Algérie – Maroc, voir autrement le drame actuel…
Agir pour la paix : le savoir-faire de la société civile
Par Ph.D. Jean-Marie HEYDT
Président d’honneur de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe
Ex-Président du Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe à Lisbonne.
Il ne se passe hélas pas une journée sans que nous puissions lire ou voir un argumentaire accablant qui désigne le Royaume chérifien comme responsable de tous les maux qui se produisent en Algérie. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rompues à l’initiative de l’Algérie… et depuis l’escalade se poursuit.
Que fait-on des peuples qui vivent, qui survivent et qui finalement sont victimes-prisonniers d’enjeux qui les dépassent ? Ont-ils voix au chapitre pour s’exprimer et en appeler leurs gouvernants à retrouver la raison ? La communauté internationale va-t-elle encore attendre longtemps, jusqu’au point limite de non-retour, pour agir en faveur des populations ?
Ne faudrait-il pas enfin en appeler à la société civile organisée, celle qui bénéficie d’un savoir-faire, celle qui est en capacité d’agir objectivement, celle qui sera en mesure d’établir un vrai dialogue transfrontalier ? Lorsqu’une culture, une langue, une éthique commune et/ou une religion, un espace géographique forment une nation, c’est avant tout des femmes et des hommes qui veulent prendre en main leur destin. Dès lors, cette société civile, riche de sa diversité, est en mesure de choisir des gouvernants, de former une armée pour se défendre, d’organiser une vie sociale, bref, de se doter des moyens nécessaires pour faire « Etat ». Lorsque cet ordre naturel des choses est confisqué par un groupe militaro-politique, le peuple doit pouvoir compter sur la société civile organisée. On la désigne ainsi, car elle est composée de femmes et d’hommes formés, expérimentés pour faciliter un dialogue objectif et la rencontre de toutes celles et ceux qui veulent contribuer à rétablir la paix. Les travaux du Conseil de l’Europe ont d’ailleurs reconnu dès 2009[1] l’importance du Code de bonne pratique pour la participation civile au processus décisionnel[2] pour conduire de telle opérations de dialogue.
Ce savoir-faire pour la paix doit permettre à ce que les acteurs de la société civile des deux pays concernés puissent travailler ensemble, sous l’égide d’un tiers, qui pourrait être une Organisation internationale telle les Nations-Unies, ou supranationale comme le Conseil de l’Europe, l’Union africaine, etc. L’objectif ne serait pas de faire « à la place » des spécialistes de la diplomatie mais de forger, en compléments des actions conduites, une voie pour le consensus et la paix.
Le peuple algérien, le peuple marocain voisin, doivent enfin pouvoir vivre en paix et construire un avenir non entaché par les attitudes irresponsables de certains de leurs dirigeants.
La paix des peuples est encore possible si la main tendue par le Commandeur des croyants, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et ce depuis des mois, peut enfin être acceptée par une main tendue de la part d’un leader algérien. L’agressivité n’est pas constructive et c’est pourquoi la société civile organisée non seulement croit à la force de la paix mais qui plus est, est en mesure de s’engager à la faire émerger.
Et si l’on faisait confiance à la société civile ?
[1] Je Présidais à cette époque la Conférence des OING du Conseil de l’Europe à l’initiative de ce Code.
[2] Le Code a été adopté par la Conférence des OING le 1er octobre 2009 et lancé officiellement à la session du Forum pour l’avenir de la démocratie, soutenu officiellement par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe à Kyiv le 21 octobre.