Les réfugiés syriens entre le marteau et l’enclume
La convention du 28 juillet 1951, relative au statut de réfugié, dite Convention de Genève, définit ce dernier comme étant une personne qui, par crainte d’être persécutée du fait de sa religion, de sa race, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou ne veut en réclamer la protection ou dans lequel elle a sa résidence habituelle et ne peut ou ne veut y retourner. La convention de Genève définit, par ailleurs, les modalités selon lesquelles un Etat doit accorder le statut de réfugié à toute personne qui en fait la demande, ainsi que les droits et devoirs de ces personnes. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, instance des Nations Unis, a pour mission donc de protéger les réfugiés et de trouver une solution durable à leurs problèmes. Elle doit également veiller à ce que la convention de Genève soit bien appliquée.
Créé en 1950 pour répondre à l’afflux des réfugiés ayant fui les régimes communistes en Europe, le Haut-Commissariat des Réfugiés (HCR) a, aujourd’hui, pour mandat d’assurer la protection internationale des demandeurs d’asile et des réfugiés et de trouver des solutions à leurs problèmes. Depuis sa création, le HCR est venu en aide à plus de 50 millions de réfugiés, ce qui lui a valu de recevoir deux fois le prix Nobel de la paix, en 1954 et en 1981.
Le printemps arabe : Onde de choc
Cette instance a été appelée à s’attaquer à un autre genre de réfugiés, ceux issus du printemps arabe, Tunisiens, Egyptiens, Syriens et Libyens. S’agissant de la Syrie, bon nombre d’experts demeuraient persuadés que jamais un printemps arabe ne se produirait dans ce pays. Une partie de la population syrienne descend dans la rue, en 2011, pour réclamer des réformes seulement trois mois après la révolution de Jasmin. La répression fut immédiate.
Bachar Al Assad persiste et signe
En cinq années, le pays n’est plus que l’ombre de lui-même. Des millions de Syriens ont fui le pays, plus de 260.000 autres sont morts, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Nombre de trésors du patrimoine de l’humanité ont disparu sous les bombes ou ont été pillés. La Syrie est aujourd’hui un champ de bataille dans lequel s’entretuent des soldats du régime, des rebelles, l’armée syrienne libre, contre ceux du front al-Nosra et les jihadistes du groupe Etat islamique. Depuis septembre 2014, la coalition internationale contre l’organisation EI, et les raids aériens menés en parallèle par la Russie n’ont pas mis fin au chaos qui règne, au grand dam de la population.
Tandis que les puissances étrangères s’interrogent sur le sort du président Bachar el-Assad, c’est une génération entière de Syriens qui est en train d’être sacrifiée et un pays qui se disloque entre des zones contrôlées par le régime, d’autres par les rebelles et d’autres encore par les jihadistes de l’organisation EI. La guerre en Syrie a aussi ouvert la porte au terrorisme et au jihadisme, à l’inverse des premiers soulèvements du Printemps arabe. Si dans les autres pays arabes, les premiers temps d’un changement pacifique avaient représenté un défi majeur pour l’idéologie d’Al-Qaïda, la violence en Syrie est le creuset quasi parfait pour la renaissance du jihad mondial. La Syrie est aujourd’hui un État failli, et les États du Golfe ne sont que trop désireux de financer un jihad soutenant une population sunnite combattant un régime «apostat».
Les réfugiés syriens et la communauté internationale
Sur 5 millions qui ont fui la guerre, l’une de ses pires crises migratoires, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, L’Europe est divisée pour accueillir ce flux migratoire. Berlin a assoupli ses règles d’accueil, c’est ainsi qu’elle s’est lancée, «le défi» d’accueillir entre 800.000 et un million de demandeurs d’asile. En France, ce sont environ 10.000 réfugiés qui ont obtenu le statut de réfugiés ou bénéficié de la protection subsidiaire en France, selon l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).
Selon le HCR, plus que la moitié des Syriens vivent en Turquie. Ce qui permet de dire au Président RecepTayyip Erdoğan que cet afflux des réfugiés constitue un défi colossal pour Ankara. Pour Médecins Sans Frontières, la majorité des réfugiés syriens souffrent de détresse psychologique et vivent dans une grande précarité. La Jordanie quant à elle, affectée par la guerre en Syrie, accueille plus de 630.000 réfugiés, selon les dernières statistiques du HCR qui remonte à 2015, et le Liban accueille 1.1 million de réfugiés (¼ de la population locale selon le HCR).
S’agissant des pays du Golf, leur action se limite à aider financièrement les réfugiés. Ils préfèrent donner de l’argent plutôt que l’accueil des réfugiés.
Qu’en est-il des réfugiés syriens au Maroc ?
Selon le HCR, 6471 réfugiés ont été accueillis au Maroc, parmi ces derniers il y a aussi tous ceux qui ont gagné le territoire marocain par leurs propres moyens légaux ou illégaux. Un chiffre qui peut sembler dérisoire au regard de l’ampleur de la crise migratoire et de la place qu’occupe la question des migrants dans le débat public.
La situation des réfugiés Syriens au Maroc n’est pas à envier. Economiquement, ces derniers sont condamnés à la mendicité ou au travail précaire car malgré la régularisation d’un grand nombre de demandeurs et l’octroi d’une carte de séjour, l’accès à l’emploi reste tributaire d’un certain nombre de conditions souvent difficiles à remplir.
Les motivations des réfugiés syriens sont diverses. Pour ceux qui s’engagent dans ce périple de plusieurs milliers de kilomètres, leur première destination est souvent d’abord l’Algérie. C’est le cas de Mohamed, commerçant d’une quarantaine d’années, venu de Homs. Il a vécu quelques mois, accompagné de sa mère, de sa femme et de ses quatre enfants, dans une masure, à proximité du square Port-Saïd dans le centre d’Alger, avant d’embarquer, en 2013, dans un vol à destination de Casablanca. L’appel du Maroc lui est parvenu par ouï-dire. Il ne fait pas partie des premiers arrivants.
En cinq années, le pays n’est plus que l’ombre de lui-même. Des millions de Syriens ont fui le pays, plus de 260.000 autres sont morts, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Nombre de trésors du patrimoine de l’humanité ont disparu sous les bombes ou ont été pillés. La Syrie est aujourd’hui un champ de bataille dans lequel s’entretuent des soldats du régime, des rebelles, l’armée syrienne libre, contre ceux du front al-Nosra et les jihadistes du groupe Etat islamique.
Durant des années, le Royaume a attiré plusieurs réfugiés syriens fuyant le régime Hafez Al Assad et ils se sont vite intégrés dans la société marocaine et nombreux se sont mariés avec des femmes marocaines. Ce sont généralement des entrepreneurs, des ingénieurs, des enseignants, des commerçants etc.… L’un d’entre eux, Mouad, tient un chiche-Kebab non loin du marché central de Casablanca, son commerce est devenu florissant. «Je suis venu au Maroc avec toutes mes économies, j’ai racheté ce lieu et depuis, les affaires marchent». Concernant les nouveaux arrivants syriens, Mouad a déclaré que le Maroc, par sa stabilité, et ses potentialités attirent les réfugiés syriens. Son cousin Farid, établi au Maroc depuis 1994, est du même avis. Interlocuteur privilégié des autorités, il tient à différencier les Syriens selon leur origine ethnique, révélant à travers son discours la complexité de la situation des réfugiés.
A Sidi Bernoussi, et plus exactement près de la mosquée Al Andaloussi, Mohamed est de ceux-là. Il fait face aujourd’hui à la désillusion. Les espoirs qu’il a nourris, les premiers jours de son arrivée, se sont évanouis. Du travail en usine ou dans un quelconque entrepôt, il n’en a pas trouvé. Il guette, aujourd’hui, les âmes charitables à la sortie de chaque prière du vendredi.
Un peu plus loin du quartier Sidi Bernoussi, aux abords de grandes artères, le spectacle est très touchant. En « abayat » noires ou en longs manteaux sombres, raclant le sol avec leurs sandales, avec leur progéniture, des femmes interpellent les conducteurs et les passants en brandissant leurs passeports avec la même phrase que ce soit à Rabat, à Casablanca ou à Marrakech: «Nous sommes des Syriens, aidez-nous à affronter la famine ». Chaque matinée et fin d’après-midi, on est désormais habitués à voir les réfugiés syriens. Ils sont une quinzaine à venir régulièrement, essentiellement des mères accompagnées de leur progéniture. Rares sont celles qui souhaitent parler à la presse. Toutefois, Oum Kalthoum, l’une d’elles, très affectée nous révèle : « J’ai vu mon père et ma grand-mère périr lors d’un raid, il y a de quoi perdre la raison ».
Son départ de Syrie est vécu comme un arrachement, «la situation là-bas est certes grave, mais cette terre est la nôtre et nous finirons tôt ou tard par la regagner. La patrie reste chère à nos yeux et chaque jour que nous passons hors d’elle est aussi long que mille nuits. Peu importe le soutien dont nous bénéficions, je resterais inconsolable», nous confie- t –elle.
Face à cette situation dramatique, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) soutient les personnes les plus vulnérables à travers une assistance financière (environ 565 ménages soutenus en moyenne par mois) ainsi qu’à travers la scolarisation,l’hébergement, les soins médicaux… Parallèlement, il organise des événements de sensibilisation au profit du grand public afin de développer une image positive des réfugiés au sein de la société marocaine. A signaler que la majorité des réfugiés syriens n’est là que provisoirement et souhaite regagner le large.