Affaire Samir : Suspension provisoire de l’arbitrage CIRDI
Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements a accédé à la demande du Maroc de suspension provisoire d’une sentence arbitrale.
Un nouveau rebondissement judiciaire. Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a accepté la demande du Maroc de suspendre temporairement l’exécution d’une sentence arbitrale controversée. Cette décision survient après que le CIRDI, en juillet dernier, a ordonné au Royaume de verser 150 millions de dollars à la société suédoise Corral Petroleum, en guise de compensation pour l’expropriation présumée de la raffinerie Samir, située à Mohammedia. Ce report temporaire laisse entrevoir une fenêtre stratégique pour le Maroc, qui entend poursuivre ses contestations judiciaires afin de renverser ou modifier cette sentence.
L’affaire remonte à la saisie en 2015 de la raffinerie Samir, alors en proie à d’importantes difficultés financières. Corral Petroleum, principal actionnaire, avait accusé le Maroc d’avoir procédé à une expropriation illégale, en violation des termes du traité bilatéral d’investissement signé entre le Maroc et la Suède. Parmi les griefs avancés figuraient le gel des comptes bancaires de la Samir, l’interdiction d’accostage imposée aux navires transportant du pétrole brut au port de Mohammedia, et l’absence de mesures concrètes pour garantir la viabilité économique de l’infrastructure.
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La sentence initiale émise en juillet avait marqué une victoire partielle pour Corral Petroleum, qui réclamait une indemnisation pour les pertes liées à cette expropriation. Toutefois, la Convention CIRDI prévoit des recours limités après une sentence arbitrale. C’est sur cette base que le Maroc a déposé une demande d’annulation partielle, laquelle a été acceptée par le CIRDI, permettant ainsi de suspendre provisoirement l’exécution du jugement.
Face aux accusations portées par Corral Petroleum, le gouvernement marocain a constamment démenti toute forme d’expropriation abusive. Selon les autorités marocaines, les mesures prises étaient conformes à la législation nationale et visaient à protéger les intérêts économiques du pays. Le Maroc impute la faillite de la raffinerie à la gestion défaillante de son actionnaire majoritaire, accusé de ne pas avoir honoré ses engagements financiers pour renflouer l’entreprise.
Dans ce contexte, le Royaume s’appuie sur l’argument selon lequel les difficultés économiques de la Samir étaient structurelles et imputables à des décisions internes à l’entreprise. En outre, le Maroc affirme que ses actions étaient nécessaires pour éviter un effondrement plus vaste du secteur énergétique national.
Malgré la suspension provisoire, la sentence arbitrale demeure juridiquement contraignante dans le cadre de la Convention CIRDI, sauf si elle est annulée ou modifiée à l’issue des recours engagés. Les spécialistes du droit international notent que ces procédures sont souvent longues et complexes, mais qu’elles offrent au Maroc une occasion de faire valoir ses arguments devant un panel différent d’arbitres.
Pour Corral Petroleum, l’enjeu est tout aussi crucial. La société suédoise voit dans cette affaire un test pour la crédibilité des protections offertes par les traités bilatéraux d’investissement. Une issue favorable renforcerait la position des investisseurs étrangers face à des États accusés de ne pas respecter leurs obligations internationales.
Au-delà de l’affrontement juridique, cette affaire révèle les tensions sous-jacentes entre les intérêts économiques nationaux et les attentes des investisseurs étrangers. La gestion de la raffinerie Samir, jadis fleuron de l’industrie énergétique marocaine, est devenue un symbole des défis auxquels font face les États en matière d’équilibre entre souveraineté économique et attractivité pour les capitaux étrangers.
Alors que le CIRDI poursuit l’examen des demandes d’annulation et que les deux parties préparent leurs argumentaires, le sort de cette sentence arbitrale pourrait avoir des conséquences majeures sur la perception du climat d’investissement au Maroc. Plus largement, l’issue de ce litige pourrait également influencer les stratégies des États et des entreprises face aux risques juridiques liés aux investissements transnationaux.