Covid-19 : Dérisoire solidarité mondiale à l’épreuve et des laissés pour compte

Hassan Alaoui

La valse quotidienne des chiffres nous tourneboule la tête. On ne sait à quel Saint se vouer. Les millions de doses de vaccin contre le Covid-19 administrées, les millions d’autres acquises ou en attente d’être livrées, les labels différents d’un laboratoire à l’autre, les questionnements incessants sur leur efficacité, bref un véritable et chaotique cafouillage qui est à la pédagogie de la pandémie ce qu’est la panique aux responsables de sa gestion planétaire.

Or, le plus significatif dans tout cela, c’est ce « quant à soi » qui s’érige comme le réflexe majeur : autrement dit, « l’égoïsme sacré des nations » de plus en plus institutionnalisé, comportement égocentrique et inique à la limite de beaucoup de pays. L’OMS n’a de cesse de « dénoncer les accords bilatéraux signés par certains pays et l’industrie pharmaceutique pour contourner le mécanisme multilatéral COVAX, l’initiative mondiale visant à assurer un accès rapide et équitable aux vaccins anti-Covid-19. Une telle situation fait « grimper les prix ». affirme son patron.

Le résultat est sans appel : les vaccins sont maintenant administrés « dans 50 pays du monde entier, presque tous des pays riches ». Or, « 75% des doses ont été déployées dans dix pays seulement », a dénoncé le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus , reprochant à de nombreux pays d’avoir acheté « plus de vaccins qu’ils n’en avaient besoin ».

A preuve ! Une certaine géopolitique de la pandémie qui prend forme et instaure son mode propre , où bien entendu les nations riches et fortes ont tendance à s’approvisionner plus que les autres, je veux dire « pauvres » et démunies, où s’instaure une guerre digne des siècles passés, exaltant le pouvoir de l’argent, mettant au goût du jour et de l’époque une nouvelle forme d’impérialisme…On ne peut que s’indigner quand certains pays disposent du double ou du triple de doses de vaccins pour leurs populations et voir d’autres être à peine en mesure de faire vacciner une partie dérisoire de la leur.  « Nous sommes maintenant confrontés au danger réel que, même si les vaccins apportent de l’espoir aux habitants des pays riches, une grande partie du monde pourrait être laissée pour compte » a averti mercredi 24 février le Directeur général de l’OMS devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Le relever, le constater, le dire sous le mode d’une terrible et effrayante désolation suffit-il à y remédier ? Certainement pas, tant l’égoïsme est inscrit comme une devise sur le marbre dans un monde où la mondialisation tant vantée nous décline son autre visage, peccamineux et meurtrier. L’Angleterre, le Canada, les Etats-Unis, l’Allemagne, Israël pour ne citer que ces pays croulent sous d’importantes quantités de doses vaccinales. Sur une population totale mondiale de près de 8 Milliards d’individus, ils représentent à peine près de 600 Millions , alors que l’Afrique, continent de quelque 54 pays, totalise une population de 1,3 Milliard d’habitants, soit le double. La comparaison statistique n’étant pas notre objectif ici, il convient de mettre en évidence le cruel décalage et la disproportion scandaleuse d’une équation humaine qui nous dit l’injustice du monde en temps de crise sanitaire.

Jamais la mondialisation n’a été aussi perverse ! Heureuse pour les défenseurs indécrottables comme Alain Minc, elle est la face cachée d’une immense détresse. C’est un euphémisme que de penser et affirmer que l’Afrique est « mal partie » dans cette effroyable tragédie qu’est la Covid-19, que tout effort collectif des gouvernements du continent serait évidemment vain et voué à un échec terrifiant s’il n’existait pas une prise de conscience de ses responsables et une action concertée. Et si les Nations unies, l’OMS et les puissances riches ne mettaient pas en œuvre une vision commune et partagée de lutte contre la pandémie, avec un programme ciblé, une distribution appropriée, un soutien efficace en fonction des besoins de chaque Etat et des populations. Mais, d’abord, faudrait-il qu’une volonté réelle fût proclamée par les Etats en possession de vaccins pour venir en aide à l’Afrique !

Y’a-t-il des candidats à cette vision humanitaire d’urgence, susceptibles de transcender leur égoïsme national pour échapper aux condamnations exprimées ici et là, et en particulier de l’OMS ? Les peuples n’oublient pas, leur mémoire endolorie, portera les stigmates à jamais d’un abandon et la persistante vérité que l’Afrique n’est utile que lorsqu’elle fournit matières premières et marchés florissants ! « Il est essentiel que le dispositif COVAX reçoive ces doses supplémentaires rapidement, et non des restes dans plusieurs mois ». Un cri du cœur, un plaidoyer pour une démocratisation de la vaccination et une dénonciation de l’égoïsme des puissances.

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