Visite de Poutine en Inde: New Delhi prise en tenaille entre ses besoins de défense et les menaces de Washington
Alors que l’Inde et la Russie s’apprêtent à signer un accord sur les systèmes de défense antimissile S-400, New Delhi se trouve devant la délicate équation qui consiste à satisfaire à ses besoins en matière de défense auprès d’un allié stratégique de longue date tout en parant au risque de froisser les Etats Unis.
New Delhi doit donc faire le jeux de la balance entre deux superpuissances qui pèsent lourd dans ses intérêts stratégiques: satisfaire à ses besoins en armement défensif russe de dernière génération et préserver ses liens avec Washington. Un grand exercice d’une délicate diplomatie pour la sixième puissance économique mondiale.
Rien d’étonnant. Même pendant la guerre froide, malgré des appels de non-alignement, l’Inde était carrément du côté russe et les États-Unis ne considéraient pas New Delhi comme un allié. La proximité et les liens historiques rendent inévitables l’influence de la grande puissance de la région.
Le président russe Vladimir Poutine est arrivé jeudi soir en Inde pour participer au 19ème sommet bilatéral annuel entre les deux pays, mais aussi pour finaliser l’achat par New Delhi de quatre systèmes de défense antiaérienne russes S-400.
La visite de Poutine intervient un mois après le premier dialogue 2 + 2 avec les États-Unis, où le secrétaire d’État américain Mike Pompeo et le secrétaire à la Défense James Mattis avaient discuté de ce scénario avec la ministre indienne de la défense Nirmala Sitharaman et celle des Affaires étrangères Sushma Swaraj.
L’Inde avait clairement fait savoir qu’elle avait besoin des systèmes de missiles S-400 et qu’elle possédait depuis longtemps des équipements de défense russes, ce que New Delhi ne voulait pas changer.
Le chef de l’État russe a atterri vers 19h00 locales (13H30 GMT) dans la capitale indienne New Delhi, accompagné des membres de son gouvernement. Il a été reçu à l’aéroport par la ministre indienne des affaires extérieures, Sushma Swaraj.
Le Premier ministre Narendra Modi a organisé ensuite un dîner en tête-à-tête pour le président russe dans sa résidence officielle, où les deux dirigeants ont discuté de nombreuses questions, notamment la coopération bilatérale et les questions stratégiques, selon des sources officielles.
→ Lire aussi : Russie: Signature cette semaine en Inde d’un accord de livraison des systèmes antiaériens S-400
Une vingtaine d’accords devraient être signés entre les deux parties à la suite du 19ème sommet bilatéral entre l’Inde et la Russie qui doit se tenir vendredi.
Il s’agit notamment de la finalisation de l’achat par New Delhi de quatre systèmes de défense antiaérienne russes S-400, d’un coût global supérieur à cinq milliards de dollars.
« Le 4 octobre, le président part pour une visite importante en Inde. Le point essentiel de cette visite sera la signature d’un accord de livraison des systèmes de missiles S-400« , avait précisé le conseiller du Kremlin Iouri Ouchakov.
Les négociations pour l’acquisition de ces systèmes de défense étaient en cours depuis de nombreux mois, mais faisaient l’objet de nombreuses spéculations après l’entrée en vigueur en janvier d’une loi américaine appelée CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act).
Cette loi avait été adoptée par le Congrès américain en 2017 pour sanctionner les pays qui concluent des affaires avec des sociétés de défense russes, iraniennes ou nord-coréennes.
Les États Unis, qui cherchent à punir la Russie pour son attitude en Ukraine et pour son ingérence présumée dans l’élection présidentielle américaine, imposent des sanctions économiques contre toute entité ou pays qui concluent des contrats d’armement avec des entreprises russes. Néanmoins l’Inde espère obtenir une dérogation de Washington avec qui elle entretient des relations stratégiques très importantes.
À New Delhi, Poutine et Modi devraient également aborder un contrat de 200 hélicoptères légers polyvalent Ka-226, pour un milliard de dollars, et une possible vente de quatre frégates de classe Krivak, estimée à deux milliards de dollars. Outre le Japon, la Russie est l’un des deux pays avec lesquels l’Inde tient des sommets bilatéraux annuels.
Il s’agit de la troisième réunion entre Modi et Poutine cette année après la réunion informelle qui s’est tenue dans la ville balnéaire de Sotchi en mai dernier et une réunion bilatérale en marge du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg. La relation bilatérale Inde-Russie a été élevée au rang de partenariat stratégique spécial et privilégié en 2010.