Augmentation des droits de scolarité en France: le suicide des gnous!
La France qui se targuait jusqu’ici d’être le quatrième pays d’accueil des étudiants étrangers dans le monde et la première destination des étudiants du Maghreb et d’Afrique francophone, risque de ne plus l’être.
Pour cause, une décision du gouvernement Macron d’augmenter les droits d’inscription pour les étudiants ciblant tout particulièrement ceux extra-européens.
La décision est tombée comme un couperet le 19 novembre dernier lorsque le Premier ministre français en personne Edouard Philippe a présenté, à l’occasion des Rencontres universitaires de la Francophonie, la stratégie de son gouvernement destinée « à attirer les étudiants étrangers dans les universités ».
Paradoxalement, parmi les mesures phares de cette stratégie, une hausse vertigineuse des droits d’inscription dans les écoles et universités de l’hexagone qui seront fixés désormais à 2.770 euros en licence contre 170 euros actuellement et à 3.770 euros en master et doctorat contre 243 euros en master et 380 euros en doctorat.
Une mesure qui concerne uniquement les étudiants extracommunautaires (hors Union européenne), soit environ 100.000 personnes, sachant que la France accueille plus de 300.000 étrangers chaque année.
Selon Campus France, 45 % des étudiants étrangers présents en France sont originaires du continent africain et six pays africains sont dans la liste des dix qui envoient le plus d’étudiants en France (Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal, Côte d’Ivoire et Cameroun).
Cette décision qui instaure un changement de paradigme majeur pour les étudiants originaires de ces contrées a eu l’effet d’un tsunami en France et ailleurs, bien que Matignon s’est évertué à souligner que les droits exigés ne représentaient que le tiers voire moins du coût réel de la formation.
Mais depuis l’annonce de ces hausses inédites, la polémique fait rage dans l’hexagone mais aussi dans les pays ciblés où l’on n’arrive toujours pas à comprendre quelle mouche a piqué l’exécutif français pour prendre une telle décision !!!
Si certains en France ont été promptes à applaudir « une mesure révolutionnaire qui met fin à la gratuité payée par le contribuable français », d’autres par contre, et ils sont nombreux, ont dénoncé une décision « inique » qui ferme la porte de l’hexagone aux étudiants étrangers.
→ Lire aussi : France : La hausse controversée des droits d’inscription pour les étudiants non-européens
Pour l’Association Sauvons l’université (SLU), la stratégie du gouvernement est « inique et de mauvaise foi, aux conséquences financières, pédagogiques et scientifiques dangereuses ». Cette mesure est le signe d’un rapprochement vers le modèle américain, « qui révèle pourtant ses failles ».
Les premières conséquences de cette mesure ne se sont pas fait attendre. Février dernier, Campus France, organisme public chargé de promouvoir le système d’enseignement supérieur français à l’étranger, annonce une baisse de 10 pc des pré-inscriptions en licence introduites par les étudiants hors-UE auprès des universités françaises pour la rentrée prochaine.
Les chiffres provisoires 2019 révélés par Campus France font état en effet du dépôt de 28.294 dossiers, soit 10% de moins qu’à la même période de l’an dernier.
Si la hausse des frais d’inscription n’a pas empêché de relever une progression des demandes de pré-inscription émanant de certains pays comme le Sénégal (+11,34%), le Mali (+5,66%), le Bénin (+8,21%), la Russie (+8,95%) et la Chine (+8,62%), d’autres pays, par contre, enregistrent une baisse sensible comme l’Algérie (-22,95%), le Vietnam (-19,72%), la Tunisie (-16,18%), le Maroc (-15,5%), la Côte d’Ivoire (-10,39%) et la Turquie (-6,62%), toujours selon Campus France.
Déjà que les difficultés pour obtenir un visa, trouver un logement finissent par décourager nombre d’étudiantes et d’étudiants étrangers. Ces étudiants ‘’ne vont-ils pas se tourner vers d’autres pays, plus accueillants, en Europe ou en Amérique du Nord ?’’, s’est alarmé dans une tribune, le sociologue Eric Fassin et le philosophe Bertrand Guillarme.
A ce cri d’alarme s’ajoute la position exprimée par de nombreuses personnalités en France qui, dans une Tribune publiée par le Journal du Dimanche (JDD), ont exhorté le gouvernement français à revenir sur cette incompréhensible décision.
«A y regarder de plus près, c’est un mur de l’argent que le gouvernement est en train de construire contre les étudiants étrangers», ont dénoncé ces personnalités parmi lesquelles Isabelle Adjani, Juliette Binoche, Aurélien Barrau, Cédric Klapisch, Lilian Thuram…
Présentée comme une mesure d' »équité solidaire« , cette augmentation des droits est en fait une «sélection selon la richesse et l’origine géographique» qui est «insupportable». Il s’agit d’un «coup porté à la francophonie comme institution et à la solidarité que nous devons aux autres pays de cet espace linguistique», ont considéré ces personnalités qui ont incité le gouvernement à «retirer cette mesure et à ouvrir un débat national sur le financement des universités».
Face à cette polémique qui ne cesse d’enfler et qui met mal à l’aise le gouvernement français, plusieurs universités françaises et non des moindres ont, dans un geste de défi assuré, décidé de ne pas se plier à cette mesure qu’elles qualifient d’inique et de ne pas imposer de hausse des droits à leurs étudiants.
La polémique s’est même invitée au Parlement. En effet, le député français M’jid El Guerrab, aidé par de nombreux autres parlementaires a porté l’affaire devant l’Assemblée nationale française.
Dans un communiqué à la MAP, le député de la 9e circonscription des Français de l’Etranger estime que la hausse des frais universitaires « donne une image très négative de la France dans l’ensemble des pays concernés » et souligne l’urgence pour la France de revenir sur « cette augmentation inique, qui touche principalement les pays africains ».
En plus de porter un sacré coup aux valeurs de la francophonie qu’elle prétend défendre, la France semble, à travers cette décision, pour le moins incompréhensible, se tirer une balle dans la jambe en sacrifiant l’accueil des étudiants internationaux considérés jusqu’à ci-peu comme un élément de son soft power. Un moyen à travers lequel le pays promeut ses valeurs, son économie et étend son rayonnement.