Complot, Etat profond et ordre mondial : jeu de paradigmes et diversion !
Par Kamal F.Sadni
( Géopoliticien)
Faire la distinction ou l’association entre les expressions ‘Théorie du complot’ et ‘Etat profond’, est un exercice qui dépasse la simple tentative de jouer sur les paradigmes. Si l’on y ajoute une panoplie de paradigmes tels que ‘le choc des civilisations’, la constitution-reconstitution de l’ordre mondial’, il y a une chance d’y perdre le nord. Ces paradigmes sont revisités à la lumière de la tension entre la Russie, l’Ukraine et les autres intervenants dans une crise qui aura un impact considérable sur la perception des alliances et le recentrage des appartenances géopolitiques futures.
On n’y peut rien tant l’actualité politique et les schémas géopolitiques se télescopent offrant l’opportunité à tout le monde de s’y mettre pour y trouver le patchwork idéal à promouvoir. A l’examen de la matière proposée, une conclusion se dégage : tout le monde parle de manipulation et entretient ‘la mentalité de la victime’. On se lance les accusations et on alimente les divergences sans crier gare. L’actualité reste donc dominée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine avec une multitude de supputations sur l’opportunité d’une solution probable et les risques d’une fuite en avant dans une crise à long terme. Et pour cause, les acteurs en présence développent des argumentaires contradictoires et nourrissent des ambitions exagérées en termes de géopolitique et de contrôle de l’échiquier interne en phase de transition laborieuse post-Covid-19.
L’Ukraine et la Russie raisonnent par la logique de la reddition de l’autre partie : jeu à somme nulle dans toute sa superbe. Les acteurs étrangers, impliqués directement ou indirectement, se situent dans la logique du gain géopolitique à moyen terme. Des arguments sortis des séquelles de l’histoire mouvementée de l’espace eurasien font le bonheur des commentateurs et des décideurs, dont le zèle leur fait perdre le sens de l’équilibre et de la raison. Mais la tension fait aussi le bonheur de certaines maisons d’édition qui se disputent la pertinence d’avoir publié des auteurs qui prétendent connaitre les tenants et aboutissants de la structure mentale des dirigeants russes, ukrainiens1, allemands, turcs ou français ou celle de leurs alliés potentiels dans les quatre coins du monde2.
Les affaires sont juteuses –et non pas seulement en termes de confrontations armées présentes et futures. Il y a aussi les bénéficiaires de la rente humanitaire– ceux-là qui versent des larmes de crocodile sur le drame des réfugiés et des déplacés. La mobilisation des organes spécialisés des Nations unies et l’appel aux philanthropes de service se joignent au carnaval et font cohabiter des individus en provenance de plusieurs pays même ceux portant la nationalité des pays belligérants.
Des paradigmes en souffrance de légitimité
Dès lors, on procède, consciemment -ou par la force des choses- à la hiérarchisation des problèmes, des conflits et des crises qui jonchent le parcours de certains décideurs au sein d’un système international de plus en plus fragmentaire, qui cherchent à tirer leur épingle du jeu sans perdre au change. Toutefois, la marge de manœuvre des principaux décideurs est limitée. Elle l’est pour des raisons de politique intérieure et des impératifs de politique étrangère. Dès lors, le risque d’une confrontation plus large, pouvant aller jusqu’à une guerre nucléaire limitée, est à prendre au sérieux.
Et ceci, pour une raison simple : l’échec de la guerre par agents interposés, que se livrent les acteurs majeurs de ce système international, pourrait les pousser à commettre des folies aux lendemains obscurs. Cette observation n’est pas surdimensionnée dans la mesure où le système international ne cesse de connaitre des remous en termes de structure et de processus- grâce (ou à cause des), entre autres, aux médias et aux réseaux sociaux. On entre alors dans le champ de la manipulation. Des écrits, toutes formes confondues, fusent dans l’arène. Les professionnels de la diversion, de la machination et de la fuite en avant font leur travail avec des bonheurs différents, mais, quelle que puisse être la cible momentanément visée, le résultat est le même.
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A la manipulation répond la frustration d’un public qui sort à peine du syndrome de Covid-19, et qui se nourrit dans les théories du complot et de l’Etat profond. Ce public, comme nombre de gens dits avertis, se berne par des lectures qui lui donnent –intellectuellement- raison sur le plan individuel, c’est-à-dire, existentiel, sans aller jusqu’à sombrer dans la pathologie du déni. La contagion atteint certaines sphères du système décisionnel. Et les exemples sont nombreux tant sur le plan interne que sur le plan externe. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a ameuté des acteurs -dits intermédiaires et mineurs- les séduisant pour tenter de sortir le grand jeu : le règlement de compte à des fins politiques et géopolitiques. A cet égard, l’agitation dans les espaces eurasien, euro-méditerranéen, moyen-oriental, africain et latino-américain est on ne peut plus intéressante à observer. Commençons par le dossier le plus brûlant : l’énergie. Si l’énergie n’est pas exclue des tractations se rapportant aux disputes géopolitiques actuelles, elle ne peut être, à l’avenir, un facteur de paix. Le danger lié à la géopolitique de l’énergie réside dans le fait qu’elle ne participe pas seulement à la mise en œuvre du paradigme de ‘changement de régime’, mais elle consacre aussi la renaissance de leurs cendres d’acteurs non-étatiques friands d’idéologies révisionnistes, de revendications irrédentistes et de prétentions à la réalisation du ‘chaos total’, dont ne se sont pas gardés les prompteurs du ‘chaos créatif’.
Des pays producteurs de pétrole et de gaz ne se frottent vraiment pas les mains comme au bon vieux temps. Les hydrocarbures ne sont plus ‘un atout tangible renouvelable’, pour reprendre le paradigme de Stanley Hoffmann. La Russie est au centre du tourbillon. La survie de son économie dépend largement des exportations des hydrocarbures. Mais elle n’est pas la seule. La Russie utilise l’arme de l’énergie comme un moyen de marchandage idoine. Elle a réussi, jusqu’à présent, à limiter les dégâts. Elle sait que l’Occident n’a pas intérêt à la faire plier totalement – du reste il n’a pas les moyens tangibles de le faire. Elle sait qu’elle ne représente que la première cible dans le jeu global de refonte du système international ; la deuxième étant la Chine –ceci dans le cadre du schéma intériorisé que les acteurs mineurs ou moyens européens, africains, latino-américains seraient acquis à la victoire programmée de l’une ou l’autre partie.
La guerre autrement : la géopolitique de l’énergie
La Russie demande des garanties sécuritaires et une démilitarisation de l’espace qui lui est mitoyen. L’élargissement de l’Otan à ses frontières immédiates ne lui plait pas ; et elle est prête à payer le prix qui en découlera. Tant que le front intérieur est uni (même au prix d’un populisme que certains jugent exagéré, mais cela existent aussi en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Afrique), la Russie pourra tenir le coup. Elle ne craint pas de perdre au change. La détermination de la Russie, que certains jugent suicidaire, donne des idées à des acteurs mineurs producteurs de l’énergie fossile. Parmi ces acteurs, il y a l’Iran, le Venezuela, le Nigéria et l’Algérie.
La solidarité par la géopolitique de l’énergie ne peut cependant pas jouer à tous les coups. Les contraintes de la géographie et la fragilité des structures étatiques intranationales ne le permettent pas non plus. Car l’objectif de la Russie et de ses détracteurs occidentaux n’est pas la capitulation de l’un ou de tous les protagonistes. De même que la capacité de marchandage des uns et des autres est proportionnelle et, surtout, limitée. Le seul pays qui semble momentanément pouvoir tirer son épingle du jeu, est l’Iran. Un état de fait non pas directement sur le terrain de l’énergie fossile, mais sur ceux du nucléaire et du contrôle de l’espace moyen-oriental, ne serait-ce que dans les pays qu’il domine par la force des choses ou par agents interposés (Syrie, Liban, Yémen et Irak).
L’Iran se situe déjà dans la configuration d’un partenariat stratégique plus poussé englobant Téhéran, Pékin et Moscou, avec l’espoir de gagner du temps et damer le pion à ses compétiteurs régionaux que sont le Pakistan et l’Inde sur le volet sécuritaire et économique. Le gain que l’Iran pourra obtenir sur le terrain de la géopolitique de l’énergie sera celui de la levée des sanctions internationales et la récupération de ses avoirs dans les banques étrangères estimées à des milliards de dollars. Il pourra alors lâcher du lest sur certains dossiers régionaux, mais tout en veillant à mener la dance. Le seul écueil aux attentes iraniennes réside dans ses ambitions hégémoniques en dehors de son espace, notamment en Afrique. Déjà Téhéran fait grincer les dents des pays qui partagent avec lui la chance (ou la malédiction) d’avoir un sous-sol riche en hydrocarbures, dont le Nigéria. Le Nigéria ambitionne de devenir un fournisseur attitré de l’Europe en matière de gaz naturel. Il nourrit l’espoir de voir réaliser l’un des deux gazoducs (ou les deux à la fois) en direction de l’Europe ; le premier, le gazoduc Nigéria-Maroc, passant par douze pays d’Afrique de l’Ouest; le deuxième, le gazoduc transsaharien traversant le Niger vers l’Algérie.
Les analystes avertis penchent vers le gazoduc Nigéria-Maroc, en raison de sa dimension fédératrice, développementaliste et sécuritaire. Du reste, le processus est sérieusement engagé à travers le financement des études de faisabilité impliquant des investisseurs sérieux, y compris des investisseurs russes qui se disent intéressés. Par contre, le gazoduc transsaharien présente des risques sécuritaires avérés, en raison de la prolifération des réseaux du crime organisé, enrichie par des tentations sécessionnistes, dans la bande sahélo-saharienne en visant des pays particuliers dont le Mali, l’Algérie et le Niger – sans parler de la Libye, déjà fragilisée par la lutte pour le pouvoir et des allégeances intranationales et internationales contradictoires.
De même que l’Algérie, par le fait de ne pas renouveler le contrat sur le gazoduc Maghreb-Europe, passant par le Maroc, a démontré son manque de crédibilité et de transparence dans l’approvisionnement de l’Espagne et du Portugal en gaz naturel. Mieux, certains observateurs n’écartent pas l’hypothèse que l’Algérie fût, au départ, de mèche avec la Russie, alors que celle-ci préparait son offensive militaire contre l’Ukraine. Tant et si bien que lorsque l’Algérie s’est précipitée à sanctionner l’Espagne pour avoir adopté une position allant dans la logique du Maroc en vue de résoudre conflit régional autour du Sahara, en s’adonnant à un jeu stérile (en promettant, au passage, d’assurer des livraisons de gaz à l’Italie), la Russie lui a répondu par deux messages clairs. D’une part, par l’intermédiaire d’investisseurs russes se déclarant intéressés par le gazoduc Nigéria-Maroc et d’autre part, par l’arrivée inopinée du ministre des affaires étrangères russe à Alger, sans doute, pour attirer l’attention des dirigeants algériens sur l’obligation de ne pas s’inscrire dans la logique des sanctions que les Etats-Unis et l’Europe entendent décréter contre Moscou sur le terrain de l’énergie. L’idée que l’Algérie offre ses installations militaires terrestres et navales à la Russie (en plus d’une présence militaire déjà confirmée depuis longtemps) pour observer plus confortablement le mouvement des forces de l’Otan à partir de la rive Sud de la Méditerranée n’est pas à écarter.
Manque de sérieux et calculs géopolitique erronés de la part des décideurs algériens tant au niveau de l’énergie que celui des tensions régionales concernant la Libye, le Sahel ou l’entretien d’une approche belliqueuse contre des pays qui ne partagent pas sa vision hégémonique en Afrique. La constitution du G4 avec l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et le Nigéria entre dans le cadre de cette vision floue, forgée par une myopie et un strabisme politico-stratégique qui laissent pantois. Il en découle que la solidarité entre pays producteurs des hydrocarbures au sein, et en dehors, de l’Opep se réduit comme peau de chagrin. Et c’est dans cet esprit que le rôle du Venezuela manque de panache et ne peut aller au-delà de la survie aux sanctions que Caracas souhaiterait ne pas voir aggravées par une tournure favorable aux occidentaux et nuisible aux intérêts russes.
Le Venezuela se souvient du passé récent, notamment en 2020-2021, où sa solidarité avec l’Iran lui a causé des ennuis, notamment quand, sous couvert de la coopération maritime, des bateaux iraniens ont été arraisonnés pour soupçon de livraison de cargaisons de pétrole à Caracas soumis à un embargo économique américain draconien. La livraison se voulait honorer un contrat de livraison d’armes contre la mise à niveau des installations pétrolières vétustes au Venezuela.
Les médias et réseaux sociaux complices et victimes
Pour l’instant, la guerre la plus féroce en termes d’impact est celle ayant lieu dans l’espace médiatique qualifié de Soft Power3 qui a de longues années devant lui. Les Occidentaux reprochent à la Russie de cacher à son peuple la réalité sur sa défaite programmée. Les Russes stigmatisent les Occidentaux pour ne pas dire la vérité sur les vraies raisons du double-jeu vis-à-vis de la crise ukrainienne – et plus généralement vis-à-vis de tout l’espace ex. Soviétique. L’idée circule dans cet espace, aussi bien qu’en Russie, que les anciennes républiques soviétiques n’ont jamais été aussi proches de Moscou, en raison de l’hypocrisie occidentale et du non-respect des engagements tenus, à la veille de la décomposition de l’URSS en 1990. Ni le Partenariat oriental, ni le processus d’association-adhésion à l’Union européenne ou (plus corsée) à l’Otan n’ont été aussi laborieux, parce que non-voulus, ici et maintenant et à l’avenir, à l’image de la position entretenue, par ces mêmes pays (individuellement et au sein de l’UE) à l’égard de la Turquie.
Les médias, mais aussi les réseaux sociaux, qui deviennent comme une malédiction pour certains gouvernements non habitués aux flux de critiques même si celles-ci versent, la plupart des cas, dans la bouffonnerie, mettant indirectement les bâtons dans les roues des vrais militants de la démocratie et des droits de l’Homme. Ceci sans parler du phénomène de masse se rapportant aux compétitions sportives, artistiques ou vestimentaires que certains assimilent à des combats existentiels faisant apparaitre certains décideurs politiques comme des clous de spectacles insipides. C’est que la dimension interne s’invite dans le débat et semble être la véritable raison des cris de folie et de colère dans les arènes des transitions politiques laborieuses. Dans l’espace nord-africain, la Libye tâtonne, la Tunisie danse sur un seul pied et l’Algérie fait montrer ses dents. Pas question que la transition se fasse sur des bases nouvelles qui pénaliseraient les détenteurs du pouvoir en place.
Les élites au pouvoir en Algérie s’y agrippent de toute leur force4. Acculées à se défendre devant la perte du terrain face au voisin marocain, elles tentent de fédérer les Algériens autour d’un appel à la réconciliation nationale sélective, géré par des caciques qui n’ont plus rien à perdre. Vivement que la tension entre la Russie et l’Ukraine se perpétue, souhaiteraient-elles, jusqu’à ce que les choses se clarifient sur les échiquiers politiques intranationaux. Même si un tel scénario est risqué tant les pays d’Afrique du Nord dépendent du blé russe et ukrainien ; une denrée qui constitue une vraie bombe à retardement. Si l’énergie s’y ajoute, il y a risque d’un désordre qui fera boule de neige.
La Tunisie se cherche encore dans une transition qui ressemble à la méthode de la table rase. Une politique étrangère hésitante, qui déroge à la sagesse d’antan5 et une quête d’un équilibre politique intranational favorisant l’exclusion au lieu de promouvoir l’inclusion.
Ne se gardant pas de mieux voir avant d’entreprendre, la Tunisie n’est pas loin de s’engouffrer dans la politique des axes animés, depuis quelques mois, par l’Algérie qui veut parallèlement prendre sa revanche contre la Libye, qui n’a jamais reconnu le tracé des frontières héritées de la colonisation, intimider la Mauritanie et isoler le Maroc.
Des schémas tactiques stériles et dépassés
Au Moyen Orient, les choses bougent sur les échiquiers politiques internes. Le Liban se livre à une énième tentative d’apaisement politique par le biais d’élections contrôlées. L’absence d’une volonté politique réelle de la part des acteurs influents, l’intransigeance de certaines figures historiques empêtrées dans des alliances régionales, qui n’en finissent pas de miner le pays, n’augurent rien de positif6. L’optimisme fait des orphelins à tous les niveaux du système décisionnel gouvernemental, partisan et clanique.
La Syrie souffle un peu. Cependant, elle perçoit la guerre entre la Russie et l’Ukraine avec suspicion et redoute qu’un revers essuyé par Moscou ne la pénalise dans la foulée. Alors, le président syrien va à Téhéran pour en avoir le cœur net, notamment si dans une telle éventualité, il y aurait matière à éviter de ne pas être le dindon de la farce.
Plus clairement, si dans le cadre des négociations sur l’accord nucléaire, il y avait indirectement une exigence que les milices étrangères, principalement celles inféodées aux gardiens de la révolution iranienne ou au Hezbullah, soient sommées de quitter la Syrie. Le départ des milices et des groupes extrémistes non-étatiques est une exigence fondamentale défendue notamment par la Russie, faisant le bonheur des négociateurs européens –et américains.
Par ailleurs, la Turquie enterre la hache de la guerre politico-idéologique livrée respectivement à l’Egypte et à l’Arabie saoudite. L’islam politique ‘version frères musulmans’, qui n’avait été qu’un prétexte pour la Turquie pour s’implanter (ou revenir en force) au Moyen Orient, n’est plus une priorité dans la conception et la mise en œuvre de la politique étrangère turque. C’est dans le même registre que s’inscrit la consolidation des relations entre la Turquie et Israël. L’énergie y est pour beaucoup, mais pas seulement l’énergie.
Parallèlement, l’esquisse d’une réconciliation timide entre l’Iran et l’Arabie saoudite se fait l’écho des changements rapides sur l’échiquier géopolitique régional, favorisé par la crise ukrainienne et la bataille rangée pour le contrôle des voies maritimes (et la construction de bases navales) sur les parcours classiques du commerce international passant par les détroits ou canaux stratégiques entre la Méditerranée, la Mer Rouge et l’Océan indien. Une bataille qui implique également la Turquie et les Emirats arabes unis, en plus des Européennes, américains et russes.
La question demeure posée : comment réussir à surprendre (et cette main invisible ‘nourricière de ‘la théorie du complot’ ? Et dans quelle mesure elle serait celle de ‘l’Etat profond’ ? Et l’intérêt national dans tout cela ? Quelle que puisse être la réponse, elle ne ferait que soulever d’autres questions plus inquiétantes : les gens, y compris les décideurs, ne veulent pas regarder la réalité en face.
Et cette réalité se résume dans les constats suivants : le post-Covid-19, les répercussions de la guerre entre la Russie et l’Ukraine et la montée en puissance de nouveaux acteurs internationaux dépassent l’analyse simpliste sur l’échafaudage d’un nouvel ordre mondial, la fin de l’unilatéralisme ou l’influence des acteurs non-étatiques, dont certains ont un agenda déstabilisateur déclaré.
Ces acteurs versent fondamentalement dans le terrorisme, comme en a témoigné la réunion ministérielle de la Coalition mondiale contre Daech qui s’est tenue, le 11 mai 2022, à Marrakech. Cette Coalition, créée en 2014 et composée de 84 pays et organisations internationales, prend la mesure des choses et corrige (ou démystifie) les perceptions sur la connivence entre certains systèmes décisionnel étatiques et le terrorisme qu’ils auraient promu en son temps.
Lors de la réunion de Marrakech, certains participants n’ont pas hésité à faire le parallélisme entre le séparatisme et le terrorisme. Il s’agira de la combinaison de plusieurs facteurs à la fois, dont notamment le retour en force de l’Etat en tant qu’acteur prédominant sur les échiquiers politiques et stratégiques nationaux et internationaux. Un retour mitigé, car l’Etat classique, qui peine à s’adapter aux réalités nouvelles, n’a plus les mains libres. Il ne peut non plus se fier aux études et prédictions des planificateurs politiques et stratégiques prétendument attitrés, qui se consolent, désormais, dans la conjecture pour se refaire une virginité ou, éventuellement, prendre le train en marche.