Afrique : Migration et intégration régionale
Par Sarah BOUKRI*
Les pays africains œuvrent dans le sens d’une intégration régionale, notamment dans le cadre de la Zone de Libre-Échange Continentale (ZLECAF), et le rôle de la migration dans le développement s’élève au rang de priorité.
L’Afrique est le continent où on enregistre les plus hauts indices de développement dans le monde. Sa démographie représente une réelle richesse. Près de 80% de la migration africaine se déroule à l’intérieur du continent. La question de la migration est donc d’abord une question africaine.
L’enjeu le plus important de la migration reste l’intégration des immigrés dans leurs sociétés d’accueil. Les Objectifs de Développement Durable ont clairement abordé la relation entre migration et développement et le Pacte Mondial sur les Migrations a souligné l’importance de la reconnaissance mutuelle des compétences et qualifications des migrants.
Le Maroc et sa nouvelle dynamique migratoire
Le cas du Maroc est très intéressant. Au fil des années, sa dynamique migratoire a connu des changements notoires ; alors qu’il n’était qu’un pays de départ et de transit, il est progressivement devenu un pays de destination.
Cette nouvelle dynamique migratoire est révélatrice de la dynamique économique du Maroc. Quand on sait que le degré de développement d’un pays se mesure aussi à sa capacité à attirer les immigrés, elle doit être donc perçue positivement !
Pour répondre à cette nouvelle donne, les autorités chérifiennes ont mis en place deux mesures importantes, à savoir la prise en compte de la question de la protection des droits des migrants au sein de la nouvelle Constitution de 2011 et la mise en place de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile.
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Ces mesures ont valu au Maroc le titre de champion de la migration en Afrique et le pays continue d’exprimer sa volonté de jouer un rôle de leader de la coopération africaine, en particulier dans le domaine de la migration.
Plusieurs spécialistes ont relevé la corrélation existante entre l’accès à l’emploi et la reconnaissance des compétences des travailleurs migrants. On entend par reconnaissance des compétences la reconnaissance des diplômes, mais aussi la reconnaissance des savoir-faire.
Au Maroc, comme dans beaucoup de pays, l’obtention d’une équivalence des diplômes est obligatoire. Toutefois, cette contrainte est commune à tous les détenteurs de diplômes étrangers.
Aussi, les procédures afférentes à la reconnaissance du savoir-faire plus communément appelée procédure de Validation des Acquis existe mais n’est pas généralisée, qu’il s’agisse des nationaux ou des étrangers.
Le secteur informel reste, par conséquent, le plus attractif pour les immigrés non diplômés ou dont les qualifications et/ou les diplômes ne sont pas reconnus. En effet, même s’il se caractérise par sa précarité, il ne présente que peu de contraintes pour y accéder.
La question de l’immigration et plus particulièrement la reconnaissance et le développement des compétences des migrants soulève de sérieux défis.
Un des challenges est lié à l’emploi des immigrés qui sous-entend un défi lié à leur intégration. Un autre, sous-jacent au premier est lié aux procédures et lois en place lesquelles, à cause de leur lenteur et leur complexité, ne sont pas toujours compatibles avec les ambitions du Maroc sur le continent.
L’emploi des migrants est une priorité, il est important de leur offrir l’occasion d’être de véritables acteurs dans leur pays d’accueil qu’est le Maroc, et de contribuer à la production de richesses tant au niveau socio-culturel qu’au niveau économique.
En effet, une nouvelle approche de la politique de l’emploi est souhaitable. Elle permettra au Maroc de s’adapter aux changements importants du paysage économique et démographique. Lesquels changements sont impulsés par les nouvelles dynamiques migratoires favorisées par la politique africaine du Maroc initiée par sa majesté le Roi Mohamed VI.
De ce fait, il semble indispensable de porter un regard nouveau sur le marché du travail et de prendre en compte les nouveaux paradigmes qu’impliquent les mouvements migratoires.
Par ailleurs, compte tenu du fait que la problématique de l’emploi a été aggravée par la pandémie, ne faudrait-il pas également encourager et/ou orienter de plus en plus les immigrés vers l’auto-entrepreneuriat ? Il ne faudrait pas qu’ils s’installent durablement dans l’informel. Ce dernier coûte beaucoup plus cher à l’État que le statut d’autoentrepreneur.
Cette jeunesse qui se déplace à travers le continent africain, quand elle est bien prise en charge, peut constituer une richesse inestimable. La formation et l’emploi restent les voies les plus efficaces pour que l’Afrique préserve et fasse fructifier cette richesse, et cette jeunesse ne peut que le lui rendre bien !
*Docteur en Sciences Politiques
Experte en migration