Accès aux logements sociaux : les députés appellent le gouvernement à des mesures urgentes
Au Maroc, le secteur du logement connaît une flambée des prix qui menace la promesse de logements sociaux accessibles. Alors que les premiers logements (d’une superficie variant entre 60 et 70 mètres carrés) se négocient à plus de 500 000 dirhams, la classe moyenne et les ménages modestes, déjà durement touchés par une inflation, peinent aujourd’hui à accéder à ces habitations. Le gouvernement est appelé à ne pas dévoyer les principes de ce programme social.
La question des logements sociaux suscite l’inquiétude des parlementaires, qui dénoncent les dérives d’un programme initialement conçu pour offrir une alternative abordable aux populations vulnérables. Certains élus n’hésitent pas à qualifier cette situation de dévoiement, affirmant que le programme s’éloigne de sa mission originelle en raison de la cupidité de certains promoteurs immobiliers.
Dans une intervention marquée par l’urgence, plusieurs députés ont pointé du doigt les promoteurs qui, selon eux, privilégient des stratégies commerciales lucratives au détriment de l’accessibilité. Ces logements, qualifiés de « boîtes d’allumettes », sont vendus à des prix jugés exorbitants, excluant de fait les familles aux revenus moyens et limités du marché du logement. La ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et du Développement urbain, Fatima Ezzahra El Mansouri, a tenté de rassurer les parlementaires en expliquant que son ministère travaille en collaboration avec la Chambre des Notaires pour réduire les frais liés aux démarches notariales et ainsi faciliter l’accès à la propriété.
Malgré les efforts du gouvernement pour octroyer un soutien financier direct aux acquéreurs, les élus estiment que cette aide se révèle largement insuffisante face à la spéculation du marché. « Ce soutien, même s’il va directement aux citoyens, est en réalité absorbé par les promoteurs qui augmentent leurs prix », ont-ils souligné, rappelant que certaines unités d’à peine 50 mètres carrés sont proposées à près de 450 000 dirhams. Pour eux, la hausse constante des prix immobiliers efface l’effet des subventions publiques et éloigne encore davantage les citoyens de la possibilité d’acquérir un logement.
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La ministre a répliqué en soulignant les résultats encourageants du programme, notant que le nombre de candidatures a connu une augmentation significative ces derniers mois, atteignant 3 500 demandes par mois contre 2 500 en début d’année. Elle a également cité des indicateurs positifs dans le secteur de la construction, tels qu’une hausse de 14 % du nombre de projets approuvés et une progression de 8,24 % dans les ventes de ciment, ce qui témoigne, selon elle, du dynamisme relancé de ce secteur clé de l’économie. Par ailleurs, les transactions immobilières et les crédits destinés aux promoteurs affichent respectivement des augmentations de 12,1 % et 5,57 %.
Offre vs demande : un marché en quête de solutions
Face à l’insistance des députés pour une régulation plus stricte, la ministre a néanmoins rappelé que le marché immobilier est soumis aux lois de l’offre et de la demande, limitant ainsi les possibilités d’une intervention directe de l’État sur la fixation des prix. Cependant, ce constat semble insuffisant pour les élus, qui estiment que le gouvernement doit prendre des mesures plus fortes pour garantir un accès réel au logement aux citoyens aux revenus modestes, d’autant plus que les promoteurs semblent en mesure de dicter des prix qui vont au-delà des moyens de cette population cible.
Les élus ont également mis en exergue l’impact de la situation actuelle sur la précarité des ménages, notamment ceux de la classe moyenne. En effet, outre le poids des prix immobiliers, ces foyers doivent faire face aux effets dévastateurs de l’inflation qui érode leur pouvoir d’achat, rendant l’accès au logement presque illusoire. À leurs yeux, le programme de logements sociaux risque d’échouer dans sa mission s’il ne s’adapte pas aux réalités économiques actuelles, et ils en appellent au gouvernement pour reconsidérer la stratégie actuelle.
Des défis structurels pour le secteur du logement social
Ce débat parlementaire révèle des équations complexes de manière structurelle dans le secteur du logement social au Maroc, où la spéculation immobilière et la hausse des coûts des matériaux de construction contribuent à maintenir les prix à des niveaux élevés. Bien que le programme gouvernemental semble avoir donné une impulsion aux petites et moyennes entreprises de construction, qui sont responsables de 87 % des projets de logements, il n’en demeure pas moins que la hausse des prix réduit drastiquement la portée de ces initiatives.
Dans ce contexte, les députés exhortent le gouvernement à envisager des mesures telles que la fixation de plafonds de prix, le renforcement des contrôles sur les marges pratiquées par les promoteurs et la promotion de partenariats public-privé pour élargir l’offre de logements abordables. Pour eux, seule une approche plus audacieuse et mieux encadrée permettra de répondre efficacement aux besoins d’un nombre croissant de familles marocaines qui rêvent de devenir propriétaires, sans pour autant en avoir les moyens.
La question demeure donc entière : le programme de logements sociaux pourra-t-il réellement atteindre ses objectifs en matière de justice sociale et de lutte contre la précarité, ou continuera-t-il à alimenter une bulle spéculative, au détriment des citoyens qu’il était censé soutenir ?