Table Ronde sur le Sahara : Ce qui n’a pas réussi avec Walsum et Ross, le sera-t-il avec Köhler ?
Hassan Alaoui
Nous sommes à quelques heures de la rencontre, la première de son genre, à Genève sur le Sahara. La 1ère de son genre parce qu’elle réunit quatre délégation officielles autour d’une « Table ronde » organisée par Horst Köhler, émissaire spécial de l’ONU au Sahara, à laquelle participent le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du polisario.
Pour la première fois aussi, le gouvernement algérien y prend part avec une délégation officielle, impliquée et concernée dans le conflit du Sahara, en un mot partie-prenante et non observateur es qualité et de « soutien intéressé », comme elle l’a prétendu jusqu’ici. Lors des quatre rounds organisés entre 2008 et 2012 à Manhasset, banlieue de New York, sous les auspices du néerlandais Peter van Walsum et ensuite de l’américain Christopher Ross , alors représentants de l’ONU au Sahara, l’Algérie jouait le rôle de « protecteur neutre » de la délégation du polisario, se réservant un rôle de « souffleuse de conseils », engoncée dans une posture qui, de toute évidence et depuis des décennies, ne trompait personne.
Nous sommes quasiment en 2019, sept ans se sont écoulés depuis la fin du cycle – plus ou moins analogue à celui qui commence ce mercredi 5 décembre – de Manhasset, achevé en queue de poisson, suite aux manœuvres des représentants algériens. La question se pose pour ainsi ex-abrupto : cette nouvelle session de Genève connaîtra-t-elle un sort différent des précédentes ? Serions-nous soumis au même processus de pourparlers ou d’un dialogue de sourds ? Il est vrai que les modalités de cette « table ronde », inédite dans sa sémantique et dans sa composition, ne s’apparente nullement aux conversations précédentes de Manhasset qui avaient pourtant suscité, en leur temps, un espoir relatif. Le Lac Léman serait-il plus propice que le village alentour de New York ? Les premiers pourparlers directs quadripartites déboucheraient-ils sur des résultats concrets et porteurs ? Ou, en revanche, seraient-ils voués à un échec, à tout le moins finiraient-ils dans le cimetière des désillusions ?
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Si le problème du Sahara reste au cœur du différend maroco-algérien depuis près de cinq décennies. Il est à la relation entre nos deux pays ce que le nœud gordien est à la pire complexité. Si donc sa nature reste aussi figée, son dénouement relève essentiellement de la volonté politique, à savoir un désir de transcender à la fois l’orgueil – ce péché indécrottable et stérile – et de prendre sur soi pour franchir les pas d’une libération psychologique nécessaire. Rien n’est plus sûr que cette satisfaction ressentie, même en demie teinte, d’avoir appris que l’Algérie s’est finalement résolue, sur injonction du Conseil de sécurité, et en vertu de la Résolution pertinente 2440, de se joindre à la Table Ronde en tant qu’acteur totalement concerné et impliqué. A coup sûr, l’adhésion au principe de participation imposé par Horst Köhler, responsabilise solennellement le gouvernement algérien, et lui impose un statut officiel duquel il ne peut se dérober.
Cependant, l’on peut supposer que les pourparlers de Genève de ce 5 décembre seront marqués au sceau du raidissement habituel des représentants algériens comme aussi de ceux du polisario qui n’en démordront point de leurs positions habituelles. On n’imagine pas non plus un changement d’attitude des deux délégations ou une quelconque flexibilité dans leur position tranchée dans un dossier où, rappelons-le, le Royaume du Maroc a cédé beaucoup en proposant le plan d’autonomie, alors que personne, aucune force ne l’y obligent. A Genève, comme autrefois à La Haye et aux Nations unies, le Maroc présentera et défendra mordicus ses titres, sur cette base irréductible que des liens d’allégeance et de souveraineté lient depuis toujours le Maroc à son Sahara, et que le droit prouve cette pérennité à jamais.
Depuis avril 2007, notamment la Résolution 1754, celle de 1783 de la même année et jusqu’à la dernière, votée fin avril 2018 à l’unanimité, le Conseil de sécurité a voté et adopté pas moins de 14 Résolutions au sujet du Sahara, l’axiome de ce florilège étant le soutien explicite à l’initiative d’autonomie présentée par le Maroc en avril 2007 par ce même Conseil de sécurité et par l’ensemble de la communauté internationale. D’une résolution l’autre, d’un secrétaire général de l’ONU acquis aux thèses de l’Algérie et du polisario – Ban Ki-moon pour ne pas le nommer – à un autre patron de l’organisation mondiale , plus au fait de l’histoire et de la vérité, Antonio Guterres, la gestion du conflit a évolué en filigrane vers la prise en compte des revendications du Maroc, le jeu perfide du gouvernement algérien, la rédhibitoire hostilité du polisario et, finalement, de l’échec patent du processus de règlement. Or, cette évolution en dents de scie a conduit finalement à l’impasse, et à un blocage qui, comme L’Hydre de Lerne a phagocyté la relation bilatérale maroco-algérienne et l’espoir de voir émerger quelque jour le projet mort-né du Grand Maghreb.
Ce qui se jouera à partir de ce mercredi 5 décembre à Genève est certainement significatif. Encore que l’expérience du passé, et notamment l’échec du précédent scénario de Manhasset en 2008 , à travers 4 rounds épuisants, nous incitent à une prudence plus qu’idoine. Sauf qu’en 2009, le gouvernement algérien, tout à sa charge contre Peter van Walsum, a exigé le départ de ce dernier parce qu’il s’était hasardé à affirmer qu’un « référendum d’indépendance au Sahara n’est pas une option réaliste » . Il est vrai qu’à présent le paramètre de la durée, comme dirait un certain Fernand Braudel impose ses propres règles et les représentants algériens qui sont les seuls contradicteurs et adversaires du Maroc, maîtres des Horloges en vérité, seront confrontés désormais à une situation qu’ils ont créée ex-nihilo.