Assises nationales : Le Niger réinvente son modèle étatique
De notre envoyé spécial à Niamey Soufiane Guellaf
L’atmosphère est solennelle au Centre international de conférences Mahatma Gandhi de Niamey. Les regards sont tournés vers la tribune où s’apprête à prendre la parole le Général Abdourahamane Tiani, Chef de l’État du Niger et président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Ce samedi 15 février marque l’ouverture des Assises Nationales, un rendez-vous déterminant pour l’avenir du pays, rassemblant 716 délégués représentant les institutions administratives, la société civile, les chefs traditionnels et religieux, ainsi que les forces de défense et de sécurité.
Depuis les premiers rangs, les anciens présidents de la République, les ex-premiers ministres et les présidents de l’Assemblée nationale observent en silence. À leurs côtés, des délégations venues du Burkina Faso et du Mali sont présentes, illustrant la solidarité croissante entre ces pays de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Le Chef de l’État insiste dès l’entame de son discours sur les enjeux de cette rencontre. « Nous sommes ici pour refonder le Niger, loin des ingérences étrangères et des divisions partisanes, » déclare-t-il, sous les applaudissements de l’assemblée.
Prévues pour durer jusqu’au 19 février, ces assises doivent établir l’agenda de la transition politique en s’appuyant sur les conclusions des Assises Régionales, tenues depuis fin 2023 dans les différentes régions du pays. « Le Niger a décidé de prendre son envol et son indépendance véritable, mais les pressions extérieures persistent, » martèle le Général Tiani. Il appelle à l’union nationale et exhorte les participants à faire preuve de patriotisme : « Ayez à l’esprit le sacrifice consenti par notre peuple. Ces assises ne doivent pas être une simple formalité, mais un moment d’échanges constructifs. »
Un message qui résonne particulièrement dans la salle. Le Général s’adresse aussi aux combattants des groupes armés : « Le temps est venu de construire, non de détruire. Nous devons oeuvrer ensemble à la stabilisation de nos nations. »
Au micro, le Ministre d’Etat en charge de l’Intérieur, le Général Mohamed Toumba, rappelle que cette rencontre est le fruit d’un engagement pris dès le 2 août 2023, au lendemain de la prise du pouvoir par le CNSP. Le processus s’est ensuite concrétisé par la mise en place d’une Commission nationale, chargée de conduire ces assises. Le 31 décembre 2023, les premières assises régionales étaient lancées à Agadez, ouvrant la voie aux concertations nationales.
Le président de cette Commission, Dr Mamoudou Harouna Djingarey, insiste sur l’importance de ces travaux : « Les Assises Nationales doivent poser les jalons d’une gouvernance rénovée, résolument tournée vers le développement. » Il appelle à une transformation structurelle de l’économie et de la société, tout en consolidant la souveraineté nationale.
Des thématiques cruciales sur la table
Les 716 participants sont répartis en plusieurs sous-commissions traitant des sujets-clés pour le Niger : paix et sécurité, réconciliation nationale et cohésion sociale, refondation politique et institutionnelle, développement économique et durable.
« Les conclusions des Assises Régionales montrent une volonté ferme du peuple nigérien de défendre sa souveraineté, peu importe les difficultés », souligne le Ministre de l’Intérieur.
Dans les couloirs du Centre de Conférences, les débats s’annoncent intenses. Certains participants, comme Moussa Hamidou, un représentant de la société civile, expriment leurs attentes : « Nous espérons que ces assises aboutiront à un véritable changement et non à de simples promesses. »
D’autres, à l’image de la cheffe traditionnelle Ramatou Malam, insistent sur l’importance de l’inclusivité : « Les femmes et les jeunes doivent être pleinement impliqués, car ce sont eux qui porteront l’avenir du Niger. »
Avant de clore la cérémonie d’ouverture, le Général Tiani s’est engagé à respecter les conclusions issues de ces assises : « Nous appliquerons ce qui sera décidé ici, car notre avenir commun en dépend. » Un engagement qui, s’il se concrétise, pourrait bien redéfinir le cours de l’histoire politique du Niger.
Les prochains jours s’annoncent décisifs. Les Nigériens, eux, restent suspendus aux décisions qui seront prises dans cet hémicycle, avec l’espoir d’un avenir plus stable et prospère.