Contestation en Algérie: les avocats défilent pour l’indépendance de la justice
Des centaines d’avocats ont manifesté jeudi à Alger pour réclamer l’indépendance de la justice et protester contre les arrestations de manifestants, militants et journalistes lors ou en marge du « Hirak », le mouvement inédit de contestation du régime en Algérie.
« Libérez la justice! », « la défense veut un Etat de droit », ont scandé un demi-millier d’avocats venus de plusieurs régions du pays et rassemblés devant le tribunal de Sidi M’hamed, dans le centre de la capitale, selon un journaliste de l’AFP.
Les « avocats se lèvent contre la justice du téléphone », ont-ils également scandé, en référence aux instructions téléphoniques présumées données aux magistrats par le pouvoir.
L’objectif de la manifestation « est de réaffirmer notre attachement aux droits de la défense et aux droits des justiciables, tels que le droit de manifester ou d’exprimer une opinion », a déclaré à l’AFP Me Noureddine Benissad.
« Aujourd’hui, il y a beaucoup d’arrestations et de poursuites contre des citoyens qui n’ont fait qu’exprimer leur opinion », a dénoncé ce ténor du barreau, également président de la Ligue algérienne pour la Défense des droits de l’Homme (LADDH), qui défend plusieurs personnes emprisonnées dans le cadre du « Hirak » entré mardi dans son 9e mois.
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Après avoir rejoint l’Assemblée nationale, non loin du tribunal, les avocats ont scandé « la défense est la voix du peuple », avant de revenir au tribunal et de se disperser.
Les avocats veulent « accompagner le mouvement populaire qui réclame un changement radical du système » politique en place depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962 et dénoncer « la vague d’arrestations » visant à « briser » le « Hirak », a expliqué Me Abdellah Haboul, ancien magistrat devenu avocat.
De très nombreux avocats soutiennent publiquement le mouvement inédit de contestation du régime depuis son début le 22 février, en participant aux manifestations hebdomadaires et en défendant bénévolement les « détenus du +Hirak+ ».
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association récemment créée, recense une centaine de « prisonniers politiques et d’opinion » –manifestants, journalistes, militants– placés en détention provisoire, certains depuis juin, pour des faits liés à la contestation.
Mardi, deux ans de prison ferme pour « atteinte à l’unité nationale », crime passible de dix ans de réclusion, ont été requis contre six manifestants arrêtés le 21 juin à Alger en possession de drapeaux culturels amazighs (berbères) et 18 mois de prison le lendemain contre cinq autres.
Les verdicts de ces deux premiers procès de manifestants tenus à Alger sont attendus les 29 et 30 octobre.
Jeudi, la garde à vue de Mustapha Bendjama, rédacteur en chef d’un quotidien local d’Annaba (nord-est), arrêté mercredi, a été prolongée par le Parquet qui a réclamé un complément d’enquête, a annoncé son avocat à l’AFP, disant ne pas connaître les raisons pour lesquelles son client est poursuivi, mais soupçonnant ses publications d’être à l’origine de son arrestation.
Quatre journalistes ou blogueurs ont déjà été placés détention préventive depuis fin septembre pour des publications liées au « Hirak ».
Par ailleurs, la Ligue algérienne de Défense des droits de l’Homme (LADDH) a annoncé l’arrestation jeudi à Oran (350 km à l’ouest d’Alger) d’un de ses militants, Kaddour Chouicha, dont elle se dit depuis sans nouvelles.
Avec AFP