Abdelmadjid Tebboune : Le maestro de la farce électorale ou le triomphe de l’absurde

CE QUE JE PENSE

C’est fait ! Abdelmadjid Tebboune vient de s’accorder une réélection éclatante avec un score hallucinant de 94,65 %. Un chiffre qui ferait rougir de jalousie les plus grands illusionnistes des dictatures passées. Et le plus impressionnant ? Cette performance a eu lieu face à deux adversaires de décor, eux-mêmes probablement stupéfaits par la magie de l’arithmétique.

Il faut dire qu’en Algérie, sous la baguette de Tebboune, on réinvente la démocratie : ici, l’élection est un spectacle, et la victoire est assurée avant même que le rideau ne se lève. Peu importe que les taux de participation soient aussi maigres que l’espoir d’un véritable changement. D’ailleurs, jamais avare en modestie, il semble lui-même trouver ces 94,65 % légèrement en deçà des attentes. Peut-être qu’une petite révision des résultats le propulserait à un chiffre encore plus stratosphérique que même les dictateurs les plus zélés n’ont jamais osé espérer. Ce spectacle électoral est tellement surréaliste qu’on en vient à se demander si la démocratie algérienne n’est pas devenue un mauvais sketch comique. Et le plus drôle dans tout cela est que même Tebboune et ses deux « opposants » semblent avoir des doutes sur la véracité des chiffres. On pourrait se demander si quelqu’un a réellement voté.

La transparence du processus ? Un mirage. L’opposition s’est vue interdire l’accès aux bureaux de vote. L’objectif n’était pas de s’assurer que la démocratie fonctionne, mais plutôt que personne ne vienne gâcher cette belle mascarade minutieusement orchestrée. Cette élection, véritable pièce de théâtre absurde, s’inscrit dans la continuité d’un système verrouillé par l’armée et le FLN, où l’issue est aussi prévisible que grotesque. Le taux de participation, surtout en Kabylie, est catastrophique. À 0,8 %, on se demande si cette région n’a pas tout simplement tourné le dos à la farce. Ce n’est pas seulement Tebboune qui est rejeté, mais tout un régime perçu comme totalement déconnecté et oppressif.

Et puis, il y a ce cynisme qui réside dans la mise en scène : un candidat « indépendant », en réalité manipulé par les maîtres des coulisses, à savoir l’armée avec une feinte discrétion. Tebboune, c’est juste la marionnette que l’on exhibe sous les projecteurs, pendant que les vraies décisions se prennent loin des regards, dans l’ombre des casernes. Bref, tout était écrit d’avance.

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Inutile de dire que les accusations de fraude ont rapidement fusé. Entre les pressions sur les bureaux de vote et l’interdiction faite aux partis d’opposition de surveiller le scrutin, tout semble avoir été soigneusement planifié pour étouffer toute contestation. Le Mouvement pour la Société pour la Paix (MSP) et le Front des Forces Socialistes (FFS) n’ont pas tardé à dénoncer cette farce, en pointant du doigt les incohérences flagrantes. Résultat : un fossé toujours plus large entre le peuple et ses dirigeants, un système de plus en plus enclin à jouer avec l’illusion plutôt qu’à affronter la réalité. D’emblée, cette élection n’est pas une victoire. C’est une représentation, où la seule certitude, c’est que la réalité, en Algérie, a depuis longtemps quitté la scène.

La Kabylie en tête de la résistance

Dans cette mascarade électorale, la Kabylie se dresse comme le symbole du rejet. Le boycott massif des urnes, perçu par beaucoup comme une preuve des aspirations autonomistes de la région, est l’un des moments forts de ce simulacre d’élection. Pour le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), dirigé par Ferhat Mehenni, l’incapacité criante de l’État algérien à mobiliser ses citoyens prouve que la Kabylie pourrait mieux gérer son propre destin. Ce rejet sans équivoque illustre une fracture toujours plus large entre le régime et le peuple kabyle, un fossé qui semble désormais infranchissable.

Certes sur la scène internationale, l’Algérie tente de maintenir une façade de stabilité, mais cette élection truquée n’a fait qu’accentuer les doutes sur la crédibilité du pays en tant que démocratie. Les échos du Hirak, ce mouvement pro-démocratie qui avait enflammé les rues en 2019, résonnent encore, et le boycott massif en Kabylie en est le prolongement direct. Un rejet populaire clair de l’autoritarisme sous le règne de Tebboune.

Une légitimité en lambeaux

L’élection d’Abdelmadjid Tebboune s’apparente à une farce en plusieurs actes. Avec un score surréaliste de 94,65 %, on ne parle plus de démocratie mais d’une mécanique bien huilée, digne des régimes autoritaires les plus célèbres. Si Tebboune se prétend « candidat indépendant », la réalité est toute autre. En coulisses, c’est l’armée qui tire les ficelles, laissant Tebboune jouer le rôle de façade. Le véritable pouvoir repose dans les mains des militaires, tandis que le président n’est qu’un acteur dans cette grande pièce de théâtre. Dans cette mise en scène grotesque, une chose est certaine : l’Algérie, avec Tebboune à sa tête, reste fidèle à son mantra.

D’autant plus que ce qui frappe le plus dans cette élection, c’est l’abstention inédite. Jamais, dans l’histoire récente de l’Algérie, un président n’avait été élu avec un taux de participation aussi faible. Quand une poignée de citoyens se rend aux urnes, peut-on vraiment parler de légitimité ? Ou assiste-t-on simplement à une ultime tentative de sauver les apparences d’un système qui s’effondre sous le poids de ses propres contradictions ?

Pour beaucoup, cette élection n’était qu’un subterfuge, un moyen de cimenter le pouvoir d’une élite militaire totalement déconnectée du peuple algérien. Mais à quel prix ? Si le régime parvient à maintenir son emprise, cette manipulation pourrait bien attiser encore davantage la colère populaire. Tebboune, accusé de corruption et soutenu par une armée omniprésente, fait face à un défi titanesque : restaurer la confiance dans un système profondément discrédité. Corruption endémique, inégalités criantes, fracture abyssale entre dirigeants et citoyens, tout indique que la crise est loin d’être résolue.

Si rien n’est fait, cette élection, loin de consolider le pouvoir, pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère d’instabilité en Algérie. Plus qu’un président, c’est un régime tout entier qui est maintenu sous perfusion par une armée qui tire les ficelles, tandis que les citoyens, épuisés et désillusionnés, préfèrent désormais tourner le dos à un processus électoral vidé de son sens.

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