Analyse et détricotage du langage d’un épicier appelé Tebboune
Hassan Alaoui
On a dit et redit que le président de la République algérienne voue une haine irascible au Royaume du Maroc. Ce n’est plus un constat, ni une révélation mais bel et bien une confirmation. Parvenu au pouvoir le 19 décembre 2019 dans des conditions plus que controversées, quelques temps seulement après le « décès » suspect de son mentor , le général Gaïd Salah, Abdelmajid Tebboune a cru annoncer la couleur en faisant du Maroc la dimension spectrale de son « règne »…Aujourd’hui son ergotage médiatisé à la veille d’échéances électorales, polarisé sur le Maroc, nous interpelle et sa mégalomanie nous donne des haut-le-cœur pour ne pas juger nécessaire de réagir et d’y répondre.
On a souligné aussi qu’avant même son « élection » truquée avec moins de 30% de voix à la tête de l’Etat, il se faisait le parangon de l’antimarocanisme , reprenant à son compte la vielle rhétorique boumedièniste de « l’Algérie révolutionnaire et démocratique confrontée au royaume féodal du Maroc » ! Hassan II, tout à sa sagesse dialectique et de la réplique avait répondu, non sans superbe : « Depuis quand une Monarchie menacerait-elle une Révolution, si ce n’est le contraire ? »…
On en est toujours là ! Parvenu au pouvoir dans les mêmes conditions et avec les mêmes méthodes que tous ses prédécesseurs, autrement dit imposé par l’armée, Abdelmajid Tebboune ne peut pas ne pas s’inscrire dans la règle tracée par cette dernière depuis 1962. Il ne peut en aucun cas dévier le chemin et les objectifs fixés par elle. Hormis la morve et la mauvaise foi collées à son masque, il est tout au plus un président potiche. De la haine du Maroc, maquillée par un anachronique antimonarchisme, il en fait son déplorable fonds de commerce. Tempes calamistrées , bonimenteur président, méconnaissant les subtilités du pouvoir, je dirais même les simples et basiques réalités du pouvoir, démagogue à n’en plus finir, il caresse le peuple algérien dans le sens du poil, langage lubrifiant à l’appui quand il s’agit de le flatter, mais matraque et gourdin pour le réprimer, carotte et bâton à la fois, le manichéisme érigé en « préscience »…Pince-sans-rire, il nous apprend, nous apprenons avec lui que l’Algérie sauve le monde de la catastrophe, qu’elle est la première puissance africaine à vacciner son peuple , mais que son peuple ne veut pas de vaccin – qu’à cela ne tienne ! Et tant d’autres banalités et sornettes qu’un garçon de 10 ans ne s’amuserait point à dire.
Entre démagogie et dithyrambe
L’incohérence du propos global qui parcourt l’entretien accordé à l’hebdomadaire français « Le Point », digne d’un « journalisme couché », nous dévoile en fin de compte un personnage si imbu de lui-même et ne possédant aucun programme politique, économique et autre. Les auteurs de ce florilège d’autosatisfaction , pourtant si estimés, nous ont tellement désappointés qu’on en arrive à cette interrogation : pourquoi ce jeu de miroir narcissique ? Rien n’est moins sûr que l’objectivité annoncée dès l’exorde de l’entretien, à tout le moins une neutralité abécédaire. Bien au contraire, le dithyrambe est à l’œuvre, déployant mensonges et démagogie à tout instant, face à une réalité tragique que tout le monde, y compris et surtout le peuple algérien lui-même , dénonce avec force.
La situation algérienne proprement dite est comme cette métaphorique image d’une « ambulance sur laquelle l’on s’interdit de tirer ». En d’autres termes désastreuse. Au lendemain de son accession au pouvoir, le président Tebboune n’avait eu de cesse de louer l’action du Hirak qui a contribué à la chute du président Abdelaziz Bouteflika, son adversaire affaibli et usé par l’épreuve . Deux ans plus tard, transformé en janissaire de l’armée, le voilà qui rue dans les brancards et devient l’assassin des idéaux du peuple et le fossoyeur de ses rêves. Les revendications de ce dernier se font désormais pressentes et précises : « Nous rejetons l’Etat militaire, nous appelons à un Etat civil… » ! Ya-t-il une exigence plus précise que cette lapidaire phrase devenue un mot d’ordre ? Déployée comme un leitmotiv de plus en plus ouvertement sur les banderoles populaires, la presse et les radios ?
Il semble en effet que le langage des revendications du Hirak ait lui-même changé, lors même que la répression du pouvoir se soit renforcée, les arrestations se fussent plus violentes et arbitraires et la chape de plomb plus pesante. Le quotidien parisien « Le Monde » – que l’on ne saurait soupçonner d’antipathie envers le pouvoir algérien – s’est fendu pourtant d’un éditorial le samedi 5 juin, pour dénoncer la dérive « autoritaire », disons plutôt « totalitaire » d’un régime militaire qui fait de la répression l’unique et seule réponse aux contestataires, laissant bien évidemment la tache à M. Tebboune , qui croit fendre l’armure avec ses propos belliqueux, vaticiner à loisir devant les écrans et la presse à sa botte.
L’Algérie, un grand peuple dirigé par un nain politique
Comme le mythologique « lit de Procuste », le pouvoir algérien est mal taillé pour M. Tebboune, quand bien même il en réduirait à l’extrême les attributions des uns et des autres, concentrerait les siennes au détriment de la société civile et d’un Establishment devenu une caricature. L’Algérie est un grand pays, doté de ressources, mais dirigé par un nain politique, une sorte de satrape oriental venu au pouvoir par une ruse de l’histoire, une confiscation dans le sillage de généraux et de soudards chamarrés et corrompus. Abdelmajid Tebboune ne connait ni d’Eve ni d’Adam l’histoire de son propre pays, et d’autant moins celle du Maroc et du Maghreb qu’il n’a participé à aucune guerre de libération. Il n’a combattu ni à l’avant , ni à l’arrière de la glorieuse révolution algérienne, lancée un certain premier novembre 1954 , alors qu’il n’avait que…9 ans. De la réalité historique de l’Algérie, des compagnons d’armes comme on dit, de certains leaders assassinés par Boumediene, de la mainmise de l’armée sur l’Etat et la société, il n’en connaît que le catéchisme que les Renseignements algériens – DRS et autres – impriment dans la mémoire saccagée d’un peuple sacrifié sur l’autel du cynisme et de l’opportunisme.
La fraternité de Mohammed V enterrée
Tout de même, M. Tebboune nous apprend que les « Algériens aiment le peuple marocain , mais n’aiment pas la Monarchie »… Pourtant, c’est cette même Monarchie qui, au creux du combat de libération du peuple algérien dans les années soixante et soixante-dix, s’était tenue, engagée auprès et tout près de lui….C’est feu Mohammed V qui, confronté à l’insidieuse proposition de la France en 1962 lui suggérant de récupérer les territoires marocains du sud-est – Saoura, Bechar, Knadssa, Tidikelt, Touat et Tindouf – l’avait déclinée en répondant : « Nous en discuterons avec nos frères algériens une fois leur pays devenu libre et indépendant »….Il ne croyait pas si bien dire ! La générosité de cœur du Souverain et sa sincérité nous coûteront bien entendu très cher plus tard…Un an à peine après la libération de l’Algérie, ne voilà-t-il pas Ahmed Ben Bella, jeune chef d’Etat, lancé en octobre 1963 dans cette « guerre des sables » contre le Maroc pour annexer Figuig et sa région ?
Ne voilà-t-il pas déjà l’avant-goût de l’irascible expansionnisme algérien en œuvre ? Ben Bella, Boumediene et autres n’avaient-ils pas pignon sur rue à Oujda devenue des années durant leur terre d’élection et leur base arrière ? En novembre 1975, la rage au ventre, Boumediene jeta dehors pas moins de 350.000 Marocains, les obligeant à quitter dare-dare l’Algérie, un baluchon sur le dos, des enfants traînés, des familles dépouillées et déchirées, une image de détresse qu’aucune conscience n’eût acceptée ! Or, cette « face cachée » du régime algérien, M. Tebboune préfère l’enterrer sous la chape du mensonge, osant dire avec quel aplomb que « le Maroc agresse l’Algérie ». Plus bravache encore, il affirme : « Nous riposterons si nous sommes attaqués, mais je doute que le Maroc s’y essaye, les rapports de force étant ce qu’ils sont… » ! Jamais au grand jamais, de vrais chefs d’Etat qui l’ont précédé, notamment le tout dernier Abdelaziz Bouteflika, ne se serait laissé aller à ce glissement de langage, ni être aussi arrogant à la limite de la calomnie.
Mais bon, le Maroc en a vu d’autres…
Aujourd’hui , M. Tebboune n’a que deux ans et demi au pouvoir, or la Monarchie marocaine en est à quelque 14 siècles, si cumulés et sédimentés comme disait Michel Foucault qu’ils « constituent des continuités séculaires » – nous dirons millénaires ! La dimension de la Monarchie est d’abord biologique, viscéralement collée à l’histoire et à la mémoire du peuple du Maroc.
La Monarchie est l’âme du Maroc
Le Maroc, avec tout ce que ce nom implique comme connotation, la dimension civilisationnelle qu’il décline , est une « vieille » nation historique. Le dire et le répéter de nos jours ne saurait démentir une réalité incontournable ; et ne relève aucunement du fantasme ou d’une métaphore nostalgique. Rendant justice à l’histoire, immémoriale avec ses soubassements et son poids, la notion d’Empire chérifien du Maroc ne déroge pas, et jamais d’ailleurs à ce qui a depuis la nuit des temps contribué à faire du Maroc une Nation au sens littéral du terme. C’est-à-dire et pour reprendre une formule de Fernand Braudel une « continuité dans l’espace et le temps, qui concilie passé et présent ». Une unité nationale avec le poids et la profondeur de ce mot. Le Royaume, on ne cessera jamais de le souligner, est un Etat constitué en tant que tel depuis 14 siècles, un peuple fédéré dan sa diversité, une Monarchie aux attributions clairement tournées , malgré les vicissitudes de l’Histoire, vers le progrès et enracinée dans la longue durée.
Aucun Roi, dans tout ce fil conducteur qu’est la mémoire collective, n’a dérogé à cette exigence de faire avancer son pays. Et lorsqu’on évoque la pérennité monarchique, ce n’est pas céder à une clause de style, ce n’est pas non plus nous démentir, dès lors que c’est le régime monarchique qui, tout au long de notre histoire écrite et prouvée, a guidé ce pays et son peuple. Celui-ci, « uni et indivisible » comme on dit, a pour essence la Monarchie, le Roi Mohammed VI, qui est le bâtisseur du Maroc moderne et , en dépit de la fielleuse mauvaise foi de Tebboune, incarne l’unité, la souveraineté, la singularité de notre longue marche vers le progrès , la solidarité, l’universalisme inscrits sur le fronton téléologique de son règne.
Hassan Alaoui