Le capital investissement marque le pas en 2016
Le financement par le capital investissement n’a pas dépassé 305 millions de dirhams (M Dhs) de fonds levés, en 2016, avec un taux de pénétration n’excédant pas les 0,08%. C’est ce qui ressort du rapport statistique annuel relatif à cette activité que l’Association marocaine des investisseurs en capital (AMIC) vient de rendre publique.
Pour la neuvième année consécutive, le cabinet international Grant Thornton et sous la houlette de la commission Etudes & Statistiques de l’AMIC présidée par le président de l’association, Hassan Laaziri, a élaboré une étude détaillée de l’évolution du capital investissement au Maroc.
Il en ressort que l’année 2016 a été très moyenne en termes d’activités. Avec 305 M Dhs de levées, elle a été l’une des plus modestes depuis le démarrage de cette activité au Maroc. Cette situation trouve son explication dans le caractère cyclique du capital investissement. « Lors de la création d’un fonds, les levées sont importantes, viennent ensuite les années consacrées aux investissements suivies de la période de désinvestissement », précise-t-on auprès de l’association.
Le Maroc, premier de la MENA
Depuis 2010, les montants levés par les fonds de capital investissement au niveau mondial enregistrent une hausse soutenue et atteignent 347 Mds USD. Ces levées de fonds ont doublé entre 2010 et 2016, mais restent globalement inférieures aux années antérieures à 2010. Le continent africain, quant à lui, confirme son attractivité avec des levées atteignant 16,5 Mds USD ainsi qu’un nombre d’opérations (919) et des montants d’investissements (22,7 Mds USD) stables par rapport à 2015.
Avec un taux de pénétration de 0,08% en 2016, le financement par le capital investissement au Maroc possède encore une large marge de progression par rapport à des économies telles celles des BRICS. Par contre, le Maroc dépasse l’ensemble des pays de la zone MENA (0,03 %) depuis 2012.
Une maturité croissante
Le rapport statistique annuel couvre 21 sociétés de gestion, dont 3 dédiées à l’infrastructure gérant 40 fonds (20 actifs et 20 désinvestis ou en phase de désinvestissement) et représente ainsi la quasi-totalité de l’industrie marocaine du Capital Investissement. L’effectif moyen des sociétés de gestion s’élève à 6 personnes et le secteur compte à ce jour 126 professionnels.
L’indépendance des sociétés de gestion se confirme avec 40% d’entre elles exerçant une gestion discrétionnaire, précise le rapport en soulignant qu’il s’agit d’une gestion où le pouvoir décisionnel est exercé uniquement par l’équipe de gestion et non par les investisseurs. Ceci étant, cela peut se considérer comme un signe d’une maturité croissante et notamment d’une professionnalisation des équipes de gestion et de la confiance que celles-ci inspirent aux investisseurs.
D’autre part, on constate que les équipes de gestion détiennent 30% du capital des sociétés de gestion, traduisant une responsabilisation croissante de ces équipes de nature à rassurer les investisseurs ainsi qu’un gage d’indépendance à l’égard de ceux-ci.
Plus de 51% des fonds sont localisés à l’étranger
En nombre, les fonds créés sous forme «étrangère» et «OPCC» représentent respectivement 47% et 33%, soit 80%, des fonds de 3ème génération. En valeur, ces 2 formes juridiques concentrent 92% des capitaux gérés.
Depuis 2011, 51% des fonds sont localisés à l’étranger, principalement en Europe, à l’Ile Maurice et aux USA. C’est notamment le cas des fonds transrégionaux pour des raisons liées au contrôle des changes, à l’existence d’écosystèmes plus favorables et aux exigences éventuelles des bailleurs de fonds.
Les fonds captifs d’institutions financières, de l’Etat ou d’autres structures sont de moins en moins nombreux. En valeur, près de 60% des fonds de 3ème génération (créés à partir de 2011) sont totalement indépendants, ce qui confirme la maturité du marché versus 47% pour les fonds de 2ème génération (créés entre 2006 et 2010).
À fin 2016, les capitaux levés auprès d’investisseurs étrangers – notamment auprès d’organismes de développement internationaux (SFI, BERD, BEI, BAD et autres) – représentent 54% des montants levés et témoignent de la confiance de ces investisseurs internationaux à l’égard de l’industrie marocaine du capital investissement.
Pas de spécialisation, la majorité des fonds reste généraliste
L’année 2016 constitue une année record en matière d’investissement : 786MDhs étaient investis dans des PME (petites et moyennes entreprises). A ce jour, 183 entreprises ont bénéficié d’un montant global d’investissement en capital de 6,3 milliards de dirhams.
La majorité des fonds reste généraliste. Le secteur industriel représente 45% des investissements réalisés depuis 2011 et s’arroge la première place, tandis que celui des services et transport arrive en seconde position avec 24% des investissements. Depuis 2011, près de 80% des montants investis sont dédiés à des entreprises en phase de développement et les opérations de transmission déclinent passant de 24 à 13%. Les investissements dans l’amorçage et le risque progressent de 5 à 9% avec les fonds de 3ème génération.
La part des transactions majoritaires chute de 44 à 16% entre la 2ème et 3ème génération de fonds. Ceci s’explique notamment par le recul des opérations de transmission.
La taille des deals ne cesse d’augmenter : le ticket moyen a doublé entre les fonds de 1ère (fonds créés entre 2000 et 2005) et 3ème génération, passant de 5 à 9 MMAD pour l’amorçage et le risque et de 24 à 50 MMAD pour les entreprises en stade de développement, transmission ou retournement.
Concentration sur l’axe Rabat-Casa
Comme les années précédentes, les investissements se concentrent dans la partie nord du pays : 78% sur l’axe Rabat-Casa, 6% dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima et 5% pour les régions de Fès-Meknès et Marrakech-Safi.
Le montant des désinvestissements réalisés en 2016 s’élève à 205 MMAD, soit une progression de 10% par rapport à 2015 et 100% par rapport à 2014. Depuis 2011, la majorité des sorties en valeur sont des cessions industrielles (38%) et les cessions à d’autres fonds passent de 3 à 18%, confirmant ainsi le développement d’un marché secondaire.
Le cumul des montants désinvestis atteint 2,4 Mds MAD, soit près de 38% du montant global investi par l’industrie du capital investissement. La durée moyenne d’investissement est de 6 ans.
Impact positif sur la RSE et la gouvernance
Le taux de rendement interne (TRI) brut moyen calculé sur les sorties effectives est de 13% à fin 2016. Le multiple global du secteur est de 2 (1,2 pour l’amorçage/risque et 2,5 pour le développement.) Les taux de croissance annuels moyens (TCAM) du chiffre d’affaires et des effectifs des entreprises investies à fin 2016 sont, par ailleurs, respectivement de 12,3 % (versus 17,6% en 2015) et 10,5% (versus 4,9% en 2015), confirmant l’impact positif du capital investissement en matière de création de valeur et d’emploi. Et ce, malgré une année de croissance économique très faible.
L’intervention des fonds dans les entreprises crée également une dynamique extrêmement bénéfique en matière de responsabilité sociale et environnementale : mise en œuvre de plans annuels de formation et de chartes d’éthique et de valeurs, gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences ou encore actions environnementales et sociétales. L’impact des fonds est encore plus significatif en matière de gouvernance. Cette dernière s’impose de façon drastique dans les mois qui suivent la prise de participations, avec près de 100% des sociétés investies mettant en place audits, comités de suivi de l’activité, outils de reporting, indicateurs de performances et de tableaux de bord ainsi que des politiques de définition et de suivi des budgets.
Vers des résultats meilleurs
A l’aube de la quatrième génération de fonds, 34% des fonds prévoient d’investir dans de nouvelles entreprises et 27% des fonds planifient la sortie de la majorité des entreprises encore en portefeuille au cours de l’année 2017. Près des deux tiers (2/3) des fonds planifient également la levée de nouveaux capitaux avant la fin du premier semestre 2018.
Pour les 5 prochaines années, les prévisions confirment la tendance aux investissements multisectoriels, avec une légère préférence pour le secteur agroalimentaire (13%), et la diversité des zones géographiques envisagées témoignent de politiques d’investissement opportunistes n’excluant aucune région du Maroc.