Affaire du terroriste Thomas Gallay : le Maroc n’est pas une « république bananière »
Par Hassan Alaoui
C’est en février 2016 que l’équipe du BCIJ ( Bureau central d’investigations judiciaires) a procédé à la neutralisation et l’arrestation d’un ressortissant français, dénommé Thomas Gallay. La raison de cette interpellation, suivie d’une enquête menée par le parquet, ensuite d’une instruction et d’une condamnation par la justice marocaine à 6 ans de prison, n’est ni plus ni moins que l’appartenance à un groupe terroriste, comme il en sera démontré.
Deux ans se sont passés, et voilà que l’affaire rebondit non sans nous interpeller, car la mère du condamné, Béatrice Gallay, mettant à profit la petite période de vacances du président Emmanuel Macron au lieu de sa villégiature au Fort de Brégançon, y a fait le siège et, finalement, a été reçu par ce dernier. La chaîne de télévision BFMTV, regardée par un large public, a rendu compte dimanche soir dans ses éditions de cette audience indiquant que la « mère du détenu a demandé au président de la République la libération et le rapatriement de son fils Thomas Fallay ». Elle a précisé même que Béatrice Gallay avait adressé en mai dernier une lettre à Emmanuel Macron, demeurée dans réponse où elle le sollicitait pour intervenir auprès des autorités marocaines afin de libérer son fils, ajoutant : « Je luis fais confiance ( à Emmanuel Macron), de toute façon je pense que c’est la seule personne à même de résoudre ce problème ».
L’information diffusée par BFMTV, reprise en boucle, suscite en effet autant d’intérêt que d’interrogations. Quand bien même le chef de l’Etat français aurait accédé à la demande d’audience de Béatrice Gallay, alors qu’il passe des vacances familiales et demeure en principe inaccessible, et qu’il aurait promis de faire de son mieux pour « trouver une solution à sa requête », rien n’est moins sûr ! Un président de la République française, trempé dans la règle de droit, respectueux de l’indépendance de la justice, a fortiori d’un pays étranger, peut-il passer outre le principe fondamental de l’exécution de la peine ?
Georges Thomas Gallay, ingénieur de son état de 37 ans a été, assure-t-on, « condamné en février 2016 à 6 ans de prison pour soutien financier et logistique à une cellule terroriste ». L’histoire, comme le proclame sa mère, qu’il a été condamné pour avoir « prêté environ 70 euros à un homme radicalisé », est une fable, une histoire à dormir debout. Comme si la justice marocaine, les services de sécurité, les équipes du BCIJ avaient mobilisé tout leur arsenal, et s’étaient lancés dans la course d’un homme pour quelques dérisoires 70 euros…
Comme si Emmanuel Macron, et c’est plus grave, allait si facilement croire à de telles sornettes. Ni les mensonges de Béatrice Gallay, ni encore moins les grotesques accusations de lancées par Maître Franck Berton qui assure avec d’autres la défense du condamné, ne résistent pas à l’examen, les autorités du Royaume – comme aussi celles de la France – ayant à plusieurs reprises détricoté, démonté et mis à nu leurs arguments et leur mauvaise foi. A chaque fois ils se sont vu opposer les faits têtus, irrésistibles : Georges Thomas Gallay s’était converti au radicalisme islamiste des années avant 2014, date à laquelle il a commencé à entretenir une liaison régulière avec le chef de la cellule démantelée le 18 février 2016. Il convient de souligner que cette cellule est considérée comme l’une des plus dangereuses que le BCIJ ait eu à démanteler.
Comme l’enquête et l’instruction l’ont démontré tour à tour, Georges Thomas Gallay, ingénieur en électronique, a mis ses compétences et son savoir-faire au service du groupuscule terroriste, soit 10 personnes au total, à la fois pour « visionner du contenu extrémiste et violent et pour sécuriser la logistique informatique du groupe ». C’est ainsi qu’à Essaouira où il s’était installé, Georges Thomas Gallay accueillait chez lui des réunions et des terroristes pour planifier des embrigadements et des séances d’endoctrinement et d’allégeance à Daech, consistant à glorifier ses crimes, ses meurtres, ses violences barbares et sa propagande criminelle avec, par exemple, un autodafé du pilote de chasse jordanien froidement assassiné.
L’ingénieur français a pris part, pour ne pas dire à organisé le process de ces mises en scène sinistres et son implication ne saurait, comme il l’a bel et bien avoué lui-même, se limiter à « un prêt de 70 euros accordé à long terme à un individu ». Sa maman, quelle que soit l’émotion qui l’anime, ne peut plaider l’innocence voire la présomption d’innocence – pilier de la justice – au prétexte fallacieux que c’est une justice étrangère, marocaine en l’occurrence, qui l’a condamné ! Son fils a été confronté à des preuves matérielles plus que convaincantes : A El Jadida, dans la « planque » de la cellule dont il s’occupait, les services du BCIJ ont saisi un impressionnant lot d’armes capables de décimer une ville entière : des fusils automatiques, des pistolets, des dizaines de munitions.
Pis : la police a saisi des bocaux qui contenaient une dangereuse substance capable de mettre instantanément fin à la vie d’un être humain en quelques minutes à peine, peu importe le moyen par lequel cette matière toxique dangereuse lui est administrée.
La mauvaise foi délibérée de la défense
Maître Berton, chef de file des avocats de la défense, ne tarit pas de reproches et se répand en procès de mauvaise foi contre la justice marocaine, lui reprochant sa procédure expéditive. C’est peu dire qu’il s’agit-là, et c’est le cas de le dire, d’un « procès en sorcellerie » ! Le condamné français a bénéficié de toutes les garanties légales dès son arrestation, puisque le Consulat général de France a été averti le jour même de son arrestation, le 18 février 2016, et le même jour les enquêteurs lui ont signifié qu’il a droit à un avocat. Et le 26 février, il a pu rencontrer Maître Abderrahim Jamaï, considéré comme l’un meilleurs du barreau.
Par ailleurs, les interrogatoires ont été organisés dans une totale transparence, avec un souci affirmé de respecter la règle de droit, les officiers de la police judiciaire traduisant scrupuleusement pour lui le contenu intégral de tous les PV avant sa signature, sachant qu’il ne parle, ni écrit la langue arabe. En dépit de toutes ces précautions, s’en tenant à la règle de respect, ne ménageant aucun effort pour rendre la procédure juste et impartiale, les autorités judiciaires marocaines se sont vu taxer de tous les reproches et devenir l’objet d’hallucinantes attaques qui confinent à l’insulte.
Plus grave, ces « agressions » verbales n’épargnent pas les autorités françaises elles-mêmes, que Mme Béatrice Gallay et ses amis prennent à partie, ignorant que la justice est applicable à tous, qu’il n’est pas de privilégié dans une affaire de terrorisme contre lequel la France engage une lutte sans merci. Ignorant cette donne, passant outre, la maman de Georges Thomas Gallay a été reçue à sa demande le 5 janvier 2017 par la Consule générale de France à Rabat, Mme Florence Causse Tissier, qui lui a simplement signifié une fin de non-recevoir et au nom de la non-ingérence l’impossibilité d’intervenir en quoi que ce soit, arguant que le « Consulat ne peut intervenir dans ce genre d’affaires, le Maroc étant un Etat souverain doté d’une justice indépendante »…
Georges Thomas Gallay devrait de toute évidence, sauf miracle, purger sa peine au nom de la loi, c’est-à-dire jusqu’en 2020 ! Au même titre que toutes celles et tous ceux qui sont condamnés pour terrorisme, incitation à la violence, tentatives de meurtres, de déstabilisation et d’atteinte à la sureté de l’Etat…En janvier 2015, le Maroc a procédé à un renforcement conséquent de sa législation antiterroriste par l’adoption par le Parlement d’un nouveau dispositif complétant celui de 2003 qui avait suivi les attentats de Casablanca. Entre autres caractéristiques, il est clairement affirmé la souveraineté de la justice nationale envers tout étranger interpellé au Maroc. De la même manière, la justice française ne saurait soustraire au code pénal, par exemple, un ressortissant marocain venu semer la terreur sur le territoire français…
Aussi bien Mme Béatrice Gallay que, dans le même esprit, le président de la République française, devraient souscrire au credo de la souveraineté et de l’indépendance de la justice et, dans le cas qui nous intéresse ici du jugement prononcé il y a deux ans qui ne souffre nulle ambiguïté juridique. Le vieux dicton de « personne n’est au-dessus de la loi » nous prend par la nuque pour ne pas imaginer qu’une intervention intuitu personae…, fût-elle du président de la République, ombrageux militant de la règle de droit, pourrait aisément enjamber celle-ci, et pousser d’autres cas à crier à l’injustice…
Pour le plus grand malheur de Mme Béatrice Gallay, le Maroc n’est pas une république « bananière »…