Abdelmalek Kettani :«La relation maroco-ivoirienne constitue le modèle le plus abouti de la coopération Sud-Sud»
Entretien réalisé par Souad Mekkaoui
Il est évident que le Maroc se lance dans une approche de construction avec le continent africain et d’édification d’une nouvelle Afrique. Tant et si bien que les relations fraternelles et diplomatiques entre le Maroc et la Côte d’Ivoire ont connu une forte impulsion durant ces dernières années. Preuve en sont la fréquence des visites d’amitié et de travail de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui donnent un regain d’intensité et ouvrent une nouvelle ère aux relations ivoiro-marocaines, l’accroissement des investissements qui consolident davantage les partenariats économiques et commerciaux et les perspectives prometteuses des projets maroco-ivoiriens en cours de réalisation qui traduisent assurément le caractère fraternel et exceptionnel des relations entre les deux pays. Faut-il rappeler que le Royaume a toujours privilégié la coopération Sud-Sud ? Dans cet entretien, S.E. Abdelmalek Kettani, ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire, revient sur le 5e Sommet UE-UA, nous fait l’état des lieux des relations bilatérales après un an d’exercice et nous explique les défis majeurs qui attendent l’Afrique à l’avenir.
- MAROC DIPLOMATIQUE : Cela fait un peu plus d’un an que vous représentez la diplomatie marocaine en Côte d’Ivoire et que vous contribuez à consolider les relations diplomatiques, économiques et commerciales. Comment se portent aujourd’hui les liens de coopération entre les deux pays ?
– Cela fait, effectivement, un peu plus d’un an que j’ai l’insigne honneur et le privilège de représenter mon pays, en tant qu’ambassadeur de Sa Majesté le Roi en Côte d’Ivoire. Les relations entre nos deux pays sont historiques, privilégiées et exceptionnelles. Il convient de noter, cependant, qu’à partir de 2013, date de la première visite de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, les relations bilatérales ont connu un bond qualitatif majeur qui nous a fait accéder à une nouvelle ère prometteuse, à tous les niveaux.
Les plus Hautes Autorités de Côte d’Ivoire se félicitent de ce partenariat stratégique et nous oeuvrons de concert, avec tous les départements ministériels concernés, pour voir aboutir, concrètement, toutes les conventions et les engagements pris.
La coopération de tous est exemplaire, les projets avancent, et j’ai bon espoir que dans un proche avenir, beaucoup d’autres initiatives verront le jour et seront concrétisées. L’environnement est propice, la collaboration excellente et l’accompagnement de notre mission permanent.
- Que ce soit lors d’inaugurations de projets sociaux, d’avancement dans les travaux des chantiers pris en charge par des entreprises marocaines ou des manifestations sportives ou culturelles, ou encore en visite de courtoisie à la première dame de la Côte d’Ivoire, vous êtes toujours là. Excellence, au-delà de votre mission diplomatique conventionnelle, on vous sent tel un poisson dans l’eau, vous êtes au four et au moulin et vous impressionnez par votre présence plurielle sur tous les fronts. Cela relève-t-il aussi des attributions d’un ambassadeur ?
– Comme vous le savez, un ambassadeur est le premier représentant de son pays dans un pays hôte et, à ce titre, il se doit d’être sur tous les fronts afin de veiller aux intérêts de son pays et de ses compatriotes, tout en contribuant à faire rayonner l’image de son pays et participer à la consolidation permanente des relations, de façon positive et constructive, que ce soit au niveau politique, économique, social, culturel, ou encore cultuel.
Le travail et la mission d’un ambassadeur sont variés et couvrent tous les aspects de la vie politique, économique, sociale, culturelle, sportive, ou religieuse, dans le pays d’accueil. Parmi les responsabilités d’un ambassadeur, figure aussi la présence permanente auprès de notre communauté marocaine qui compte ici plus de 5.000 personnes, et sur laquelle il faut également veiller et servir les intérêts avec célérité et efficacité.
Pour mener à bien cette mission importante dans ce pays « pivot » de la sous-région, et qui revêt une importance stratégique pour le Maroc, j’ai toujours veillé, depuis mon arrivée, à participer activement à tous les événements, afin de développer et d’entretenir des relations positives, amicales, et constructives, dans tous les cercles, en Côte d’Ivoire.
Ainsi, nous avons connu une année 2017 intense, très riche en événements importants (Sommet pour l’émergence en Afrique, Sommet ministériel de l’OCI, Jeux de la Francophonie, Sommet UE-UA, etc.). Et notre présence effective à des dizaines de manifestations locales et internationales a permis de consolider l’image et la place de notre pays en Côte d’Ivoire.
- Le Royaume a toujours privilégié la coopération Sud-Sud. Et les relations fraternelles et diplomatiques entre la Côte d’Ivoire et le Maroc ont connu une forte impulsion, durant ces dernières années grâce aux orientations de Sa Majesté le Roi. Comment expliquez- vous ce regain intensif ?
– Depuis 2013, date de la première visite royale, plusieurs autres se sont succédées à un rythme soutenu et chacune d’entre elles a été couronnée de succès, avec plusieurs dizaines de conventions signées et chacune suivie d’effets remarquables sur le terrain, que ce soit au niveau politique, économique, ou social.
En effet, suite à la décennie difficile qu’a connue la Côte d’Ivoire, entre 2001 et 2011, et suite à l’arrivée au pouvoir de S.E le Président Ouattara, qui est animé d’une grande ambition légitime pour son peuple et son pays, beaucoup de choses étaient à faire, ou à refaire.
Ainsi, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, le Maroc a choisi de contribuer à ce renouveau de la Côte d’Ivoire, avec une multitude de projets, publics et privés, qui aujourd’hui, commencent à être des réalités sur le terrain. A titre d’exemple, on peut citer le point de débarquement de pêche Mohammed VI à Locodjoro et le centre Multisectoriel de formation Mohammed VI (Hôtellerie et BTP) à Yopougon qui ont été inaugurés par notre auguste Souverain, il y a quelques semaines.
Pour le projet de la Baie de Cocody, projet emblématique du renouveau de la Côte d’Ivoire, voulu et initié par les deux chefs d’Etat, les travaux avancent concrètement et la transformation est visible. Nous avons bon espoir que ce sera réalisé dans les délais prévus.
Bien entendu, le privé n’est pas en reste. Les plus grands groupes nationaux (Banques Télécoms, BTP, Industrie, Immobilier, Assurances, Services, etc.) sont présents en Côte d’Ivoire, et des investissements importants continuent à être déployés dans ce pays, créant des milliers d’emplois.
Aujourd’hui, la relation entre le Maroc et la Côte d’Ivoire constitue, à mon sens, le modèle le plus abouti de la coopération Sud-Sud, mutuellement avantageuse, telle qu’elle a été conçue et mise en oeuvre par Sa Majesté le Roi, grâce à Sa Vision et à Son leadership reconnus par tous.
- Quels sont les défis majeurs qui attendent l’Afrique à l’avenir ? Quel impact pourrait avoir le Maroc sur le continent en général et la Côte d’Ivoire en particulier ?
– Depuis des décennies, tout le monde s’accorde à dire que l’Afrique est le continent de l’avenir. Comme chacun sait, les richesses agricoles, minières, humaines, etc, sont énormes ainsi que les potentialités de tous les pays.
Les défis sont aussi importants car beaucoup de retards ont été enregistrés à tous les niveaux, du fait de plusieurs facteurs, et il s’agit maintenant de rattraper le temps perdu, en quelques décennies, pour permettre à la jeunesse formidable de ce continent d’avoir une vie digne et prometteuse et lui permettre de s’épanouir, économiquement et socialement, sans céder aux sirènes du mirage migratoire ou de l’action violente à caractère terroriste.
Ainsi, le grand défi est de pouvoir assurer au continent un décollage économique avec des investissements suffisamment importants pour faire, de façon rapide (plus rapidement que la croissance démographique) et efficace, face aux besoins croissants des populations en infrastructures, structures sanitaires, écoles, universités, etc.
Le rôle que joue, sur le continent, le Maroc dans cette dynamique impérieuse et incontournable, sous l’égide de notre auguste Souverain, est un rôle leader qui a permis de démontrer que « croire en l’Afrique » n’est pas un simple slogan, mais une réalité palpable sur le terrain avec des projets, pilotes et modèles, concrets qui montrent la voie pour l’avenir et l’investissement durable dans les pays du continent.
Quant à la Côte d’Ivoire, les projets publics et privés et les conventions signées devant Sa Majesté le Roi et le Président Ouattara suivent leur cours normal vers leur concrétisation définitive et nous sommes satisfaits de l’évolution des choses. Ce qui consolide notre relation davantage, tous les jours.
- Le 5e sommet Union africaine- Union européenne s’est achevé le 30 novembre sur le thème « Investir dans la Jeunesse pour un avenir durable ». Est-ce l’urgence des pays africains ?
– Comme chacun sait, la croissance démographique, en Afrique, est l’une des plus importantes au monde. Et pour faire face aux besoins pressants de cette jeunesse (Education, Santé, Infrastructures, Formation professionnelle, Emploi, etc.) il s’agit pour les pays d’Europe et ceux du continent de nouer un partenariat, d’un genre nouveau, basé sur l’intérêt commun avec une vision d’un développement harmonieux pour tous.
Il y a une prise de conscience sans précédent du fait que la jeunesse est effectivement la priorité du continent. Elle représente plus de 50% de la population et ainsi, il faut veiller, impérativement, à son épanouissement politique, économique et social pour préserver la cohésion et la paix sociale et assurer le décollage économique avec toutes les forces vives des pays d’Afrique.
Sans des actes forts et rapides, tout le monde est, désormais, conscient que la crise migratoire ne fera que s’accentuer. Et dans des années, nous allons constater que nous n’avons pas, suffisamment, avancé pour endiguer durablement cette problématique qui, d’ailleurs, ne doit pas être le seul facteur qui motive ce nouveau partenariat.
En effet, le développement économique et social, réel et effectif, des pays d’Afrique, doit être au coeur de la réflexion et de la motivation et non pas proposer des mesures conservatoires conjoncturelles et forcément temporaires pour endiguer la migration.
Enfin, le sommet UE-UA a été un véritable succès diplomatique pour le Maroc avec la présence effective de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, qui a été reconnu par ses pairs comme un leader incontournable qui a à coeur de joindre le geste à la parole grâce à toutes les initiatives modèles, sociales et économiques, lancées dans une multitude de pays du continent. Telle est la voie à suivre et nous espérons que la dynamique impulsée par le Maroc sera suivie par beaucoup d’autres pays.
- Excellence, quel bilan faites-vous de cette année ? Autrement dit, pouvez- vous nous parler un peu des progrès réalisés, des défis rencontrés et quelles sont vos attentes pour les prochaines années ?
– Comme je l’ai dit précédemment, 2017 a été une année très intense et très positive pendant laquelle les relations avec la Côte d’Ivoire se sont renforcées davantage. Ce progrès, constant et notable, est dû aux contacts et à la présence de cette mission sur le terrain, mais aussi à la concrétisation de plusieurs projets et à la signature de nouvelles conventions dont les effets seront concrets, dans les années à venir.
2018 sera envisagée dans le même esprit dynamique afin de voir tous les projets avancer dans le respect des délais de réalisation et l’ouverture de nouveaux horizons de collaboration dans le domaine culturel, social, et économique.
Comme vous l’avez si bien dit, c’est énormément de travail mais je ressens tous les jours l’honneur, le privilège et la responsabilité de représenter le Royaume, et ainsi, j’accomplis ma mission avec fierté, ainsi qu’avec une grande motivation, et une forte détermination d’être toujours à la hauteur de la confiance de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste.