Axe Maroc-Mauritanie-Émirats : la fin de la neutralité mauritanienne sur le Sahara ?
C’est une révélation qui pourrait redéfinir les équilibres régionaux. Selon le quotidien mauritanien Al Anbaa, le président des Émirats Arabes Unis, le Cheikh Mohammed Ben Zayed (MBZ), s’apprête à effectuer une visite historique en Mauritanie. Ce déplacement, présenté comme un « tournant majeur » par le journal, ne se limite pas à une simple rencontre bilatérale, mais semble plutôt s’inscrire dans une stratégie régionale coordonnée. Plusieurs projets d’envergure dans les secteurs des infrastructures et de l’énergie pourraient être annoncés, témoignant de la volonté émiratie de renforcer son influence en Afrique de l’Ouest, tout en consolidant son rôle d’allié stratégique du Maroc.
Le rapprochement Axe Maroc-Mauritanie-Émirats intervient dans un contexte de crispation palpable entre Nouakchott et Alger. Les relations entre les deux pays, autrefois cordiales, se sont détériorées à la suite de plusieurs incidents diplomatiques. Dernier en date : la décision de l’Algérie de ne pas remplacer son ambassadeur en Mauritanie, optant pour un simple chargé d’affaires. Cette rétrogradation est survenue après un épisode controversé où l’ambassadeur algérien aurait tenté, sans succès, de faire censurer un média mauritanien jugé trop favorable au Maroc.
Le climat s’est encore assombri avec la mort mystérieuse du garde du corps du président mauritanien en février 2024, lors d’une visite officielle à Tindouf. Les circonstances floues entourant ce décès ont alimenté les spéculations et exacerbé les tensions entre les deux États.
Longtemps perçue comme un acteur neutre dans le dossier du Sahara, la Mauritanie semble aujourd’hui enclin à réévaluer sa position. La neutralité qu’elle s’efforçait de maintenir, notamment entre le Maroc et l’Algérie, paraît de plus en plus difficile à tenir, d’autant que les Émirats Arabes Unis jouent un rôle actif dans ce repositionnement stratégique.
Partenaire de longue date du Maroc et de la Mauritanie, les Émirats Arabes Unis se posent comme un acteur clé dans cette dynamique tripartite. Leur soutien au Maroc sur la question du Sahara marocain est explicite, illustré par l’ouverture en 2020 d’un consulat émirati à Laâyoune. Ce geste symbolique a marqué une reconnaissance formelle de la souveraineté marocaine sur le territoire, une position qui s’oppose frontalement à celle de l’Algérie.
En Mauritanie, les Émirats ont su tisser des liens économiques et politiques solides, en investissant dans des projets stratégiques. Selon certaines sources, MBZ pourrait user de cette influence pour pousser la Mauritanie à adopter une posture plus alignée sur celle du Maroc dans le dossier saharien. Ce rapprochement ne ferait qu’accentuer l’isolement de l’Algérie, déjà en proie à des difficultés diplomatiques croissantes.
Un nouvel axe face aux l’hostilité algériennes
L’hostilité de l’Algérie envers les Émirats Arabes Unis n’est pas nouvelle. Depuis l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir, Alger multiplie les critiques, accusant les Émirats de jouer un rôle déstabilisateur dans divers conflits régionaux, notamment au Sahel, en Libye et au Soudan. L’Algérie reproche également aux Émirats leur normalisation des relations avec Israël et leur partenariat stratégique renforcé avec le Maroc, scellé lors de la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Abou Dhabi fin 2023.
Ce partenariat a été perçu comme une menace directe par Alger, qui n’a pas hésité à mobiliser sa presse pour accuser les Émirats de complots supposés contre la stabilité algérienne. Parmi les griefs : un financement présumé de campagnes de désinformation au Sahel, une participation aux bombardements à Gaza, et une tentative d’influence dans le secteur gazier, notamment à travers le rachat éventuel par le groupe émirati Taqa de la société espagnole Naturgy, un client stratégique de Sonatrach.
La convergence d’intérêts entre le Maroc, la Mauritanie et les Émirats pourrait donc constituer une réponse coordonnée face aux menaces algériennes. Les ambitions bellicistes d’Alger, associées à son isolement croissant sur la scène internationale, semblent précipiter la formation de ce nouvel axe stratégique. Pour Nouakchott, ce rapprochement représente une opportunité économique non négligeable, mais également une garantie de soutien face aux pressions algériennes.
Ce repositionnement mauritanien, s’il se confirme, marquerait un tournant historique dans la gestion du dossier saharien. Plus qu’un simple réalignement diplomatique, il pourrait redéfinir les rapports de force régionaux, confirmant ainsi l’émergence d’un triangle stratégique Maroc-Mauritanie-Émirats, au détriment d’une Algérie de plus en plus isolée sur le plan diplomatique et économique.