les plus hauts taux de croissance du continent. La position hostile d’un Gouvernement, ne veut pas dire que les portes du pays sont toutes fermées et qu’il est totalement hostile aux marocains. Pour ma part, et en toute modestie, comme consultante internationale, j’ai travaillé pour certains de ces pays, surtout l’Afrique du Sud et cela se passe très bien. Il ne faut pas réduire un Etat à une position politique hostile, souvent prise pour de mauvaises raisons.
Par ailleurs, il faut également une stratégie touristique vers ces pays qui nous ne connaissent pas suffisamment. Encore à titre personnel, je suis ravie d’avoir fait découvrir Dakhla à plusieurs participantes de l’Afrique Australe, lors des deux éditions du Africa Women’s Forum, et j’en suis d’autant plus heureuse car ce sont elles, maintenant, qui demandent à ce que les prochains forums se passent encore dans cette ville! Si la diplomatie marocaine hésitait, avant, à aller vers certains pays, je pense que c’était pour des raisons de langue, d’éloignement, d’absence de liens historiques donc de méconnaissance, et plus récemment, on avait tendance à répondre à cette hostilité par l’absence et à compter uniquement sur les pays amis. Il est donc plus qu’urgent de rattraper ce retard. C’est dans ce sens que je salue la nomination d’un nouvel Ambassadeur en Afrique du Sud et d’un grand connaisseur du dossier du Sahara au Ghana. Ceci certainement sera très positif pour notre pays. D’ailleurs, je me réjouis de l’ouverture des nominations des ambassadeurs à des non diplomates de carrière, issus de la société civile des marocains du monde, et à plus de femmes. D’autant plus que je possède cette triple casquette et que j’ai toujours milité dans ce sens. Mais on doit se demander si tous ont les compétences utiles pour cette haute responsabilité. Il est capital d’avoir une maîtrise des grands dossiers nationaux et internationaux, une connaissance de la langue du pays (ce qui n’est pas toujours le cas!) et une vraie personnalité d’Ambassadeur c’est-à-dire de l’action et du réseau.
Si on veut vraiment que la diplomatie marocaine se déploie par anticipation sur tous les sujets, il faut prendre des initiatives et ne pas attendre les crises pour les éteindre. Il faut mener des actions de lobbying et ceci commence par une meilleure prise en considération des compétences, souvent très efficaces des marocains du Monde.