Éducation-formation : le Roi lance les réformes urgentes et fondatrices
Par Hassan Alaoui
SA MAJESTÉ le Roi Mohammed VI a présidé, lundi 1er octobre, à Rabat, une importante séance de travail consacrée à l’examen et à la mise à niveau de l’offre de la formation professionnelle, à la diversification et la valorisation des métiers et à la modernisation des méthodes pédagogiques. Comme le stipule l’intitulé, cette séance de travail à laquelle ont pris part les Conseillers du Souverain, Fouad Ali El Himma, Omar Azziman et plusieurs membres du gouvernement, signifie à coup sûr, l’intérêt significatif que le Roi manifeste à l’égard d’un secteur aussi fondamental que la formation professionnelle. La séance de travail du 1er octobre a suivi, de deux semaines, la cérémonie de présentation du bilan d’étape et du programme exécutif dans le domaine du soutien à la scolarité et de la mise en oeuvre de la réforme de l’éducation et de la formation.
Les deux événements ont un dénominateur commun dont la portée n’échappe à personne : l’éducation et la formation avec, à la clé, la promotion des jeunes qui est l’une des constantes du Roi Mohammed VI. Cette préoccupation peut également s’inscrire dans une large perspective royale qui est celle de privilégier aujourd’hui, plus que jamais, le social dans toutes ses inclinaisons. Il existe, de toute évidence, un fil d’Ariane entre le discours du Trône, prononcé dimanche 29 juillet dernier, à Al Hoceima, celui du 20 août consacré à la jeunesse, la cérémonie de présentation, le 17 septembre, du bilan d’étape du soutien à la scolarité et la réunion du 1er octobre consacrée à la formation professionnelle. Nul ne peut ignorer que ces activités possèdent une dimension concrète, qui nous éloigne des incohérences et des bavardages. Ce n’est pas seulement un diagnostic que le Roi dresse, mais l’impulsion irascible d’une méthodologie et, dira-t-on, d’une « doctrine sociale » nouvelle, axée sur un modèle de croissance inédit.
Sa Majesté le Roi a lancé l’idée d’un nouveau modèle social, dès les premières paroles du discours du Trône, exigeant la mise en oeuvre de programmes sociaux, d’un RSU et d’un plan national de soutien à la scolarisation, à l’INDH phase 3, au RAMED, une révision des CRI, et un recadrage de la politique d’investissements. Chez le Roi, il y a cette double conviction des potentialités du Maroc à optimiser ses ressources et de l’impératif à prendre le «taureau par les cornes», en renforçant les moyens humains. Le défi, qui n’est pas un dilemme, est de relever le développement en le corrélant avec l’éducation, la formation, la santé et la mise en oeuvre d’un modèle inclusif.
A l’aune d’une évolution fulgurante, dont les nouvelles technologies sont devenues le vecteur central, le développement repose sur des fondamentaux sur lesquels Sa Majesté le Roi met l’accent et en même temps pointe du doigt : la scolarité comme point de départ, le non abandon par les élèves des cursus, ce qui implique une réforme structurelle et radicale – toujours en veilleuse et en définitive devenue une sorte d’Arlésienne – du système d’enseignement à laquelle toutes et tous, à commencer par le Souverain, appellent de leurs voeux. Dans le discours qu’il a prononcé le 20 août dernier, à l’occasion du 65ème anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple, le Roi Mohammed VI a déclaré : (…)Un jeune ne peut être appelé à jouer son rôle et à remplir son devoir sans avoir préalablement bénéficié des opportunités et des qualifications nécessaires. A ce jeune, nous devons offrir du concret, particulièrement en termes d’enseignement, d’emploi, de santé et dans bien d’autres domaines. A ce jeune, nous devons donner espoir et confiance en son avenir ».Et le Souverain de poursuivre avec conviction « qu’en fait, l’insertion socio-professionnelle n’est pas un privilège accordé aux jeunes. Car chaque citoyen, quel que soit le milieu dont il est issu, a droit aux mêmes opportunités et aux mêmes chances d’accès à un enseignement de qualité et à un emploi digne ». La vision du monde d’aujourd’hui n’est évidemment pas la même d’une époque ou d’un pays à l’autre. La mesure classique du PIB n’est plus la seule en mise pour décrire une croissance ou un développement, alors que la mondialisation sauvage et impitoyable nous impose des métamorphoses, des adaptations voire de déchirantes ruptures.
L’insistance de S.M. le Roi sur la mise en oeuvre du triptyque éducation/enseignement, formation et insertion repose sur le postulat que l’avenir pour notre pays est dans l’innovation constante de son modèle, nécessaire au développement durable, dans les réformes fondatrices et consolidées. Tout porte à croire que le Souverain fait désormais du social, de la réponse à ses connexes problématiques que sont l’éducation et la formation, le socle pour promouvoir l’inclusion au sens littéral, combattre les inégalités et créer les richesses. Ce n’est pas un mirage condamné à demeurer marginal. C’est une volonté politique royale, chevillée au corps, proclamée solennellement et ponctuant chaque geste et parole du Roi.
Il convient de rappeler avec quelle force et profonde sincérité le Roi a dénoncé les « archaïsmes », disons les retards ayant freiné voire bloqué les réformes qu’il n’a eu de cesse d’exiger, il a mis le doigt sur la plaie avec une franchise qui n’a d’égale que sa détermination d’extirper le mal à la racine, de ne rien épargner – ni responsables, institutionnels, groupes, forces quelconques – et d’imposer même des délais précis pour accélérer les réformes lancées sous son égide. Celle de l’enseignement s’apparente à un combat de longue haleine contre un serpent de mer qu’est le secteur de l’Education dans son assertion la plus large, qui fait montre d’une résilience ayant même fini par épuiser l’optimisme des différents gouvernements, mais dont on mesure, en revanche, l’impératif. Or, rien n’est moins sûr aux yeux du Roi que la démobilisation face à cette résilience redoutable et dangereuse à long terme.
Le Roi a fait de la Réforme de l’enseignement, de l’éducation, de la formation professionnelle l’une des priorités centrales de sa politique. Il ne cesse de recommander, d’exhorter et d’imposer aux gouvernements successifs la mise en place de réformes de l’Education sans lesquelles il ne peut y avoir ni promotion de l’emploi, ni croissance et développement, ces derniers dépendant à terme de l’activité et des potentiels de la jeunesse. Qui mieux que le Roi a pris conscience de cette diffraction aggravée ? Dans le discours du 20 août, il affirme que « le taux de chômage des jeunes qui reste élevé, est pour Moi un vrai sujet de consternation. En effet, il est inconcevable qu’un jeune sur quatre soit au chômage en dépit du niveau de croissance économique atteint globalement par le Maroc. Et ces chiffres sont plus dramatiques en milieu urbain… ». Il y a lieu, en effet, de s’alarmer du taux de chômage des jeunes qui atteint- selon le HCP – le chiffre de près de 12%, comme aussi de l’abandon scolaire relevé dans le dernier Rapport de la Cour des comptes estimé à 218.141 décrochages soit 4% de l’effectif global.
Les raisons de l’abandon sont multiples et connues, elles s’identifient au niveau d’un préscolaire qui n’existe pas, des conditions d’accueil voire de l’absence d’infrastructures décentes dans les campagnes– des classes surchargées – et une démotivation totale. Cela dit, c’est tout de même une perte sèche annuelle de pas moins de 2,5 Milliards de dirhams pour l’Etat. On disait, autrefois, que le budget global alloué à l’Education équivalait, cela va sans dire, à celui de la défense nationale, aujourd’hui rattrapé par l’Agriculture. Sauf que l’Enseignement souffre d’une tare congénitale qui est la part consacrée aux fonctionnaires et aux employés qui dépasse l’entendement.
Sa Majesté le Roi, tout à sa pertinence et allant droit au but, déclare que « face à cet état de choses, et dans le prolongement des orientations tracées dans le Discours du Trône, Nous devons, à nouveau et de toute urgence, attirer l’attention sur la question de l’emploi des jeunes, notamment par rapport à son articulation au Système de l’Education et de la Formation…(…) En effet, nous ne devons plus accepter que notre système éducatif fonctionne comme une machine à fabriquer des légions de chômeurs, surtout dans certaines filières universitaires dont les diplômés, tout le monde le sait, peinent énormément à intégrer le marché de l’emploi. » Le constat royal est atterrant, il ne sacrifie ni à la démagogie, ni à la langue de bois. Le coût de l’Education devrait normalement se traduire en résultats positifs au niveau de la mobilité et de la créativité chez les jeunes, dans leur apprentissage comme dans leurs comportements, enfin au niveau de l’acquisition des savoirs fondamentaux.
Il semble, aujourd’hui, évident que le Roi décide de prendre à bras-le-corps ce grand défi qui est à sa vision économique et sociale ce qu’est une « révolution copernicienne » dans la théorie des sciences. Autrement dit, une prodigieuse accélération des réformes dont, plus que jamais, le Maroc a besoin. La scolarisation, l’éducation, l’Enseignement, l’orientation, la formation, la formation professionnelle, la valorisation et la création de métiers porteurs et de filiales de compétences nouvelles, l’inclusion dans une société apte à s’inscrire également dans la perspective d’une mondialisation heureuse, nous voici confrontés à ce spectre de défis.
L’objectif royal, à coup sûr, est de doter le Maroc d’atouts pour les relever, conscient qu’il est, que les clés de la transformation à la base comme à la fin, ce sont l’école, les technologies d’apprentissage qui sont le passeport du développement et de l’émergence, les métiers professionnels, la promotion des nouveaux métiers enfin. En présidant lundi 1er octobre une séance de travail consacrée à la mise à niveau de l’offre de la formation, Sa Majesté le Roi a ordonné la mise en oeuvre de « nouvelles formations dans les secteurs et métiers porteurs, tout en mettant à niveau les formations dans les métiers dits classiques qui demeurent les principaux pourvoyeurs d’emplois pour les jeunes ». Ce n’est pas seulement un audit royal, un programme ou une feuille de route, c’est l’impératif catégorique de la problématique éducative et sociale du Maroc d’aujourd’hui, c’est aussi l’ordre strict au gouvernement de se mobiliser dans l’immédiat.
L’objectif est de ramener le chômage à un taux raisonnable, d’intégrer la jeunesse dans le processus de la croissance et la dynamique nationale, d’amarrer le Royaume dans le concert des pays émergents, d’insuffler la confiance au coeur d’une société exigeante, enfin, de rendre à notre pays ses lettres de noblesse autour d’un projet royal majeur.