AD Talks 2020 : « les capacités de santé comme nouvel instrument de pouvoir »
Dans le cadre de la conférence annuelle « Atlantic Dialogues Talks », organisée par le Policy Center for the New South sur le thème de « La crise Covid-19 vue depuis l’Atlantique Sud », un compte-rendu a été réalisé pour résumer le déroulement relatif à la 4ème session qui a eu lieu hier jeudi 19 novembre, sur le thème: « Les capacités en matière de santé comme nouvel instrument de pouvoir ».
Le débat, modéré par Richard Lui, journaliste américain et présentateur de télévision (MNSBC, NBC), a traité de la crise Covid-19 sous l’angle des relations internationales et de l’accès aux vaccins.
Voici le compte-rendu de la 4ème session des « AD Talks » 2020
Obiageli Ezekwesili (Nigeria), Conseillère économique senior de l’Africa Economic Development Initiative (AEDI), a rappelé que « l’Afrique, par quelque providence divine, a été la région la moins affectée par la pandémie Covid-19, avec 1,9 million de cas confirmés et 48 000 décès, beaucoup moins que dans d’autres régions du monde. Cela ne veut pas dire que l’Afrique fait bien, mais que nous avons été sauvés ! Si nous avions été touchés comme l’Europe ou les Etats-Unis, nous n’aurions pas été capables de répondre du tout ».
Poursuivant son analyse sur le plan des relations internationales, l’ancienne co-fondatrice de Transparency International a ajouté : « Lorsque je pense à la manière dont l’Europe s’est trouvée prise entre la Chine et les Etats-Unis, je vois une opportunité manquée. L’Europe devrait se dresser en partenariat avec des continents comme l’Afrique pour aller à la table de négociations avec un nouveau point de vue, une capacité d’arriver avec de nouvelles règles pour modeler le monde post-Covid. Les gens ont plutôt joué des politiques intérieures, afin d’éviter d’importantes décisions politiques globales ». Cette voix importante ancrée au Nigeria en a profité pour appeler à un « ordre mondial plus équitable et gobal, afin d’inclure des voix et des perspectives de divers continents ». Elle a également souhaité un « nouveau paradigme de développement susceptible de mettre l’humain au centre, plutôt que le cuivre, l’or ou le pétrole ».
Quelle stratégie de distribution des vaccins ?
Anand Reddi (USA), directeur de Gilead Sciences Inc, s’est interrogé sur les derniers développements, prometteurs, autour du vaccin contre le Coronavirus. « Les compagnies pharmaceutiques montrent un grand enthousiasme, mais à quoi va ressembler la stratégie d’accès au vaccin en Afrique subsaharienne ou en Asie de l’Est ? Des organisations multilatérales majeures comme l’Unicef vont-elles aider à distribuer les vaccins ? Cela implique un financement majeur de la part des donateurs clés. Nous avons tiré les leçons de la réponse au virus HIV, avec des systèmes de licences volontaires pour produire des génériques, comme en Inde, en grandes quantités et à bas prix. La concertation que doit l’Occident au reste du monde devrait s’assurer que le vaccin sera largement distribué. Le virus ne sera jamais endigué sans stratégie globale et exhaustive de vaccination ».
Cet expert a estimé que le chemin reste long, « avant que le vaccin ne soit distribué dans le monde occidental, et encore plus long avant qu’il ne parvienne à d’autres régions du monde. Nous ne disposons pas, actuellement, du leadership, des institutions globales et des systèmes pour mettre en œuvre des stratégies accessibles et bon marché d’accès au vaccin. Le Covid-19 apporte une opportunité au multilatéralisme de développer la même coopération globale dont nous aurons besoin pour faire face au changement climatique. En général, il nous faut un cataclysme pour nous rassembler, j’ai donc bon espoir qu’au travers des ténèbres, nous puissions voir la lumière ».
Un besoin de coopération globale renforcé
Kheston Walkins (Trinidad and Tobago) PDG et chef de la « neuro-innovation » de la société Allegori, est revenu sur le caractère central de la santé mentale dans le « maintien du tissu social », et a insisté sur la nécessité du partage de données scientifiques afin de « mieux se préparer à l’avenir ». Sans se faire d’illusions, il a cependant affirmé que « si nous devions revivre 2020, nous rencontrerions les mêmes défis, qui incluent l’approvisionnement en médicaments, les compagnies pharmaceutiques ayant subi des pressions pour satisfaire d’abord les besoins des marchés intérieurs, plutôt que d’exporter ».
Témoignant de son expérience de Caribéen, il a expliqué que « la communication entre le gouvernement et la population a bien fonctionné, par le biais de points presse quotidiens, avec différents ministres qui ont envoyé un message d’unité ». Ce jeune scientifique, membre de la communauté des Atlantic Dialogues Emerging Leaders (ADEL), a toutefois regretté une « fragmentation massive, une mauvaise communication et de la désinformation » dans la crise Covid-19 au niveau mondial, ce qui a généré de la « médiance et de moins bons niveaux de conformité » aux mesures barrière préconisées.