Algérie: l’armée écarte toute libération de manifestants détenus
Le chef d’état-major de l’armée algérienne a écarté mercredi toute libération de manifestants détenus pour avoir porté des drapeaux berbères, invoquant « l’indépendance de la justice », au 4e jour d’une grève inédite des magistrats contre « la mainmise du pouvoir exécutif ».
Depuis juin, des dizaines de manifestants ont été placés en détention préventive pour avoir contrevenu à l’interdiction édictée par le général Ahmed Gaïd Salah de porter tout autre drapeau que l’emblème national dans les manifestations hebdomadaires contre le régime, dont l’Algérie est le théâtre depuis le 22 février.
Aucune disposition légale n’interdit le port d’un emblème amazigh (berbère), mais le parquet a inculpé ces manifestants d' »atteinte à l’intégrité du territoire national » et/ou de « profanation ou dégradation de l’emblème national », infractions passibles de dix ans de prison.
Dans un discours mercredi, le chef d’état-major de l’armée, coutumier des allocutions politiques lors de ses nombreuses visites sur le terrain, a qualifié de « propositions stériles et mort-nées » et « rejetées » les appels à la libération des contestataires, lancés notamment dans les manifestations.
« Le drapeau national est le symbole de la souveraineté nationale » et du « peuple algérien qui n’acceptera jamais que l’on porte atteinte à l’emblème national », a affirmé le général Gaïd Salah, confiant à la justice le soin « de se charger de ces affaires ».
« Etant l’un des symboles (…) de l’Etat de droit, elle jouit à présent de toute l’indépendance requise et s’exerce sans pressions ni diktats », selon l’homme fort du pays depuis la démission en avril, sous la pression de la rue, d’Abdelaziz Bouteflika.
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Les quelques manifestants déjà jugés –en province jusqu’ici– pour de tels faits ont été acquittés.
A Alger, entre 18 mois et deux ans de prison ont été requis contre 11 manifestants jugés dans deux procès séparés, mais les verdicts ont été reportés, mardi et mercredi, en raison d’une grève des magistrats qui paralyse les tribunaux du pays.
Cette grève, inédite dans un corps réputé docile à l’égard du pouvoir, vise à l’annulation d’un mouvement de mutations de quelque 3.000 magistrats –la moitié des effectifs, selon les syndicats–, décidé par le ministère de la Justice et vu comme une « mainmise du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire ».
Une partie de la magistrature s’était jointe à la contestation à son début, mais la justice avait été depuis reprise en main.
Elle a notamment placé en détention préventive plusieurs personnalités politiques et hommes d’affaires dans le cadre de vastes enquêtes anticorruption, réclamées par l’armée et soupçonnées de servir opportunément des luttes de clans au sein du pouvoir post-Bouteflika.
Une centaine de manifestants, militants et journalistes attendent aussi en prison leur procès pour de simples ports de drapeaux berbères ou publications sur les réseaux sociaux.
Le général Gaïd Salah s’est félicité mercredi de « l’adhésion inégalée » des citoyens à la présidentielle du 12 décembre, malgré le rejet massif du scrutin exprimé chaque semaine par les manifestants.
Ils dénoncent un scrutin organisé par un pouvoir encore aux mains d’anciens fidèles de M. Bouteflika et visant à perpétuer le « système » au pouvoir depuis l’indépendance en 1962.
« La présidentielle se déroulera à la date fixée », a martelé le général, qualifiant d' »ennemis de la nation » ceux qui s’y opposent et dénoncent à l’avance des fraudes.
« Toutes les garanties relatives aux élections ont été réunies (…) personne n’a le droit de prétendre que les circonstances ne sont pas favorables », a-t-il affirmé.
Avec AFP