Covid-19 : A partir du jour d’après, une société se jugera à l’état de ses hôpitaux
«Le Monde ne sera jamais plus pareil».
Cette incantation post-apocalyptique, entendue, à chaque fois que l’Humanité est marquée par une crise globale soudaine et inattendue, semble raisonner de nouveau dans nos esprits, tel un écho sans fin, dans ce double contexte de chaos sanitaire mondial et de grave récession économique. Rien, absolument rien, et encore moins les outils de coopération, issus des mécanismes multilatéraux post Bretton Woods, n’a pu empêcher la propagation, aujourd’hui planétaire, d’un virus né en Chine, ébranlant sur son passage, toutes les idées reçues et les certitudes que nous nous faisions sur la réalité de notre Monde. Rien, absolument rien, et encore moins les leçons censées avoir été retenues des expériences passées du SRAS, du MERS, du H1N1 et d’Ebola, n’a permis d’endiguer, de limiter ou de maîtriser l’inévitable propagation mondiale d’un virus parti de Chine.
Repenser la mondialisation ?
C’est cette mondialisation, sous ses différentes formes dont la libre circulation, certes contrôlée, qui en découle, qui est pointée du doigt et qui est, trop souvent, clouée au pilori par les observateurs. Il est indéniable que l’effet papillon – un badaud qui se nourrit, vraisemblablement, d’un pangolin, acheté sur le marché de Wuhan, entraîne la mort de milliers de personnes, à travers le monde, ou plutôt l’effet domino causé par une épidémie partie de Chine, devenue une pandémie présente dans plus de 170 pays, reflètent l’interdépendance économique induite par la mondialisation. Or de tous temps, c’est cette même interdépendance économique qui a causé les pandémies les plus meurtrières de l’Histoire. Si les tenants du discours un peu trop facile, admettons-le, de la nécessaire démondialisation risquent d’avoir encore de beaux jours devant eux grâce au nouveau coronavirus, il n’en reste pas moins que la mondialisation, telle qu’on la connaît aujourd’hui, telle qu’on la vit, doit être fortement repensée. Nous nous pensions à l’abri d’un tel questionnement, seulement effleuré lors de la crise financière de 2008 et si vite oublié depuis, mais le Covid-19 nous démontre, tous les jours davantage, que les socles sur lesquels repose, depuis des décennies, notre société de consommation présentent d’importantes fragilités. Cette pandémie nous révèle leur ampleur tout autant qu’elle souligne les limites d’une absence de régulation du marché ou d’économies trop interdépendantes et trop interconnectées, y compris lorsqu’il s’agit de santé publique.
Sauver l’économie ou sauver des vies? Telle est l’équation ou le dilemme auxquels font face quotidiennement de nompbreux dirigeants à travers le monde.
En 2008, c’est la crise des «subprimes» qui avait conduit à la faillite de Leman Brothers puis à la crise du système financier international, ayant, par la suite, engendré une crise économique ayant principalement impacté les pays membres de l’OCDE. Les Etats (riches) ont choisi de manière coordonnée de sauver leur système financier en injectant de l’argent dans les banques, sans faire évoluer d’un iota les principes macroéconomiques, notamment budgétaires et monétaires, et sans bouleverser les paradigmes financiers.
Les crises se suivent et ne se ressemblent pas
En 2020, c’est une crise sanitaire mondiale sans précédent, donc une crise qui touche l’Homme, qui bouleverse les lois du marché, à savoir l’offre et la demande, mais également les principes de base de l’économie; le capital et le travail. En l’absence de traitement et de vaccin contre le Covid-19, le confinement obligatoire, qui reste, à ce jour, le seul dogme préventif pour lutter contre la propagation du virus afin d’empêcher la saturation des systèmes nationaux de santé, réduit considérablement l’offre (l’activité productive est au ralenti en Chine, usine du monde et également l’un de ses principaux marchés, mais aussi dans les principales puissances industrielles) et entraîne un très fort ralentissement de la demande, qui se focalise, essentiellement, désormais, sur les produits de toute première nécessité. Pour l’ensemble de ces raisons, la crise sanitaire actuelle risque, dans les prochaines semaines, d’avoir des répercussions économiques et sociales au moins toutes aussi importantes dans leur impact que celles vécues lors de la crise de 1929.
Le Coronavirus a brisé les chaînes de production et d’approvisionnement mondiales, y compris dans le domaine sanitaire, engendrées par la globalisation et la division internationale du travail. Cette crise, au-delà de ses graves répercussions économiques, à court et à moyen termes, met également en lumière l’absence de souveraineté nationale en matière de produits dits stratégiques ou vitaux pour un Etat. Et c’est sans doute, essentiellement dans ce domaine, au-delà des répercussions économiques, sociales ou encore psychologiques, qu’il y aura nécessairement un «avant» et un «après» Covid-19. En effet, cette crise laissera une trace telle dans les esprits que plus jamais une Nation, qui a les moyens de se prémunir contre les risques de pénuries de médicaments, d’appareils de santé, de produits sanitaires ou encore de tests de dépistage, ne se permettra de continuer à sous-traiter ou à déléguer à d’autres son approvisionnement sur le plan de la santé publique. Les stocks sanitaires publics, jadis décriés voire même caricaturés, seront désormais encouragés et deviendront la norme. Les investissements publics dans le secteur de la Santé, qui doit pouvoir relever, au même titre que la Défense ou la Sécurité, du domaine régalien de l’Etat se démultiplieront.
Le choix cornélien
Sauver l’économie ou sauver des vies? Telle est l’équation ou le dilemme auxquels font face quotidiennement de très nombreux dirigeants à travers le monde, d’où le tâtonnement ou les contradictions qui peuvent, parfois, être relevées dans les discours de certains décideurs politiques occidentaux. Deux doctrines s’affrontent: Celle, d’abord, qui consiste à libérer les Etats en temps de crise, ou en temps de guerre sanitaire contre le coronavirus, de leur orthodoxie budgétaire, en laissant filer les déficits pour faire face aux effets du confinement obligatoire, en venant massivement en aide aux entreprises, en préservant les emplois et en assurant un large éventail de prestations sociales. Elle peut être résumée à l’expression du Président Macron «quoi qu’il en coûte». Selon l’Insee, l’institut de prospective et de statistiques français, chaque mois de confinement coûtera au moins trois points de PIB en moins, à la fin de l’année. Par opposition à cette expression du Président français, on pourrait retenir la déclaration du Président Trump «We can’t let the cure be worse than the problem», autrement dit la solution – à savoir le confinement et l’arrêt partiel de l’économie qui en découle est potentiellement destructeur pour la première puissance économique mondiale – ne peut être pire que le problème, à savoir la crise sanitaire. Le Président Trump qui s’oppose à un «lockdown» général du pays, au moment où plus d’une vingtaine d’Etats, dont ceux de New York et de Californie, sont en confinement obligatoire, souhaite «rouvrir » le pays à l’échéance du 12 avril, au moment où l’OMS prédit que les Etats-Unis seront le prochain épicentre de la pandémie. Le rebond des marchés financiers, conséquence de cette déclaration et l’approche de l’échéance électorale du mois de novembre conforteront, davantage, le Président américain dans cette position, à moins que la multiplication des contaminations et des décès liés au Covid-19, dans ce pays, ainsi qu’une détérioration rapide de la situation sanitaire ne conduisent le Président Trump, qui assure que les Etats-Unis ont les moyens de démultiplier rapidement et efficacement la capacité de réponse de leur système de santé face à la multiplication des cas à venir, à faire, de nouveau, évoluer sa position. Il n’en serait alors pas à sa première volte-face.
Les hésitations de Boris Johnson qui ont précédé la mise en place du confinement en Grande-Bretagne, ou encore le choix de l’Allemagne de miser sur la distanciation sociale mais pas encore sur le confinement obligatoire, démontrent la réticence de certaines des principales puissances économiques à mettre en place le confinement obligatoire, au risque de déstabiliser fortement leur économie. Si la France a fait le choix assumé du confinement obligatoire, on assiste, en parallèle, à l’émergence d’un discours officiel de mobilisation autour du patriotisme économique qui consiste à promouvoir le «consommer français» ou à inviter les français à «aller dans les champs» pour aider les agriculteurs, au mépris des règles actuelles de confinement.
Plus globalement, les Etats, pendant que la majorité d’entre eux s’interrogent sur la pertinence du confinement ou sur la nécessité de le lever au plus tôt, ont choisi, au-delà des mesures sanitaires, d’injecter plus de 6.000 milliards de dollars (dont 5.000 milliards de dollars à travers le G20), soit beaucoup plus qu’en 2008, pour mettre fin à cette crise sanitaire ou pour réduire son impact économique. La crise de 2008 et celle de 1929 venaient de la finance, soit du système économique luimême. La crise économique actuelle, issue d’un choc sanitaire, n’est pas systémique, même si elle met en lumière de nombreuses fragilités. D’ailleurs l’économie, fortement appuyée par les Etats, repartira, sans doute, d’elle-même, tout aussi vite qu’elle s’est arrêtée. Les experts prévoient, d’ailleurs, une croissance de l’ordre de 6 ou 7% en 2021.
Chacun pour soi
Mais en l’absence de concertation internationale, au moment où chaque pays, sans doute légitimement, joue sa propre partition, on est en droit de nous interroger sur le caractère obsolète des mécanismes du multilatéralisme, face à un tel défi, venu se présenter au Monde, de manière totalement imprévisible, qui voit non seulement le système international être totalement exsangue et incapable d’endiguer la propagation d’une telle pandémie, mais tout aussi incapable, à ce jour, de réunir l’ensemble de la communauté internationale autour d’une base commune de réponses concertées à apporter. Alors qu’il n’y a eu, à ce jour, aucune réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU, aucune réunion du G7, seulement qu’un Conseil européen tenu en vidéoconférence qui nous paraît déjà si lointain et qu’un Sommet virtuel du G20, tenu somme toute assez tardivement dans la chronologie de cette crise, seule la lueur de l’OMS, qui doit être, aujourd’hui, considérée davantage comme un organe d’autorité sanitaire plutôt qu’une organisation de concertation et de coopération internationale, continue à scintiller dans le ciel bien sombre du multilatéralisme.
Au moment où l’Europe est l’actuel épicentre de la pandémie, c’est bien entendu l’Union Européenne, ou plutôt son absence, qui cristallise tous les questionnements. Déjà fragilisée par le Brexit, l’UE, qui s’est doublement construite sur le principe de solidarité d’après-guerre et d’après chute du bloc de l’Est, semble se défaire par son absence de solidarité face à cette crise européenne sans précédent. L’appel à l’aide de l’Espagne, qui vient de dépasser la Chine, dans le décompte macabre du nombre de morts causées par le Covid-19, à l’OTAN, la Chine qui vient en aide à l’Italie, où les images de remplacement du drapeau européen par le drapeau chinois se multiplient, ou encore le détournement en République Tchèque des masques chinois censés être livrés à l’Italie, resteront dans les esprits comme les marqueurs de la faillite de l’Europe. Cette crise mondiale et l’explosion de cette pandémie réduit l’UE à son plus simple appareil, à savoir un mécanisme de concertation budgétaire, monétaire et financier. Et encore, avec l’explosion des déficits à venir dans les Etats membres et la mise en suspens du Pacte de Stabilité ou alors avec l’impossibilité pour la BCE de baisser davantage son taux directeur, compte tenu des taux d’intérêts déjà négatifs, que peut-il rester aux institutions financières et monétaires européennes ? Sans doute la capacité certaine de pouvoir sortir le chèque pour financer les plans de relance économique (mais aussi les filets sociaux) une fois la crise sanitaire terminée dans le Vieux Continent, mais nous n’en sommes pas encore là.
Nous l’avons vu plus haut, l’interdépendance, dans un Monde globalisé, a été un facteur de propagation de la pandémie et d’accélération de la récession économique. Or dans ce monde qui restera in fine globalisé, avec des ajustements qui s’imposeront d’eux-mêmes, seule une réponse globale et concertée pourra contribuer à sortir dans six mois, ou peutêtre plus, de la crise sanitaire et dans un an, ou peut-être plus, de la crise économique, de la récession ou, pire encore de la dépression. «C’est à travers la mondialisation de la recherche médicale et à travers le multilatéralisme, la coopération entre Nations, que les maux du Covid-19 seront combattus». Telle était ma conviction, exprimée, il y a quelques semaines, dans une précédente Tribune. Celle-ci est confortée aujourd’hui malgré l’absence d’avancées en termes de coopération internationale.
C’est, en effet, ce multilatéralisme réinventé qui nous permettra de sortir du spectre du paradigme de la gestion évolutive, seule réelle politique mise en place, actuellement, dans de nombreux pays. Comment peut-il vraiment en être autrement d’ailleurs ? Deux priorités, plus que toutes autres, semblent être inévitables et doivent pouvoir s’imposer, au plus vite, dans un agenda de concertation globale :
– D’abord, en l’absence de traitement validé par la communauté médicale et de vaccin, il est impératif que les stratégies de sortie du confinement généralisé soient coordonnées à l’échelle internationale. Rien ne pourrait être, en effet, plus grave pour l’économie mondiale qu’une sortie graduelle dans le temps et à géographie variable des Etats de leur confinement obligatoire sans concertation internationale. Si la courbe de la contagion des patients atteints du coronavirus doit être étalée, dans le temps, pour préserver les systèmes nationaux de santé et éviter ainsi une situation de saturation désastreuse sur le plan sanitaire, il serait catastrophique pour l’économie mondiale d’observer, en corolaire, un aplanissement dans le temps de la courbe de la baisse exponentielle de l’activité et de la production industrielle. Cela aurait comme effet d’empêcher un «reboot» complet du système, à moins que les pays qui lèvent leur confinement mettent à profit la relance de leur activité productive pour venir en aide aux Nations, toujours en confinement, dans un esprit de solidarité et d’interdépendance vertueuse, d’autant plus qu’il sera bénéfique pour leur propre économie.
Ensuite, la concertation internationale, -donc le multilatéralisme-, sera évidemment essentielle dans la mise en place d’un plan de relance multidimensionnel de l’économie mondiale. Il faudra aller bien entendu, tant la récession sera globale, au-delà et de la panoplie de mesures efficaces de soutien à l’économie mondiale et à la finance internationale mise en place, à travers le G20, lors de la crise de 2008. Ce plan global de relance, contrairement à celui de 2008, ne devrait pas uniquement concerner les économies de l’OCDE, mais plutôt celle de l’ensemble des pays touchés par le Covid-19 et par ses conséquences économiques et sociales, potentiellement dramatiques. Comme d’habitude, le continent africain sera en première ligne des besoins et une attention particulière devra être accordée au soutien des économies africaines (et aux différents systèmes de santé nationaux), dont certaines sont habituées à être confrontées à des crises sanitaires majeures telles qu’Ebola ou le VIH. L’Afrique, qui selon de nombreux experts, devrait être le dernier épicentre ou foyer de la pandémie de Covid-19, risque fortement et malgré elle, faute de moyens, d’appliquer un confinement généralisé strict. Et en l’absence de système de santé capable d’absorber un flux continu de patients, de devenir un réel laboratoire du principe de l’immunité collective – un temps cher à Boris Johnson et toujours appliqué au Pays-Bas et dans une moindre mesure, dans certains pays scandinaves – mais au prix d’un désastre humanitaire sans nom. Un de plus.
A situation exceptionnelle, sacrifices exceptionnels
La concertation et la coopération entre Etats, déjà observées sur le plan médical et scientifique, à travers la recherche de vaccin, la mise en place à grand échelle d’essais cliniques de traitement – incluant l’essai européen «Discovery» qui teste, actuellement, quatre traitements et cinq molécules, dont la fameuse et prometteuse chloroquine – mais aussi la simplification des tests de dépistage, pourraient être élargie à la réflexion autour de la définition d’une procédure de sortie de confinement, suffisamment efficace pour annihiler les risques de rebond de la pandémie. Le benchmark chinois s’impose bien entendu, mais le cas coréen peut également être pertinent. Partant de ces deux exemples et du postulat de l’absence prolongée de vaccin ou de traitements disponibles, les confinements généralisés, imposés dans de nombreux pays, doivent, à la fois, permettre d’éviter la saturation des systèmes de santé mais aussi de laisser le temps aux différents gouvernements d’être en mesure de proposer une démultiplication des tests de dépistage, qui reste en définitive, sans réponses médicales ou cliniques avérées, la seule mesure permettant de lever le confinement, une fois le pic de contamination de la population atteint.
Le dépistage à lui seul ne peut empêcher la diffusion et la propagation massive du virus. Il ne peut pas non plus permettre d’éviter le confinement. Il peut, cependant, lorsqu’il est accompagné d’un contrôle strict et d’une traçabilité complète des déplacements et des contacts des individus testés positifs – qui sont dès lors invités à s’isoler – permettre d’accompagner la levée du confinement obligatoire. Pour éviter d’en arriver là, les coréens qui disposaient d’une importante capacité de production de tests, héritée de l’expérience de ce pays, lors des épidémies du SRAS et du MERS, ont accepté de restreindre leur droit à la vie en privée en permettant aux autorités d’avoir accès, à travers l’utilisation des données de leurs smartphones, de leurs informations bancaires et de la méthode de «back tracking», à l’ensemble des personnes avec qui ils sont entrés directement ou indirectement en contact. Ce «tracking» est rendu d’autant plus efficace qu’il est également accompagné de l’utilisation massive en Corée du Sud de caméras de vidéosurveillance.
La Chine, qui sort progressivement du confinement, met en place des mesures similaires pour éviter un redémarrage de l’épidémie. En l’absence de solution sanitaire pour combattre le Covid-19, la restriction des libertés, dans un esprit de contribution volontariste à un effort collectif, semble être, pour le moment, le seul système de réponse valable et efficace. Au-delà des sacrifices économiques et des nombreuses pertes en vies humaines, cette crise sanitaire, sans précédent, impose, aujourd’hui, une restriction momentanée des déplacements et des contacts et imposera sans doute demain, dans les pays les mieux organisés et les mieux équipés, une limitation, sans doute plus durable, du droit à la vie privée. C’est le lourd tribut à payer lors de cette guerre mondiale, sans feu nourri, contre un ennemi, sans bannière, sournois et invisible.
A situation exceptionnelle, sacrifices exceptionnels donc. Mais, tout autant, à situation évolutive, gestion évolutive et solutions évolutives. Si la propagation du virus n’est pas figée, donnant l’impression d’avoir toujours une longueur d’avance sur les décideurs politiques, ce qui pourrait d’ailleurs expliquer les hésitations et les improvisations de certains d’entre eux, la doctrine pour faire face à cette crise n’est pas, non plus, figée, tant la vérité du jour peut être différente de celle du lendemain. Gouverner c’est prévoir, mais face à l’imprévisible, gouverner devient agir. Face à cette crise, il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises décisions mais seulement des décisions nécessaires, prises en conscience et en responsabilité dans un soucis de préserver l’intérêt général. A travers cette crise, comme nul autre événement récent, le décideur public remet naturellement l’Humain au centre de ses actions et de ses décisions.
«Le Monde ne sera jamais plus pareil». Oui, dans le bon sens, à condition, comme trop souvent par le passé, que nous n’ayons pas la mémoire courte. Mais, au coeur de la tempête, il est tout de même rassurant, même pour les plus libéraux d’entre nous, de voir se dessiner les contours d’un Etat Nation, d’un Etat Social, d’un Etat interventionniste, d’un Etat dirigiste, d’un Etat protecteur et d’un Etat indépendant dans la nécessaire interdépendance. Ce que nous voyons actuellement du Maroc, sous l’impulsion de S.M le Roi Mohammed VI, j’y reviendrai plus longuement dans une prochaine Tribune, correspond, malgré les craintes et les angoisses légitimes, liées à la Pandémie du Covid-19, à ce que nous sommes en droit d’imaginer d’un Modèle de développement plus juste, plus solidaire et plus équilibré, où l’Etat, garant des équilibres sociaux, des prestations sociales et des services publics, serait le maître du jeu au bénéfice du citoyen.
Pour conclure, je voudrais adapter au contexte actuel une expression de Camus qui me vient naturellement à l’esprit. Une société se jugera désormais à l’état de ses hôpitaux, donc à la performance de son système de santé.
Par Brahim Fassi Fihri