Commerce Maroc-Afrique : un potentiel freiné par des entraves logistiques

Malgré son ancrage africain affirmé et une volonté politique clairement affichée, le Maroc peine à concrétiser une expansion commerciale sur le continent. Entre infrastructures logistiques insuffisantes, dépendance aux transporteurs étrangers et déclin de la marine marchande nationale, les échanges commerciaux avec l’Afrique restent en deçà de leur potentiel, freinant ainsi la stratégie économique du royaume.

Si le Maroc ambitionne d’intensifier ses relations commerciales avec ses partenaires africains, les chiffres trahissent un essoufflement. En 2023, les échanges commerciaux entre le royaume et le reste de l’Afrique ont chuté à 52,7 milliards de dirhams, contre 64,4 milliards en 2022, enregistrant une baisse de 18%. Parallèlement, les exportations vers le continent ne représentent que 7,6% du total des ventes marocaines à l’étranger, un chiffre bien modeste face aux 63,2% destinés à l’Europe, soit 724,8 milliards de dirhams en 2023. Pourtant, une étude évalue à 12 milliards de dirhams le potentiel inexploitable des échanges entre le Maroc et l’Afrique, une opportunité entravée par les lourdeurs logistiques.

Cette situation pousse les experts à pointer du doigt la faiblesse du secteur maritime marocain comme un goulot d’étranglement. Face au coût élevé du fret aérien et aux complexités du transport terrestre, le développement d’une flotte nationale apparaît comme une nécessité absolue. Or, aujourd’hui, le transport maritime des marchandises marocaines repose principalement sur des armateurs européens, qui font escale au Maroc avant de rejoindre les ports africains. Une situation qui génère des coûts additionnels estimés entre 35 et 55%, réduisant ainsi la compétitivité des produits marocains sur le continent.

Cette dépendance n’a pourtant pas toujours été de mise. Dans les années 70 et 80, le Maroc disposait d’une flotte maritime en pleine croissance, soutenue par un cadre réglementaire protecteur. En 1989, le pays comptait 73 navires sous pavillon national. Mais l’abrogation des codes d’investissement sectoriels dans les années 90, au profit de la charte de l’investissement de 1995, a marqué le début du déclin. Entre 1990 et 2000, la flotte marocaine est passée de 71 à 52 navires, poursuivant sa chute inexorable pour ne compter que 16 navires en 2020.

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La libéralisation soudaine, une hémorragie fatale

Le naufrage du pavillon marocain s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, l’endettement chronique des compagnies maritimes nationales et la liquidation progressive de grandes entreprises comme Limadet, Comanav, Comarit ou encore la Générale Maritime. Mais surtout, la libéralisation brutale du transport maritime de fret en 2006 a privé les opérateurs nationaux de parts de marché vitales, les exposant à une concurrence internationale sans filet protecteur.

En 2022, seuls 5% des échanges extérieurs du Maroc étaient assurés par la marine marchande nationale, contre 23% en 1985. Certains segments stratégiques, tels que les phosphates, le charbon, les véhicules neufs ou encore les céréales, ne bénéficient d’aucune couverture nationale, rendant le pays tributaire des fluctuations tarifaires et des pratiques commerciales des transporteurs étrangers.

Face à cet état de fait, les voix s’élèvent pour exhorter le gouvernement à restructurer le secteur maritime national. Le président de l’Association Marocaine des Exportateurs (ASMEX) appelle ainsi à la création d’un pavillon national solide, à même de réduire les dépendances et d’améliorer la compétitivité des produits marocains sur le marché africain. L’objectif ? Assurer une meilleure connectivité maritime avec les pays du continent et permettre au Maroc d’asseoir durablement sa présence économique en Afrique.

Sans un redéploiement urgent du secteur maritime, le Maroc continuera à voir ses ambitions africaines entravées par des obstacles logistiques qui freinent l’essor de son commerce extérieur. Le temps presse, et la relance de la flotte nationale pourrait bien être la clef de voûte d’une intégration économique effective avec le reste du continent.

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