Catastrophe à Beyrouth: plus de 100 morts et 300.000 sans-abri
Plus de 100 morts, des milliers de blessés et de nombreux disparus: les Libanais restent abasourdis mercredi au lendemain des énormes explosions causées par des tonnes de nitrate d’ammonium stockées au port de Beyrouth, qui ont dévasté des quartiers entiers.
« La situation est apocalyptique, Beyrouth n’a jamais connu ça de son histoire », a lancé le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, qui avait éclaté en sanglots mardi devant les caméras dans le port dévasté. Jusqu’à 300.000 personnes sont sans domicile, a-t-il dit.
L’état d’urgence a été décrété pendant deux semaines après la double explosion présentée comme accidentelle par les autorités. Le gouvernement cherche également à « assigner à domicile les responsables ».
Au milieu des ruines, les secouristes ont poursuivi leurs recherches pour trouver d’éventuels survivants. Une centaine de pompiers spécialisés ont été dépêchés par l’Union européenne pour les aider.
D’après les autorités, quelque 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium, stockées « sans mesures de précaution » au port, sont à l’origine de la puissance des déflagrations, les pires vécues par la capitale libanaise, malgré son histoire tourmentée.
Sur les réseaux sociaux, les appels de citoyens libanais se sont multipliés pour réclamer la démission de l’ensemble des dirigeants du pays, rendus responsables de cette tragédie, alors que la classe politique est accusée depuis longtemps de corruption et d’incompétence.
« Partez tous! (…) Vous êtes corrompus, négligents, destructeurs, immoraux. Vous êtes des lâches. C’est votre lâcheté et votre négligence qui ont tué les gens », a lancé un journaliste libanais connu, Marcel Ghanem, dont l’émission télévisée jouit d’une grande audience.
Le hashtag « Pendez-les » circule, lui, sur Twitter.
De nombreux pays ont proposé leur aide, notamment la France, dont le président Emmanuel Macron, sera au Liban jeudi, sa première visite comme chef d’Etat.
« On aurait dit un tsunami, ou Hiroshima. C’était un véritable enfer », a raconté à l’AFP Elie Zakaria, habitant du quartier de Mar Mikhaël. « C’est un massacre. Je suis sorti au balcon, j’ai vu des gens qui criaient, ensanglantés, tout était détruit. »
La puissance de ces explosions a été telle qu’elles ont été enregistrées par les capteurs de l’institut américain de géophysique comme un séisme de magnitude 3,3. Et leur souffle a été ressenti jusqu’à Chypre, à plus de 200 km de là.
Au port quasi-détruit, les conteneurs ressemblent à des boîtes de conserve tordues, les voitures sont calcinées, le sol jonché de papiers provenant de bureaux soufflés par l’explosion.
Selon un dernier bilan provisoire de la Croix-Rouge, plus de 100 personnes ont été tuées et plus de 4.000 blessées.
Le gouverneur de Beyrouth a estimé les dommages à plus de trois milliards de dollars.
Les déflagrations ont soufflé les vitres des habitations dans la plupart des quartiers de Beyrouth et de sa banlieue, et les artères de la ville restent jonchées de décombres.
L’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, la FAO, craint à brève échéance un problème de disponibilité de farine pour le Liban, des silos de céréales installés près du port ayant été éventrés.
Les hôpitaux de la capitale, déjà confrontés à la pandémie de Covid-19, sont saturés. Des habitants, blessés et ensanglantés, ont dû faire le tour des hôpitaux toute la nuit pour recevoir des soins.
Trois jours de deuil national ont été décrétés. Les autorités ont proclamé Beyrouth « ville sinistrée » et appelé à l’aide.
« Il est inadmissible qu’une cargaison de nitrate d’ammonium, estimée à 2.750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire », a dit le Premier ministre Hassan Diab.
Le nitrate d’ammonium, substance entrant dans la composition de certains engrais mais aussi d’explosifs, est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés. Il a causé plusieurs accidents industriels dont l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en France en 2001 (31 morts, 8.000 blessés).
Selon une source des services de sécurité, le nitrate d’ammonium avait été saisi sur un bateau il y a six ans et entreposé au hangar numéro 12 du port, « sans aucun suivi ».
En guise d’aide, la France doit envoyer plusieurs tonnes de matériel sanitaire et un détachement de la sécurité civile au Liban.
Les Etats-Unis ont aussi proposé leur aide, de même que des pays du Golfe.
Ce drame survient alors que le Liban connaît sa pire crise économique depuis des décennies, marquée par une dépréciation inédite de sa monnaie, une hyperinflation, des licenciements massifs et des restrictions bancaires drastiques.
Pour les Libanais, ces explosions sont la catastrophe de trop.
« Même avec le coronavirus, et tout ce qui est arrivé dans le pays, j’ai toujours gardé espoir. Mais maintenant c’est fini, je n’ai plus aucun espoir », dit Tala Masri, une bénévole, en dégageant le trottoir des bris de verre du quartier dévasté de Mar Mikhaël.
Avec AFP