Etre bon citoyen marocain, c’est une épreuve de tous les jours !
On se rappellera longtemps du novembre noir du Maroc ! Pourtant et étonnamment, deux mois après, on n’en parle plus ! Qu’est-il advenu des victimes ? C’est de l’histoire ancienne… Passons à autre chose !
Rappelons que des inondations meurtrières se sont déversées sur le sud du Maroc, au mois de novembre 2014, pour faire réapparaître, encore une fois, la précarité totale dans laquelle vivent certaines zones défavorisées par l’ignorance des responsables encore plus que par les conditions naturelles déjà difficiles à supporter. Les intempéries ont fait une cinquantaine de morts et des milliers de personnes lourdement affectées dans plusieurs régions notamment, celles d’Agadir, Guelmim et Ouarzazate. De facto, le dévouement, la détermination et l’implication de la société civile, résolue à rester digne devant ce coup du sort, est à souligner dans ce contexte de catastrophe.
Indescriptible par des mots qui ne sont plus que superflus, après l’apocalypse, c’est une région complètement meurtrie par la violence du mauvais temps qui s’offre aux regards de plusieurs ministres qui se sont relayés pour s’enquérir de la situation déplorable, compatir avec la zone éplorée et porter leur soutien aux habitants sinistrés de ce carré de la Terre que la Nature a dévasté sans aucun égard, le transformant en paysage de cauchemar. Parmi eux, le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, à la tête d’une délégation sur instructions royales, s’est rendu sur les lieux et a appelé à accélérer la réparation des infrastructures endommagées par les crues dans toute la région du Souss et Guelmim, la restauration des dégâts constituant, bien entendu, la priorité du gouvernement. Que d’intentions louables ! Autrement, quel tableau devraient-ils faire sinon? Normal ! On est toujours pris au dépourvu !
Néanmoins ne valait-il pas prévenir, à temps, surtout que ces intempéries et crues sont fréquentes au Maroc ? Une information efficace auprès de la population et la préparation d’un dispositif d’urgence, à défaut d’infrastructures correctes, auraient pu, peut-être, éviter la tragédie ou du moins en minimiser les lourdes et douloureuses conséquences matérielles et humaines. Au mois de septembre 2014, quatre enfants sont morts noyés à Ouarzazate, suite à la montée des eaux. Ramenons aussi à nos mémoires le drame de l’Ourika en 1995 –qui n’est jamais loin d’ailleurs- ! Toute la région avait été endeuillée par des crues ayant fait des centaines de morts. Mais au lieu de cela, on attend que la catastrophe s’abatte sur les citoyens pour que les responsables se jettent la responsabilité et s’accusent les uns les autres de ne pas avoir pris les mesures nécessaires. Conscients des risques et par défaut d’anticiper, on préfère réagir à des cas de force majeure. Ils oublient tous qu’ils sont impliqués et qu’ils sont responsables, en partie, de cette catastrophe. Ces pluies diluviennes, loin d’épurer les âmes ont dénudé les mauvaises consciences.
Le samedi 22 novembre fut le déclenchement de cauchemars mécaniques à ne plus en finir ! La zone sud du Maroc est dévastée beaucoup plus par les calculs machiavéliques et les mains inconscientes de certains charognards que par la Nature ! Au demeurant, celle-ci ne fait que reprendre ses droits et regagner son terrain mais certains responsables, eux, porteront à jamais les traces de la mort dans leur for intérieur.
Deux mois après, l’heure est toujours grave !
Quand les crues et les inondations mettent à nu les disparités sociales au Maroc.
Quand ce sont les citoyens qui accourent pour secourir les victimes parce qu’ils savent, de prime abord, que les autorités mettront du temps avant d’arriver.
Quand les citoyens retroussent les manches pour extraire des vies à la marée de boue et sauver ce qui reste à sauver, le courage chevillé au corps.
Quand ceux qui ont été, plus ou moins, épargnés, prennent en charge les sinistrés dont les efforts de toute une vie ne sont plus que ruines.
Quand les ponts construits sous le colonialisme restent intacts alors que les autres s’effondrent aux premières pluies.
Quand le citoyen marocain ne se sent pas protégé par les responsables.
Quand il se sent citoyen de dernière catégorie face à des touristes transportés à bord d’avions venus les secourir.
Quand les responsables inconsciencieux ne sont pas responsables et détournent carrément le regard.
Quand le citoyen marocain se sent sans valeur, moins que rien, vivant ou mort, et doit survivre en courbant l’échine.
Quand la population nourrit ce sentiment amer qu’elle est livrée à elle-même lors des catastrophes naturelles et qu’elle est abandonnée à son triste sort.
Quand des dépouilles sont transportées dans des camions poubelles.
Quand « la désinformation » ou l’absence d’information exclue les Marocains des malheurs de leurs concitoyens et que la communication ne reflète pas la réalité.
Quand toutes les fautes sont ramenées au peuple et non aux responsables et que celui-ci garde une foi infaillible.
Quand le citoyen marocain paie pour les erreurs des autres en mettant cela sur le compte de la providence pour ne pas en vouloir au pays, en pleurant un sort irrévocablement fixé, et en s’en remettant à la volonté de Dieu.
Quand l’engagement individuel ou collectif refuse de céder alors que tout est perdu.
C’est que les responsables doivent rendre compte de leurs actes imprégnés d’hypocrisie, de corruption et de voracité dans lesquelles baigne le pays.
On ne cesse de parler de crise économique, de crise de l’enseignement ou autres, or il s’agit d’une crise de la vie générale. On assiste, impuissants, à l’effritement des principes moraux jusqu’à en perdre nos repères. Il s’agit, bien entendu, d’une crise de valeurs morales et humaines et par conséquent comment pourrait-on prendre une décision collective quand les principes et les intérêts sont différents voire opposés ? Et les citoyens dans tout cela ? Ils gagnent un gros lot de déceptions et de souffrances ! Et ce sont des vies qui basculent en une poignée de minutes…
Deux hommes politiques et pas des moindres, Feux Ahmed Zaidi et Abdellah Baha, ont rendu l’âme dans des conditions tragiques, l’un sous et l’autre sur le pont lugubre Hammou (reliant les rives du fleuve Oued Cherrat), baptisé depuis lors, « le pont de la mort », en l’espace d’un mois (le premier, le dimanche 9novembre et le second le dimanche 7décembre 2014) ! Ironie du sort ou coïncidence providentielle -pour ne pas se hasarder et verser dans des investigations suspicieuses sur les circonstances de ces faits divers qui ne sont pas communs- ou encore complot ? Oui, en effet, il y a complot ! Pas contre l’homme politique mais contre le citoyen tout court ! Celui qu’on incrimine, sans scrupules, de manquer de vigilance ! Mais non, le doigt est plutôt, paradoxalement, tourné du côté des responsables qui auraient pu prévenir l’avalanche des tragédies qui se succèdent en boucle, depuis quelques temps. Ces meurtres portent le nom de tous ceux qui ont failli à leur devoir.
Si le déluge était un châtiment envers ceux et celles qui ont mécru en leur divin créateur, le déluge dans mon cher pays, l’a été pour de pauvres gens dont le seul péché est de ne pas faire partie des priorités des « responsables ». L’évocation de « la fin des temps » n’est ni allégorique ni mythique ici. Les eaux se sont déchaînées dans des flots tumultueux et le cataclysme est énorme ! Une nature en furie crache son indignation mais se trompe de fauteurs. Sauf qu’il n’y a pas d’Arche de Noé ! La nôtre aussi prendra certainement des années et des années avant d’être construite.