Auto-défense vs sécurité publique: Le deuxième amendement s’invite de nouveau à la Cour Suprême américaine
Pour la première fois en dix ans, le dossier du port d’arme aux Etats-Unis fait son grand retour à la Cour suprême, qui, grâce à une nouvelle super-majorité conservatrice, pourrait permettre à tous les Américains de porter des armes à feu hors de leur domicile.
Ce mercredi, le plus haut tribunal du pays a ainsi examiné un recours d’une filiale de la National Rifle Association (NRA), puissant lobby des armes, et de deux Américains, contestant la loi de l’Etat de New York en la matière. A leurs yeux, cette loi trop restrictive, n’autorise pas les permis de port d’arme en raison d’un désir général d’autodéfense. En effet, en vertu de la loi new-yorkaise sur les « motifs valables », les individus qui demandent un permis de port d’arme dissimulée en dehors de leur domicile doivent prouver qu’ils ont un besoin concret d’autodéfense, soit un « motif valable ».
Les permis sont ainsi limités aux personnes qui vont chasser ou s’entraîner sur des cibles et à celles ayant démontré un besoin d’auto-protection, comme les courtiers de banque transportant de l’argent liquide ou les commerçants qui souhaitent détenir une arme dans leur boutique pour se protéger. Pour l’ancien solliciteur général des Etats-Unis, Paul Clement, qui représente les requérants, le droit de porter des armes à l’extérieur du domicile est similaire au droit à la liberté d’expression ou tout autre droit garanti par la Constitution telle qu’elle a été conçue par les Pères fondateurs, et que les Etats se doivent de les respecter.
Par ailleurs, parmi les 87 mémorandum déposés dans cette affaire figure celui d’un groupe de fonctionnaires du département de la Justice issus des administrations républicaines précédentes, dont Michael Luttig, qui a été juge d’une cour d’appel fédérale pendant 15 années, durant lesquelles il a acquis la réputation d’être l’un des juges les plus conservateurs du pays. Dans ce mémorandum, Luttig fait valoir qu’un examen approfondi de l’histoire et de la tradition de la réglementation du port d’armes à feu aux Etats-Unis démontre clairement que les Fondateurs pensaient que les gouvernements des Etats et les collectivités locales devaient être libres de réglementer le port d’armes, dissimulées ou non, en public.
« Des citoyens respectueux de la loi peuvent en un instant se transformer en citoyens sans scrupule dans un moment de passion, un moment de dispute, et accessoirement, de plus en plus dans des moments de désaccord politique », a affirmé Luttig, qui s’est focalisé dans sa plaidoirie sur les déclarations de nombreux émeutiers ayant pris d’assaut le Capitole le 6 janvier dernier et qui ont déclaré avoir laissé leurs armes à la maison en raison des lois du District de Columbia qui rendent illégal le port d’armes en public. Il faut s’imaginer « les difficultés excessivement plus grandes auxquelles la police et la garde nationale auraient été confrontées si un nombre substantiel de manifestants du 6 janvier 2021 avaient été armés de fusils chargés », a-t-il écrit avec d’autres anciens hauts fonctionnaires du département de la Justice, soulignant qu’un large droit au port d’armes « jetterait de l’huile sur le feu des futurs conflits politiques de notre nation ».
En 2008, la Cour suprême a statué pour la première fois que le droit de détenir et de porter des armes, garanti par le deuxième amendement, confère aux individus le droit de conserver une arme chez eux pour se défendre. Depuis, la Cour suprême, qui doit rendre son jugement sur cette affaire d’ici fin juin 2022, a drastiquement changé avec la nomination par le président Donald Trump de trois nouveaux juges, dont Neil Gorsuch, un fervent défenseur du droit du port d’armes à feu. Si les juges Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett sont à la hauteur de leurs états de service en tant que juges de tribunaux inférieurs, il existe désormais une majorité de la Haute Cour pour soutenir fermement le puissant lobby pro-armes, potentiellement au détriment des préoccupations liées à la sécurité publique dans le pays.
( Avec MAP )