Tunisie: un ministre de 40 ans désigné chef du gouvernement
Tout juste chargé de la formation d’un gouvernement d’union en Tunisie, le ministre des Affaires locales Youssef Chahed, 40 ans, a promis de faire de la lutte contre le terrorisme, la corruption et le chômage sa priorité dans un pays en crise.
Si M. Chahed et son équipe obtiennent la confiance du Parlement, il deviendra le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire contemporaine de la Tunisie. « Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle étape qui requiert des efforts, des sacrifices, de l’audace, du courage, de l’abnégation et des solutions sortant du cadre classique », a déclaré M. Chahed à la presse au palais présidentiel de Carthage, juste après avoir été formellement désigné par le président Béji Caïd Essebsi.
La nomination de M. Chahed intervient après que le Parlement a retiré samedi sa confiance au chef du gouvernement Habib Essid, tout juste 18 mois après sa nomination. Le président Essebsi s’était dit le 2 juin en faveur d’un gouvernement d’union nationale face aux critiques contre le cabinet Essid, accusé d’inefficacité alors que la Tunisie traverse une période sensible avec une économie en difficulté et la persistance de menaces jihadistes. M. Chahed, qui a 30 jours pour former une nouvelle équipe, a indiqué que les consultations à ce sujet débuteraient dans la journée.
« Ce sera un gouvernement politique, un gouvernement de compétences, de jeunes« , a-t-il affirmé, en promettant que les femmes seraient « mieux représentées ». « Remporter la bataille contre le terrorisme, déclarer la guerre à la corruption et aux corrompus, augmenter le taux de croissance pour créer de l’emploi, maîtriser les équilibres financiers ainsi que la propreté et l’environnement » seront les priorités du cabinet, a-t-il déclaré. La Tunisie a été frappée par plusieurs attentats jihadistes sanglants ces dernières années. Son économie est aussi en crise, avec un tourisme et une croissance en berne et un taux de chômage très élevé, surtout chez les jeunes. A ces derniers, « je veux dire de ne pas perdre espoir. L’avenir sera meilleur que le présent », a lancé M. Chahed.
Dès l’évocation du nom de M. Chahed ces derniers jours, certains ont salué sa jeunesse (il aura 41 ans en septembre). Mais d’autres ont critiqué la promotion d’un membre du gouvernement sortant, jugé en échec, en dénonçant aussi de lointains liens de parenté par alliance avec M. Caïd Essebsi les versions divergent sur leur nature exacte.Le chef de l’Etat est déjà très critiqué en raison de la présence de son fils Hafedh au sein du parti qu’il a fondé, Nidaa Tounès. M. Chahed a assuré à des journalistes après son point de presse n’avoir « aucun lien de parenté » direct avec M. Essebsi.Mais mardi, des jeunes ont tagué « ton fils à la maison et ton gendre aussi » sur la statue du père de l’indépendance Habib Bourguiba en plein centre-ville, en allusion à Hafedh Caïd Essebsi et à Youssef Chahed. Mercredi, la presse s’est interrogée sur la marge de manœuvre du chef du gouvernement désigné, en rappelant les conditions dans lesquelles Habib Essid a quitté le pouvoir.
Ce dernier a en effet dénoncé des pressions pour le pousser à démissionner, que ses proches ont attribuées au camp de Hafedh Caïd Essebsi.« Le nouveau poulain, taillé sur les mesures de la présidence, ne risque pas de faire de l’ombre (au président). Il agira comme le Premier ministre de Béji Caïd Essebsi qui semble, selon certains, tisser en filigrane un autre grand projet qui lui tient à coeur: la présidentialisation du régime », a ainsi jugé le journal Le Quotidien.Si Youssef Chahed veut réussir, il doit « se considérer, dès maintenant, comme le capitaine du navire Tunisie, et non pas comme un exécutant des instructions du président de la République », a renchéri le quotidien Al Maghreb.