Maroc-UE: Vers un plan Marshall pour l’Afrique?
Cela fait 20 ans que l’UE et le Maroc tentent de régler le dossier épineux de la migration clandestine. Cette coopération est au cœur de tous les accords Maroc-UE. Le Royaume est d’ailleurs un partenaire incontournable pour l’Europe.
Force est de constater que les pays européens ne prennent pas le taureau par les cornes puisqu’à ce jour, ils ne s’attaquent pas aux causes profondes de la migration et n’ont pas mis en place une politique claire de lutte contre les réseaux de trafic des migrants.
Par contre, la tendance européenne est au renforcement des frontières et à l’enfermement. Les accords de réadmission l’emportent sur le désir de développer une croissance socio-économique dans les pays pauvres. Et l’ouverture des voies légales de migration n’est pas à l’ordre du jour de l’agenda européen.
Le Maroc se retrouve dans une position inconfortable, puisqu’il est la voie de passage de prédilection des réseaux de trafic des migrants. Il ne cesse de réclamer vainement un engagement régional pour lutter contre la criminalité transnationale organisée . Ce vide laissé par le manque de coopération profite aux trafiquants. Ils demeurent l’unique recours des candidats à la migration illégale.
Le Maroc se retrouve malgré lui et en raison de sa situation frontalière entre deux continents, au carrefour de tensions entre les acteurs étatiques et non étatiques.
L’ampleur du trafic illicite des migrants pèse lourdement sur la gestion des frontières. Au Maroc, nous avons vu de larges opérations de ratissage, de sauvetage, d’interception et de réadmission dirigées par les autorités. Leur objectif : réduire la pression sur les frontières.
Bien que certaines interventions des forces de l’ordre marocaines ne respectent pas les instruments internationaux en matière des droits des migrants, le Maroc ne ménage pas d’efforts pour une meilleure gouvernance des frontières et pour une surveillance des territoires contre toute violation de la souveraineté nationale.
En octobre 2018, le ministre marocain des Affaires étrangères et de la coopération internationale a affirmé que le Maroc ne peut pas être le gendarme de l’Europe et le fardeau de la pression des flux migratoires illégaux ne peut être géré unilatéralement.
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Une politique migratoire sans véritable coopération et sans partage des responsabilités ne donnera pas de résultats probants dans la lutte contre le trafic illicite des migrants.
À ce jour, l’UE tente d’imposer sa vision de conditionnalité de l’aide au développement à l’empêchement des flux migratoires illégaux vers l’Europe. Elle a même accéléré les pourparlers et les négociations avec le Maroc pour limiter l’ampleur des flux de la méditerranée occidentale.
Ainsi le conseil de l’Europe a évoqué l’idée d’installer des centres de rétention des migrants au Maroc pour traiter les dossiers des demandeurs d’asile. Une proposition qui rappelle la proposition de Tony blair en Mars 2003. Le gouvernement marocain ne cesse de réitérer son refus à cette proposition qui nuit aux intérêts stratégiques du royaume.
D’un autre côté, il a été décidé que des mineurs soient réadmis sur le territoire marocain après identification de leurs familles. Cette proposition a été négociée lors de la récente visite du ministre de l’Intérieur marocain en Espagne.
Il faut rappeler que les réseaux de trafic ont permis à plus de 45.000 migrants d’atteindre l’Europe à travers la route marocaine. Il faut ajouter à ce nombre, les centaines de morts durant cette traversée périlleuse. L’année 2018 est la plus meurtrière sur la route de la Méditerranée occidentale depuis plus de 12 ans.
Il faut aussi rappeler que certains décideurs politiques européens considèrent que l’augmentation des flux migratoires illégaux à partir du Maroc est un moyen de pression sur le royaume.
Il en résulte des mesures coercitives qui ne font qu’engendrer de nouvelles routes encore plus dangereuses que les précédentes. Les seuls gagnants de cette politique migratoire à deux vitesses demeurent les trafiquants.
Devant l’échec de l’approche sécuritaire de l’UE à lutter contre les réseaux de trafic des migrants, il faut développer une logique de prévention et traiter le mal à la source, en s’attaquant aux véritables raisons de cette migration. Un plan Marshall pour le développement économique du continent africain serait le meilleur moyen de lutter contre le trafic illicite des migrants.
Ce n’est pas la migration illégale qui peut mettre en péril les relations entre l’Union européenne et le Maroc, mais c’est l’incapacité de développer une vision solidaire, basée sur la responsabilité partagée qui continue à envoyer des hommes, des femmes et des enfants dans les abysses de la méditerranée.
Ali Zoubeidi, doctorant, chercheur dans le trafic illicite des migrants