Atelier 21 : Quand Yamou donne le coup d’envoi à la saison culturelle
Hassan Alaoui
Abderrahim Yamou expose à Casablanca et d’une manière inédite et bien entendu foisonnante. En ce sens, il signe le lancement de la saison culture dans Casablanca, recluse dans une sorte d’indifférence.
On n’a plus besoin de présenter Yamou, illustre peintre et grand artiste, ses tableaux traversent un quasi demi siècle de créativité et une quête admirable de la vie. « La Galerie Atelier 21 » organise depuis le 24 septembre et jusqu’au 26 octobre une belle exposition de ses derniers travaux qui nous convie à un village dans la sublimation environnementale habituelle qui est à son œuvre ce que les dieux nous offrent dans l’espace et le temps céleste.
Yamou est le peintre du merveilleux et l’artiste organique de la réflexion. Il est aussi le sculpteur de génie. D’aucuns diront, ils l’ont déjà dit, que c’est un élitiste ! Ici, le mot pèse de tout son poids, mais il ne correspond qu’à une réalité relative, parce que chez lui l’art est porté aux sommités de la perfection, mais il n’en est pas à la portée du grand public. Preuve en est que le jour de l’ouverture de l’Exposition, il y avait une foule impressionnante, l’artiste lui-même, chevelure blanchie sous le harnais de ses succès et de sa longue expérience, se prêtant à l’exercice des questions-réponses d’un public friand et curieux.
La vingtaine de tableaux qui ornent les cimaises de la « Galerie 21 » s’inscrivent certes dans la traditionnelle quête du monde végétal qui anticipait déjà, autrefois et à ses débuts, des penchants écologiques, des feuilles et des fleurs, des plantes sur lesquelles ne dédaigneraient pas de jeter leur dévolu les agronomes et les défenseurs de l’environnement. Pourquoi, dira-t-on, cette particulière insistance sur le monde vert, cette anthropologie de la nature, et ce travail du détail et du feuillage ?
Abderrahim Yamou est comme obsédé par le cosmos du grand jardin, des feuillages et des branchages, et aussi par un langage qui donne à son œuvre une dimension personnelle, de son enfance et son existence. Tout ce qu’il a connu durant sa vie, il le transforme en une fiction, un jeu de miroir où se reflètent ses souvenirs, ses goûts, son parcours et, dilemme intéressant, ses interrogations voire ses angoisses.
Il peint dans la tranquillité, une harmonie où le geste prend son sens et, comme le héros explorateur de Claude Lévi-Strauss, il recueille les données, les formes, et décortique ensuite subtilement la complexité de la nature sauvage pour nous l’offrir, amassée, parfois étouffante , belle en tout cas…C’est en somme l’éthnographe, la pensée sauvage au sens pur. On s’interroge devant ce travail méticuleux de Yamou, dont la technique ne laisse aucun indifférent et qui, de Casablanca à Paris, et de cette dernière à Marrakech, nous saisit à chaque fois. Par la profondeur thématique, la couleur dominante du vert personnalisé, l’assemblage à la fois complexe et ludique, enfin cette propension à nous convaincre qu’il n’est de monde salutaire pour nous que la nature et la végétation, et de motif d’espérer que son respect radical.
La nature est le critère existentiel de Yamou, dont le succès n’a d’égale que l’originalité déconcertante de son talent. Comme une recherche de soi, elle domine ses espaces, publique et privé. Il convient de remercier Mme Aicha Bouayad Amor , Aziz Daki , Nadia Amor et l’équipe de la Galerie 21 pour leur dévouement, assiduité, leur heureux éclectisme et le partage dont ils sont les maîtres à nous faire connaître de grandes œuvres et à faire fleurir la culture à Casablanca.