Après Charm-al-Cheikh, durs lendemains des COPS
Par Abdelhak ZEGRARI (*)
Pour les partisans du verre à moitié plein, la création d’un fonds « perte & dommage » destiné à aider les pays les plus vulnérables est une avancée significative et un point d’ancrage; certes, il s’agit de la mise en application du principe « pollueur-payeur », mais on peut se demander s’il ne légitime pas le droit de polluer !
On imagine aisément le capitaine du Titanic indemniser les passagers de la dernière classe… Or l’urgence est de s’attaquer aux causes du dégât , puisque le diagnostic est fait depuis longtemps. Ce fonds est absolument vital et ne fera que s’accroître, car plus la planète se réchauffera, plus les pertes et les dommages seront importants. La question est maintenant de savoir comment l’alimenter, en mettant à contribution les entreprises polluantes par le biais d’une taxe sur les bénéfices exceptionnels.
A la COP22 de Marrakech déjà, « parmi les nombreuses nouvelles annonces et initiatives lancées figuraient des mesures de soutien de plusieurs milliards et de plusieurs millions de dollars pour les technologies propres, le renforcement des capacités pour rendre compte des plans d’action sur le climat, et des initiatives visant à renforcer la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau dans les pays en développement ». On s’était engagé à abonder le Fonds Vert pour le Climat d’une centaine de millions de dollars destinés à aider à la transition énergétique et au développement, et consacré l’initiative de l’adaptation de l’agriculture africaine. Pour l’heure, on s’interroge sur les normes de transparence et de suivi afin d’évaluer les efforts de financement, et vérifier la bonne destination et le bon usage des aides par leurs bénéficiaires.
Il y a un an à la COP26 de Glasgow, la pression des mouvements climatiques avait conduit à la toute première mention des combustibles fossiles dans le texte final d’une négociation de l’ONU, même si ce texte comportait d’énormes failles. A Charm Al Cheikh, il s’agissait de faire mieux, en matière d’élimination progressive de tous les combustibles fossiles, mais les négociateurs e sont contentés d’un copier-coller de l’ancien texte, qui ne mentionnait même pas le pétrole et le gaz, avec des éléments de langage permettant le blanchiment écologique et le recours à des technologies non encore éprouvée, comme le captage et le stockage du carbone. Le texte final appelle également à « l’élimination progressive des subventions inefficaces aux combustibles fossiles ». Mais depuis le G20 de 2009 que l’expression « subventions inefficaces aux combustibles fossiles » a été utilisée, aucun critère n’a été fixé pour déterminer ce qui rendrait une subvention aux combustibles fossiles « efficace ». Cela a depuis été utilisé à mauvais escient pour couvrir la poursuite du financement public du charbon, du pétrole et du gaz.
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Finalement, au-delà des déceptions, les lenteurs des COP traduisent la crise profonde du multilatéralisme et de la gouvernance environnementale à l’échelle de la planète. Derrière chaque décision cruciale, il y a malheureusement des intérêts économiques ; la quête incessante de profits pousse à une surconsommation des ressources de la Terre. Le danger est là, notre maison brule et nous regardons…le feu !
Un petit point positif de la COP27 a été le lancement d’un nouveau programme de travail comprenant une réunion annuelle des ministres pour discuter de la transition juste – fournissant un forum pour les conversations qui ont déjà commencé.
Nous avons également assisté à un changement radical du soutien diplomatique en faveur de la fin de l’ère des combustibles fossiles. Au final, 80 pays ont fait des déclarations appelant à une transition vers l’abandon de TOUS les combustibles fossiles. Bien que cet appel n’ait pas pu être inclus dans le texte final, il s’agit d’un grand pas en avant. Si ces nations veulent vraiment contribuer à la gestion d’une transition mondiale juste, elles devraient rejoindre le Vanuatu et Tuvalu dans le développement d’un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, car il est clair que la CCNUCC seule n’est pas adaptée à l’objectif d’une élimination rapide et équitable de tous les combustibles fossiles.
Bien sûr, le véritable point positif de la COP27 a été la vitalité et l’énergie du mouvement. Pendant deux semaines, les parents et les jeunes, les peuples autochtones, les syndicats, les guerriers du Pacifique, les groupes de santé, les groupes religieux et bien d’autres ont fait un bruit incessant dans les salles de conférence pour demander une élimination progressive et équitable du pétrole, du gaz et du charbon.
(*) Abdelhak ZEGRARI Economiste, chercheur, UN Network on Migration