Angola: l’ancien président José Eduardo dos Santos est mort en Espagne
José Eduardo dos Santos avait régné pendant trente-sept ans sur l’Angola avant de finalement mettre fin, en 2018, à 76 ans, à sa longue carrière politique. Il est décédé dans la clinique de Barcelone où il était hospitalisé depuis un arrêt cardiaque le 23 juin 2022, a annoncé le gouvernement sur sa page Facebook.
« Il veut l’honneur, mais ne rend pas l’honneur. » Dans son dernier message public, sur son compte Instagram, sous une photographie où il se montre tête baissée, les lèvres serrées, l’air déçu et songeur, l’ex-président angolais José Eduardo dos Santos a ces quelques mots énigmatiques. Sans autre commentaire. Et surtout, José Eduardo dos Santos laisse un faux doute planer sur ce « il » qui veut « l’honneur, mais ne rend pas l’honneur ». Ce « il », c’est bien sûr João Lourenço qui, depuis 2017, s’est lancé tambour battant dans une lutte contre la fraude et le blanchiment d’argent. João Lourenço, comme une boule lancée dans un jeu de quilles qui s’appelle le clan dos Santos.
Dans la famille dos Santos, la plus fortunée des femmes africaines, corrompue et corruptrice à l’œuvre dans les secteurs pétrolier et diamantifère, la fille : Isabel, surnommée par les Angolais « la Princesse ». Le fils : José Filomeno, BCBG, qui porte bien un sourire affable, est aux manettes du fonds souverain.
Les « Luanda Leaks »
Une fuite de très nombreux documents confidentiels analysés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dont RFI fait partie, a permis, fin janvier 2020, une plongée dans la gestion des affaires d’Isabel dos Santos et Sindika Dokolo, son époux. « Au total, il s’agit de plus de 715 000 fichiers, pour la plupart confidentiels.
José Eduardo dos Santos, incontournable
Qu’est-ce qui a préparé le petit José Eduardo à un tel destin, à imprimer pendant plusieurs décennies son empreinte sur l’Histoire du pays ? Son nom est lié aux premières années d’indépendance, à l’histoire du MPLA et de la révolution angolaise, à l’entrée dans le XXIe siècle du géant africain… José Eduardo, fils d’Avelino, maçon et paveur de son état, et de Jacinta, a la chance rare de faire des études. En 1961, à 19 ans, il rejoint le MPLA, alors organisation clandestine. Un mois plus tard, il rejoint l’antenne du mouvement de Léopoldville (actuelle Kinshasa).
Là, le machiavel s’épanouit. José Eduardo dos Santos gravit les échelons du MPLA. Ses compétences sont reconnues : il est désigné vice-président de la Jeunesse du mouvement. Le fin stratège est envoyé en 1963 à Bakou, en URSS, où il passe le diplôme d’ingénieur de pétrole et de télécommunications. Guerre froide oblige, tout homme politique ambitieux doit passer par la case Moscou. L’irrésistible ascension de dos Santos se poursuit et, en 1975, il entre de plain-pied au comité central et au bureau politique du MPLA, chargé de la gestion du Cabinda. Une emprise sur un dossier sensible, sur les plans politique et économique – le Cabinda, « poumon pétrolier » –, pour le pays. L’indépendance acquise cette année-là, il est propulsé ministre des Relations extérieures. Puis gagne des galons : il devient vice-Premier ministre et ministre du Plan, jusqu’au 10 septembre 1979.
Ce jour-là, Agostinho Neto, le premier président de l’Angola, meurt à Moscou. Dos Santos, logiquement, s’impose et lui succède. Il prend la main sur le MPLA et sur l’État angolais. Au pouvoir, une autre lutte s’engage, contre Jonas Savimbi et l’Unita, entre 1975 et 2002, date à laquelle prend fin la guerre civile. Vingt-sept ans de guerre civile. Caméléon politique, dos Santos le marxiste négocie des accords commerciaux avec les États-Unis et conforte son pouvoir en sapant l’attrait que pouvait exercer Savimbi à l’international, historiquement proche de certains milieux américains, israéliens, sud-africains et français. Maquis contre armée régulière, la guerre civile ravage le pays, plongé dans une déstabilisation chronique. Jonas Savimbi tombe sous les balles de l’armée le 22 février 2002. Une page d’Histoire est tournée. La guerre a fait officiellement 500 000 morts et un million de déplacés.