Amnesty accuse Khartoum d’attaques chimiques meurtrières au Darfour
Amnesty International accuse les forces gouvernementales soudanaises d’avoir procédé cette année à plusieurs attaques chimiques qui ont tué des civils dans une zone montagneuse du Darfour, dans l’ouest du Soudan.
Dans un rapport publié jeudi, l’ONG affirme qu’au moins une trentaine d’attaques à l’arme chimique ont été perpétrées entre janvier et septembre sur des villages de la région du Djebel Marra, dans le cadre d’une vaste campagne militaire contre les rebelles.
Le Darfour est le théâtre d’un conflit sanglant depuis 2003 quand des insurgés issus de minorités ethniques ont pris les armes contre le pouvoir de Khartoum, aux mains de la majorité arabe. Le président soudanais Omar el-Béchir a alors lancé une contre-insurrection violente.
Depuis, l’ONU estime que les combats ont fait au moins 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés dans cette une région composée de cinq Etats.
M. Béchir, réclamé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis dans cette région, avait solennellement annoncé début septembre que la paix était revenue au Darfour, un territoire grand comme la France.
Mais Khartoum en limite toujours l’accès aux journalistes et aux travailleurs humanitaires, même si une Mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine (Minuad) y est déployée depuis 2007.
Le Soudan, signataire depuis 1999 de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, a plusieurs fois demandé le départ de la Minuad.
Le rapport d’Amnesty, près de 100 pages, comprend des images d’enfants souffrant de brûlures chimiques, d’images satellite de villages détruits et de personnes déplacées, des extraits d’entretiens avec plus de 200 survivants et des analyses d’experts en armes chimiques.
Il « rassemble des preuves de l’utilisation répétée ces huit derniers mois de ce qui apparaît être des armes chimiques contre des civils, y compris de très jeunes enfants, par les forces soudanaises dans une des régions les plus isolées du Darfour », indique l’ONG.
Dans un communiqué, Amnesty estime qu' »entre 200 et 250 personnes ont pu mourir d’une exposition aux agents chimiques, pour beaucoup, voire pour la plupart, des enfants ».
L’ONG assure que les forces gouvernementales ont également procédé à des « bombardements sur des civils », « des meurtres illégaux d’hommes, de femmes et d’enfants » et des « rapts et viols de femmes » dans le Djebel Marra, une zone à cheval sur trois des cinq Etats qui forment le Darfour.
Ces attaques font partie d’une campagne militaire contre les rebelles de l’Armée de libération du Soudan-Abdel Wahid Nour (SLA-AW) et relèvent des qualifications juridiques de « crimes de guerre » et « crimes contre l’Humanité » d’après Amnesty International.
L’Organisation basée à Londres affirme par ailleurs que des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir leurs foyers depuis le début de cette offensive terrestre et aérienne dans le Djebel Marra, où se trouve les terres les plus fertiles du Darfour.
« Le Darfour est pris dans un cycle catastrophique de violences depuis treize ans. Rien n’a changé, sauf qu’aujourd’hui le monde ne regarde plus », estime Tirana Hassan, une responsable de l’ONG.