Baisse des prix des médicaments : Une réforme qui tarde à convaincre
En ce début d’année, la question des prix des médicaments demeure au centre d’une vive controverse, malgré les multiples annonces gouvernementales sur leur réduction. Dernière en date, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tahraoui, a déclaré que les tarifs de 190 médicaments destinés au traitement des maladies chroniques allaient prochainement baisser. Une annonce qui, bien qu’ambitieuse, suscite scepticisme et impatience parmi les citoyens, tant l’effectivité de ces mesures tarde à se concrétiser.
Depuis 2021, plus de 5 350 médicaments auraient vu leur coût réduit, selon les chiffres officiels. Parmi eux, 169 baisses ont été opérées récemment, ciblant principalement les traitements pour maladies chroniques. Pourtant, comme l’a souligné le ministre lors de son intervention au Parlement, « les prix des médicaments restent une source de débat et de controverse ».
La réforme de 2023, qui visait à réguler les prix des médicaments, s’inscrivait dans un effort plus large pour alléger le fardeau financier pesant sur les citoyens. Cependant, le coût élevé de production des médicaments, combiné à l’expansion de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), a imposé une pression supplémentaire sur les compagnies d’assurance. Ces dernières peinent à absorber les dépenses croissantes liées à une couverture élargie, alors que la population exige des médicaments abordables et accessibles.
Dans le cadre du plan national 2023-2027, le gouvernement ambitionne de revoir les mécanismes de production et de distribution des médicaments. Parmi les mesures phares, figurent la promotion des médicaments génériques, moins chers, et le soutien à l’industrie pharmaceutique locale. Mais sur le terrain, les résultats tardent à répondre aux attentes d’une population de plus en plus critique.
La controverse autour des prix des médicaments s’inscrit dans un contexte plus large de fragilité du système de santé marocain. Bien que des avancées aient été réalisées en matière de couverture médicale, avec 4 Marocains sur 5 disposant d’une assurance en 2024 contre moins de 3 sur 4 en 2020, les défis restent immenses.
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Près d’un quart des citoyens, soit 8,5 millions de personnes, ne bénéficient toujours pas d’une assurance maladie. Parmi eux, 5 millions ne sont pas inscrits aux régimes existants et 3,5 millions, bien qu’inscrits, ne reçoivent aucune prestation. Les assurés eux-mêmes continuent de payer en moyenne 50 % de leurs frais médicaux de leur poche, un taux bien supérieur aux normes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé.
Le système d’assurance-maladie connaît également des déséquilibres financiers. Tandis que l’AMO-Tadamon, destiné aux populations les plus démunies, reste stable, d’autres régimes accusent des déficits inquiétants. Celui des travailleurs indépendants, par exemple, affiche un déficit de 72 %, révélant des failles structurelles dans la gestion des cotisations et des prestations.
Un accès inégal aux soins
L’une des critiques majeures porte sur l’inégalité d’accès aux soins. Une grande partie des dépenses de santé est absorbée par les cliniques privées, où les coûts sont jusqu’à cinq fois plus élevés que dans le secteur public. Cette situation creuse les inégalités et prive de nombreux citoyens d’un accès aux soins essentiels.
Pour remédier à cette situation, le gouvernement a promis d’améliorer l’infrastructure des hôpitaux publics et de rendre les services de santé publique plus accessibles. Toutefois, ces efforts peinent à compenser l’impact des coûts prohibitifs des traitements dans les cliniques privées.
La baisse des prix des médicaments, bien qu’annoncée à grand renfort de chiffres, reste un sujet de frustration pour une large frange de la population. Les retards dans la mise en œuvre des baisses de prix, combinés aux faiblesses structurelles du système de santé, alimentent un sentiment de défiance vis-à-vis des réformes annoncées.