Algérie : La purge des oligarques ne suffit pas
Par Saad Bouzrou
L’incarcération en début de semaine de plusieurs hommes d’affaires algériens impliqués dans des affaires de corruption, suivie par le limogeage du patron de Sonatrch et l’enquête sur l’ancien ministre de l’énergie Chakib Khelil, n’ont pas entièrement réconforté les Algériens qui se préparent aujourd’hui pour un 10ème vendredi consécutif de manifestations à travers le pays. Alors pourquoi ces décisions n’ont pas suffi à calmer la contestation ?
Depuis la déchéance de Bouteflika le 2 avril après 20 ans à la tête de l’Etat, le général Gaïd Salah a multiplié les effets d’annonce pour essayer de calmer les esprits algériens en colère contre la «mafia» et les «voleurs», qui incarnent à leurs yeux les oligarques ayant fait fortune grâce au détournement de l’argent public et la corruption, transformant ainsi le pays en une ploutocratie de fait.
Les frères Kouninef, Issad Rebrab, Chakib Khelil et Ould Kaddour ont été cette semaine les premiers à avoir passé l’arme à gauche à cause de celui qui a voulu rejouer Charles Bronson dans «un justicier dans la ville», sauf que pour les Algériens, son film semble tourner au navet. En effet, de nombreux manifestants ne croient pas en la sincérité de ses décisions. Certains ajoutent que les vrais responsables de la crise n’ont jamais été inquiétés par la justice. D’autres y voient une guerre intestine parce qu’elle touche principalement des proches de Bouteflika. Ses appels répétés à «accélérer la cadence» des enquêtes anticorruption ont été qualifiés par la presse algérienne «d’injonctions» lancées par un chef d’état-major de l’armée de jure et homme fort du pays de facto.
Les Algériens manifestent également aujourd’hui parce que les Apparatchiks ayant accompagné Bouteflika durant près de deux décennies, à l’instar du président par intérim Abdelkader Bensalah et Noureddine Bedoui, autre fidèle dévoué, toujours premier ministre, forment un «gouvernement de la honte», comme le nomment les manifestants.