Chakib Benmoussa dévoile les tendances démographiques et sociales du Maroc
Le dernier recensement général de la population et de l’habitat, réalisé en septembre 2024, a mis en lumière des données démographiques et sociales fondamentales pour comprendre l’évolution du Maroc. Le Haut-Commissaire au Plan, Chakib Benmoussa, a présenté ces résultats lors d’une conférence tenue le mardi 17 décembre 2024, dévoilant des tendances marquantes concernant la croissance démographique, l’urbanisation, la fécondité, l’éducation, ainsi que les dynamiques linguistiques et de couverture médicale. Ces données témoignent des changements structurels qui façonnent le pays et influencent ses politiques publiques.
L’un des aspects les plus frappants du dernier recensement est le ralentissement de la croissance démographique au Maroc. Selon les chiffres fournis par le Haut-Commissaire au Plan, la population légale du Royaume s’élève à 36 828 330 habitants au 1er septembre 2024. « Comparée au recensement de 2014, l’effectif de la population a augmenté de 2 980 088 personnes », explique-t-il. Cependant, cette hausse a été accompagnée d’un taux d’accroissement annuel moyen de seulement 0,85 %, ce qui est nettement inférieur au taux de 1,25 % enregistré entre 2004 et 2014. Ce ralentissement de la croissance démographique peut être attribué à plusieurs facteurs, dont une baisse notable du taux de fécondité.
Une autre tendance importante révélée par Chakib Benmoussa est l’accroissement de l’urbanisation. « En 2024, 62,8 % de la population marocaine vit en milieu urbain, contre 60,4 % en 2014 », déclare-t-il. L’urbanisation est particulièrement marquée dans certaines régions comme Laâyoune-Sakia El Hamra, avec 92,4 %, Dakhla-Oued Ed-Dahab à 80,4 %, Casablanca-Settat à 73,3 %, et Rabat-Salé-Kenitra à 70,7 %. « Ce phénomène d’urbanisation reflète non seulement les migrations internes vers les grandes villes, mais aussi une concentration des services et des infrastructures dans ces zones urbaines », souligne-t-il. À l’inverse, les régions moins urbanisées, comme Marrakech-Safi avec 46 % et Drâa-Tafilalet à 36,7 %, affichent des taux bien plus faibles.
Dans ce cadre, la population urbaine a connu une augmentation substantielle, passant de 20 432 439 habitants en 2014 à 23 110 108 en 2024, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 1,24 %. En revanche, la population rurale a augmenté de manière plus modeste, avec un taux d’accroissement annuel moyen de 0,22 %, passant de 13 415 803 personnes en 2014 à 13 718 222 en 2024.
Une des principales causes du ralentissement démographique est la baisse continue du taux de fécondité au Maroc. L’Indice Synthétique de Fécondité (ISF), qui mesure le nombre moyen d’enfants par femme, est passé de 2,5 en 2004 à 2,2 en 2014, et a atteint 1,97 en 2024. « Ce niveau de fécondité est désormais inférieur au seuil de remplacement des générations, qui est de 2,1 enfants par femme », explique-t-il. Cette baisse de la fécondité reflète plusieurs changements sociaux, notamment l’amélioration de l’accès à l’éducation et à la santé, ainsi que l’évolution des comportements sociaux et des choix familiaux.
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Une autre évolution importante observée est l’augmentation du nombre de ménages dirigés par des femmes. « La proportion de ménages dirigés par des femmes est passée de 16,2 % en 2014 à 19,2 % en 2024 », affirme-t-il. Cette tendance illustre des changements significatifs dans les rôles sociaux et économiques des femmes au Maroc, ainsi que dans la structure familiale. « Cette évolution est particulièrement marquée en milieu urbain, où la proportion de ménages dirigés par des femmes atteint 21,6 % en 2024, contre seulement 14,5 % en milieu rural », déclare-t-il. Cela pourrait être lié à des évolutions dans la situation socio-économique des femmes, ainsi qu’à une plus grande autonomie dans la gestion des foyers.
L’enseignement et les langues : Une maîtrise de l’arabe prédominante, l’anglais en progression
L’éducation constitue également un domaine où des progrès significatifs ont été réalisés. Le Haut-Commissaire au Plan a mis en évidence une nette amélioration de la durée moyenne de scolarisation, qui est passée de 4,4 années en 2014 à 6,3 années en 2024 pour la population âgée de 25 ans et plus. « Cette progression est particulièrement marquée en milieu urbain, où la durée moyenne de scolarisation atteint 7,9 années, contre seulement 3,2 années en milieu rural », précise-t-il. Les disparités régionales restent toutefois prononcées, avec des régions comme Laâyoune-Sakia El Hamra (7,9 années), Casablanca-Settat (7,5 années) et Rabat-Salé-Kenitra (7,2 années) affichant des scores supérieurs à la moyenne nationale, tandis que d’autres, telles que l’Oriental, Marrakech-Safi et Drâa-Tafilalet, continuent de se situer en deçà.
Sur le plan linguistique, Chakib Benmoussa a présenté des données intéressantes concernant l’alphabétisation et la maîtrise des langues. « Presque l’intégralité de la population alphabétisée, soit 99,2 %, maîtrise la langue arabe », déclare-t-il, tandis qu’une proportion plus modeste de 1,5 % sait lire et écrire en amazigh, avec l’utilisation du graphie Tifinagh. La maîtrise des langues étrangères est aussi notable, avec 57,7 % de la population alphabétisée qui maîtrise le français et 20,5 % qui parle l’anglais. En milieu urbain, ces proportions sont encore plus élevées, atteignant respectivement 64,3 % pour le français et 25,2 % pour l’anglais. « Ces chiffres indiquent une forte prédominance de l’arabe et une évolution significative de la maîtrise des langues étrangères, particulièrement dans les grandes villes », explique-t-il.
En ce qui concerne l’usage des langues, près de 92 % de la population utilise le Darija (arabe marocain), tandis que l’amazigh est parlé par 24,8 % de la population. « Le Tachelhit, Tamazight et Tarifit sont les principales variantes de l’amazigh parlées à travers le pays », précise-t-il. Le Tachelhit est plus utilisé dans les régions du Sud, telles que Souss-Massa (63,2 %) et Guelmim-Oued Noun (48,1 %), tandis que le Tamazight est particulièrement présent dans des régions comme Drâa-Tafilalet (46,2 %).
Le recensement a également mis en évidence l’accès à la couverture médicale. « En 2024, 69,8 % de la population déclare bénéficier d’une couverture médicale », déclare-t-il. Ce taux varie légèrement entre le milieu urbain (69,3 %) et le milieu rural (70,6 %), mais la différence n’est pas significative. Certaines régions comme Fès-Meknès (75,5 %) et Béni Mellal-Khénifra (74,2 %) affichent des taux de couverture médicale supérieurs à la moyenne nationale, tandis que d’autres régions comme Tanger-Tétouan-Al Hoceima (62,2 %) et Dakhla-Oued Ed-Dahab (63,8 %) restent en dessous.
Les résultats du recensement 2024, présentés par Chakib Benmoussa, révèlent des tendances démographiques et sociales significatives qui façonnent l’avenir du Maroc. Ainsi, le ralentissement de la croissance démographique, l’urbanisation croissante, la baisse de la fécondité, l’amélioration de l’éducation et l’évolution des rôles des femmes dans la société sont des éléments clés à prendre en compte pour ajuster les politiques publiques. « Alors que des défis demeurent, notamment en matière de disparités régionales, ces données témoignent des progrès réalisés par le Royaume dans de nombreux domaines essentiels pour son développement futur », déclare-t-il.