A la loupe, la femme marocaine en chiffres

Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a rendu public, à l’occasion de la Journée nationale de la femme du 10 octobre, son rapport annuel 2023 intitulé « La Femme marocaine en chiffres ». Ce document offre un panorama statistique de la situation des femmes au Maroc dans divers domaines tels que la famille, la santé, l’éducation, l’emploi ou encore les violences.

Selon le rapport du HCP, le statut matrimonial des femmes âgées de 15 ans et plus a connu des changements significatifs entre 2020 et 2022. Le taux de célibat est passé de 28,1% à 40,7%, tandis que le taux de mariage a légèrement baissé de 57,8% à 57,3%. Le HCP souligne également que les femmes se marient plus tôt qu’avant, contrairement à une idée reçue. L’âge moyen du premier mariage des femmes est descendu de 27,2 ans en 2004 à 25,5 ans en 2018, alors qu’il est resté stable pour les hommes à 31,9 ans. Les femmes urbaines se marient plus tard que les femmes rurales, avec une moyenne de 26,6 ans contre 23,9 ans.

Le rapport du HCP indique aussi que les femmes dirigent 17% des 8.823.000 ménages au Maroc en 2022, contre 16,9% en 2021. Cette proportion est plus élevée en milieu urbain (19,4%) qu’en milieu rural (11,4%). La plupart de ces femmes sont veuves (54,6%), suivies par les femmes mariées (23,7%). Par ailleurs, 62,5% des femmes qui vivent seules en 2022 ont plus de 60 ans, 30,5% ont entre 30 et 59 ans et 4,3% ont moins de 30 ans.

La santé des femmes s’améliore

Le rapport du Haut-Commissariat au Plan (HCP) révèle une amélioration de la santé des femmes au Maroc. L’espérance de vie féminine a augmenté de 72,1 ans en 2001 à 78,6 ans en 2022, avec une différence de 4,4 ans entre le milieu urbain (80,1 ans) et le milieu rural (75,7 ans). Le HCP souligne aussi les progrès réalisés en matière de soins prénataux et de mortalité maternelle. Le rapport indique que la proportion de femmes bénéficiant de soins prénataux et d’une assistance médicale lors de l’accouchement est passée de 60,4% en 2004 à 86,1% en 2018. Par ailleurs, le taux de mortalité maternelle a diminué de 227 décès pour 100.000 naissances vivantes en 2003 à 72,6 en 2018. Enfin, le rapport précise que 70,8% des femmes recourent à une méthode contraceptive en 2018.

Scolarisation des filles,
des avancées importantes
observées

Sur le plan de l’éducation, le HCP estime que le taux de scolarisation des filles de 15 à 17 ans a atteint 96,1% en zone urbaine et 47,6% en zone rurale en 2022. Le rapport met aussi en évidence que 92,7% des filles inscrites à l’école primaire, 66,5% au collège et 43,2% au lycée ont réussi à achever leur cycle respectif en 2022.

Le rapport du HCP montre également que la part des femmes dans l’enseignement supérieur est passée de 49,4% en 2012 à 58,4% en 2022, grâce notamment à la forte présence des femmes dans les filières des sciences de l’éducation (72,4%) et du paramédical (73,3%). Par ailleurs, le rapport indique que le taux de femmes titulaires d’un diplôme de master ou de doctorat de l’enseignement supérieur a progressé de 38,8% en 2012 à 48,3% en 2022. En ce qui concerne le niveau d’études de la population âgée de 25 ans, le rapport révèle que la proportion de femmes sans aucun niveau d’études est passée de 61,9% en 2010 à 50,3% en 2022.

Enfin, le rapport souligne que le taux d’alphabétisation des femmes s’est élevé à 57,7% en 2022 contre 55% en 2004. Chez les hommes, ce taux était de 77,1% en 2022 contre 75,5% en 2020, tandis que le taux d’alphabétisation de l’ensemble de la population était de 67,3% en 2022 contre 65,1% en 2020.

Le taux de chômage des femmes toujours en hausse

La participation des femmes à la vie économique du pays a connu une forte régression au cours de la dernière décennie. En effet, le taux d’activité des femmes de 15 ans et plus, qui mesure la proportion de femmes occupées ou à la recherche d’un emploi par rapport à la population féminine totale, est passé de 26,8% en 2010 à 22,6% en 2022, soit une baisse de 4,2 points de pourcentage. Cette tendance s’ex plique par plusieurs facteurs, tels que le faible niveau d’éducation des femmes, les contraintes socioculturelles, les discriminations salariales et les conditions de travail difficiles.

Le HCP montre également que la structure par âge des femmes actives a évolué au fil des ans. Ainsi, la part des femmes de plus de 45 ans dans la population active féminine est passée de 28,5% en 2010 à 33,7% en 2022, tandis que celle des femmes de 25 à 34 ans a diminué de 32,9% à 30,3% et celle des femmes de 35 à 44 ans de 26,1% à 23,8%. Ces chiffres reflètent le vieillissement de la population active féminine et le découragement des jeunes femmes face aux difficultés d’insertion professionnelle.

Par ailleurs, le rapport du HCP analyse la répartition sectorielle des femmes actives en 2022. Il ressort que le secteur de l’agriculture, de la forêt et de la pêche demeure le premier employeur des femmes, avec 30,1% des effectifs, malgré une baisse de 6,4 points de pourcentage par rapport à 2010. Le secteur de l’industrie et de l’artisanat vient en deuxième position, avec 26,1% des effectifs, en hausse de 2,1 points de pourcentage. Le secteur des services occupe la troisième place, avec 19,3% des effectifs, en progression de 1,9 point de pourcentage. Ces données témoignent d’une certaine diversification des activités des femmes, mais aussi d’une persistance des inégalités d’accès aux opportunités économiques.

Le rapport du HCP met en évidence la dégradation du taux de chômage des femmes entre 2010 et 2022. Celui-ci est passé de 8,9% à 17,2%, soit une augmentation de 8,3 points de pourcentage. Le taux de chômage des femmes est ainsi nettement supérieur à celui des hommes, qui est de 9,1% en 2022. Le rapport du HCP souligne que le chômage des femmes touche particulièrement les jeunes, les diplômées et les citadines. Il s’agit donc d’un phénomène complexe, qui nécessite des politiques publiques adaptées pour favoriser l’emploi des femmes et réduire les disparités de genre sur le marché du travail.

Les postes de décision
se féminisent

La féminisation des postes de décision s’est accélérée au cours de la dernière décennie, selon le rapport du HCP. Le pourcentage de femmes ministres au sein du gouvernement est ainsi passé de 12,8% en 2011 à 24% en 2022, ce qui représente une augmentation de près de 100%. Parallèlement, le pourcentage d’hommes ministres a diminué de 87,2% en 2011 à 76% en 2022. La présence des femmes dans les instances législatives a également connu une progression significative : le nombre de sièges occupés par des femmes au Parlement est passé de 67 en 2011 à 96 en 2021, et à la Chambre des conseillers, de 6 en 2011 à 15 en 2021.

La part des femmes élues aux niveaux régional et local a également évolué favorablement. Le pourcentage de femmes élues aux conseils régionaux est passé de 2,21% en 2009 à 38,5% en 2021, et aux conseils de préfecture et de province, de 2,25% en 2009 à 35,6% en 2021.

En outre, le rapport du HCP indique que le taux de féminisation des postes judiciaires et de la profession d’avocat a augmenté de 22,3% et 21,2% en 2012 à 25,5% et 22,3% en 2022, respectivement. Le taux de féminisation des postes de responsabilité dans les médias a également connu une hausse, passant de 10,5% en 2010 à 27,3% en 2022.
Enfin, le rapport du HCP souligne que la part des entreprises dirigées par des femmes a atteint 12,8% en 2022. Il s’agit principalement de petites entreprises. Elles sont plus actives dans le secteur des services (17,3%), suivi du commerce (13,8%), de l’industrie (12,6%) et de la construction (2,6%).

La prévalence des violences
économiques augmente

Le HCP a révélé que la violence à l’égard des femmes était un phénomène persistant et préoccupant au Maroc. En effet, plus de la moitié des femmes (57%) ont subi un acte de violence au cours de l’année 2019. Parmi les différentes formes de violence, celles qui ont connu la plus forte hausse sont la violence économique et la violence sexuelle. La première est passée de 8% en 2009 à 15% en 2019, tandis que la seconde est passée de 9% à 14% sur la même période. Ces chiffres témoignent de la vulnérabilité des femmes face à l’exploitation financière et aux agressions sexuelles, qui peuvent avoir des conséquences graves sur leur santé physique et mentale.

Le rapport a également analysé les lieux où la violence envers les femmes est la plus fréquente. Il ressort que l’espace conjugal et familial est le principal théâtre de la violence, avec une prévalence de 52,1%. Cela signifie que plus d’une femme sur deux subit de la violence de la part de son conjoint ou de sa famille. Le milieu éducatif arrive en deuxième position, avec un taux de 18,9%, suivi du milieu professionnel, avec un taux de 15,4%. Ces deux milieux sont censés être des espaces de formation, d’épanouissement et d’émancipation pour les femmes, mais ils sont aussi le lieu de discriminations, de harcèlements et de violences. Enfin, les espaces publics ne sont pas épargnés, avec une prévalence de 12,6%. Les femmes y sont exposées à des insultes, des attouchements, des vols ou des agressions.

Le taux d’activité des femmes en chute libre

Le taux d’activité des femmes marocaines est en baisse constante depuis deux décennies. Il est l’un des plus faibles au monde, ce qui constitue une problématique majeure pour l’économie et la société. Malgré les nombreuses réformes, programmes et actions engagés ou en cours pour améliorer la situation des femmes, tant sur le plan économique que social, et dans les milieux urbain et rural, les résultats se font attendre.

Dans son discours du Trône du 30 juillet 2022, Sa Majesté le Roi a souligné l’importance de la contribution des femmes marocaines au développement du pays, dans tous les secteurs d’activité. Il a appelé les femmes à prendre la place qui leur revient et à participer pleinement aux différentes filières de développement.

Ces questions sont au cœur des préoccupations de notre société, qui se trouve confrontée aux transformations socio-économiques et aux bouleversements technologiques. Les progrès accomplis jusqu’ici n’ont pas permis de combler les écarts par rapport aux Objectifs de développement durable (ODD), notamment ceux concernant l’autonomisation des femmes. En effet, en 2022, selon les statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), le taux d’activité des femmes était de 19,8 %, avec une chute de près de 30 % entre 2004 et 2022. Par ailleurs, selon le classement de « Global Gender Gap Report, 2022 », le Maroc se situe à la 139ème place sur 146 pays pour le critère de la participation et de l’opportunité économique des femmes.

Plusieurs études et analyses ont attribué cette régression à des facteurs tels que le faible niveau d’éducation des femmes, les inégalités territoriales, les conditions économiques familiales, le cadre juridique et réglementaire ainsi que les stéréotypes qui persistent dans notre société.

Toutefois, les initiatives identifiées et mises en œuvre sur la base de ces diagnostics, notamment à travers les programmes et les politiques publiques, n’ont pas produit d’avancées significatives, au point de craindre chaque année l’annonce des statistiques officielles du taux d’activité des femmes au Maroc. S’agit-il d’une problématique de temps, où les effets positifs des différentes initiatives ne seraient perceptibles qu’à moyen ou long terme ? Ou bien s’agit-il d’une insuffisance des politiques et des programmes mis en place, qui ne permettent pas d’inverser la tendance baissière ?

Le Programme national intégré d’autonomisation économique des femmes à l’horizon 2030 a, entre autres, mis en avant la synergie des programmes par les différentes parties prenantes, la vision intégrée, la consolidation qui sont, certes, des approches qui peuvent apporter de l’amélioration, mais pas de solutions efficaces à des problèmes profondément enracinés. Il faut reconnaître que le contexte économique, qui a été marqué par plusieurs conjonctures difficiles ces vingt dernières années (notamment la crise financière et la COVID-19), a certainement accentué les vulnérabilités en termes d’accès des femmes aux opportunités économiques. De ce fait, les approches et les programmes en faveur de l’autonomisation des femmes doivent être revus et adaptés aux réalités du terrain.

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