Face à l’instantanéité de l’information, le journalisme sérieux est une marque de crédibilité
A une époque où les technologies de l’information et de la communication sont en perpétuelle mutation, le journalisme sérieux est une marque de crédibilité, ont souligné, mercredi à Rabat, les participants à un panel intitulé « L’instantanéité de l’information« , organisé dans le cadre du 1er Forum des directeurs de l’information des agences de presse africaines.
Intervenant lors de ce panel, le directeur du journal électronique « Médias24.com« , Naceureddine Elafrite, a affirmé qu’alors que les sociétés dans lesquelles nous vivons sont de plus en plus marquées par la quête de l’urgence, le rôle du journaliste n’est pas de publier en premier, mais plutôt de « diffuser une information sûre tirée d’une source fiable« .
Tout en appelant à accepter la transformation de la presse comme étant « inéluctable« , Elafrite a rappelé qu’il n’y a qu’un « seul journalisme« , qu’il soit en ligne, télévisuel en ou agence dont les bases sont les mêmes, faisant observer que « la fiabilité n’a pas de prix, mais elle a un coût« . A l’ère du numérique, « il ne faut surtout pas se mettre en compétition avec les réseaux sociaux« , a-t-il prévenu, préconisant plutôt aux journalistes de faire preuve de « sang-froid« .
Dans ce même ordre d’idées, Javier Otazu, directeur du bureau de l’agence espagnole « EFE » à Rabat, a relevé que face à ce qu’on appelle le « journalisme citoyen« , un concept selon lequel n’importe qui peut diffuser une information ou une image grâce à son téléphone portable, « l’agence de presse apporte une valeur ajoutée« . « Le journaliste est un médiateur entre l’information brute et les consommateurs« , a dit Otazu, notant que la publication des images sans critère et sans médiation, est « très dangereuse« .
« Face à un journaliste citoyen, nous autres agenciers apportons un métier (…) qui suppose des années de formation, l’acceptation de certains codes déontologiques, ainsi que la maîtrise technique des outils« , a martelé Otazu, ajoutant que le grand défi de chaque journaliste est de faire savoir au consommateur qu’un tweet diffusé par un citoyen lambda n’a pas la même valeur qu’un tweet publié par un média reconnu. Même son de cloche chez Sophie Pons, directrice du Bureau de l’Agence France Presse (AFP) au Maroc, qui a confié qu’à la fin des années 1980, date à laquelle elle a rejoint l’agence, les mots d’ordre étaient « rapidité et fiabilité« .
« Au fil des années, avec le développement d’abord des radios d’informations en continue, puis après des directs de télévisions et enfin Internet et les réseaux sociaux, on a bien vu que l’information se propageait de plus en plus vite et que la valeur ajoutée des agences désormais n’était plus vraiment dans la rapidité mais plutôt dans le champs de la fiabilité« , a-t-elle fait remarquer. Aujourd’hui, face à cette « rapidité vertigineuse« , la plupart des clients préfèrent quand même attendre une information certifiée, a relevé Pons, soulignant que « c’est là que se trouve la valeur ajoutée des agences de presse« .
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De son côté, le directeur de l’Information de la MAP, Rachid Mamouni, a indiqué que ce Forum, organisé sous le thème « Les défis de la gestion d’une Newsroom« , est l’occasion pour les directeurs des agences de presse africaines de partager leurs vécus respectifs dans l’exercice de leur métier, « des vécus ballottés quotidiennement par une accélération sans précédent des technologies de l’information et par des mutations profondes dans la manière de faire ce métier« .
« La préoccupation de l’immédiateté, du rapport au temps le plus court entre l’événement et l’annonce au public de cet événement, constitue un des moteurs de la presse, qu’elle soit écrite ou audiovisuelle« , a-t-il dit, notant qu’en cette période imprégnée par « la frénésie de l’information et son lot de fake news, la question doit être nuancée« . Pour sa part, le directeur de Publication de Aujourd’hui le Maroc, Saad Benmansour, s’est attardé sur le concept de « temporalité » de l’information, notant que le client de la presse écrite ne s’attend pas à découvrir un scoop en parcourant son journal.
« Le client a des attentes par rapport au journal qui ne sont pas les mêmes qu’il a par rapport à un autre site ou à un réseau social« , a-t-il expliqué, faisant savoir qu’il existe un lectorat avide d’articles d’opinions et de papiers d’analyse que les réseaux sociaux ne peuvent remplacer.
« Le papier n’a pas disparu, la demande s’est déplacée« , a fait noter Benmansour, soulignant que pour la survie du papier, le directeur d’une publication doit constamment s’interroger sur l’identité de son client et ses besoins.
Ce forum de trois jours, le premier du genre organisé par la Fédération Atlantique des Agences de Presse Africaines (Faapa), s’articule autour de plusieurs sujets, notamment « L’usage des réseaux sociaux« , « La numérisation de la production« , « La programmation éditoriale« , « Le fact checking » et « La motivation et l’évaluation« .
Ces sujets sont débattus dans le cadre de plusieurs panels par une pléiade de journalistes et de responsables, ainsi que de directeurs de l’information de plusieurs agences de presse africaines et internationales et d’autres médias (journaux, journaux électroniques, magazines …).