Covid-19: Les quatre semaines où tout a basculé
Tout a commencé à la mi-mars lorsque l’anticipation de l’état d’urgence sanitaire, bien avant l’aggravation de la situation, a mis en branle un impressionnant déploiement face à la redoutable pandémie du coronavirus qui arrive.
Alors que l’on suivait l’évolution ailleurs du virus envahissant, la riposte proactive adoptée au plus haut niveau de l’État a fait basculer tout le monde de la légèreté au confinement, de l’insouciance à la prise de conscience. Seuls restent ouverts les commerces alimentaires, les pharmacies et bien évidemment les hôpitaux et autres prestataires de services essentiels.
Le plus frappant encore c’est qu’une chance unique s’offre d’ores et déjà au secteur de la santé, longtemps considéré comme le parent pauvre du budget.
En première ligne dans le combat contre l’ennemi invisible, les médecins, infirmiers et tout le corps médical font preuve d’un activisme inédit pour venir en aide aux patients et surtout savoir gérer l’urgence.
Plus spécifiquement, les réanimateurs et urgentistes sont, en ces temps de crise, parmi les professionnels de la santé les plus sollicités pour sauver des vies lorsqu’il s’agit de cas aigus de contamination. Fait saillant sur la ligne de front, bon nombre de praticiens réanimateurs privés rejoignent les hôpitaux publics, à la rescousse de leurs confrères en guerre au quotidien contre le virus insaisissable qui sème la psychose partout.
« Nous nous sommes portés volontaires pour prêter main-forte aux patients et aux collègues submergés par une situation imprévisible dans ce contexte de mobilisation« , a confié à la MAP le professeur Mohamed Benaguida.
Il fait partie d’un groupe d’anesthésistes-réanimateurs d’établissements de soins privés qui ont répondu présents aux appels à la solidarité nationale, tissée spontanément dans un domaine aussi vital que la santé où se rassemblent les énergies des acteurs public, privé et militaire.
A Témara où un médecin a été infecté du Covid-19, 240 soignants du Centre hospitalier préfectoral de Sidi Lahcen se sont trouvés au cœur de la bataille, exténués mais déterminés à lutter parce qu’ils savent que le plus dur est peut-être à venir.
Si les habitants sont instamment priés de rester chez eux en ces temps de confinement et de distanciation sociale, les blouses blanches travaillent, elles, sans relâche pour endiguer l’épidémie. Mais pas sans payer le prix de l’éloignement par rapport à la famille.
« Depuis le début de l’épidémie, on n’a plus la notion du temps car tout simplement tous les jours se ressemblent, dans l’attente de bonnes nouvelles sur l’évolution de la maladie« , a lancé la Dr Naima Derfoufi Setti, responsable de la veille sanitaire à la délégation de Témara-Skhirat.
Elle a affirmé d’autre part que les soignants font tout ce qu’ils peuvent pour ne pas être un facteur de contamination. « Nous sommes au service de l’humanité et de la patrie« , a-t-elle lancé avec fierté.
Et comme dans l’essentiel du réseau hospitalier public, les équipes du centre de Sidi Lahcen sont hébergées dans un hôtel à proximité dans le souci de prévenir tout risque de transmission du virus. Une situation assez stressante pour leurs familles et proches, obligés de s’adapter à une nouvelle réalité où les « distances de sécurité » deviennent un gage même de survie.
« On est dans le devoir d’être au travail toute la semaine de 09H du matin jusqu’à 20h du soir, et il est souvent très difficile de communiquer avec les membres de la famille« , révèle Nouredine Labib, infirmier à l’hôpital de Témara.
Dans la ville voisine de Salé, l’hôpital Prince Moulay Abdellah de Salé a émergé en peu de temps comme un établissement hospitalier de référence grâce à la création d’une unité de réanimation et la mise à disposition d’équipements nouvelle génération.
Au milieu de l’agitation trépidante de tous les jours, le staff médical subit visiblement les restrictions strictes dictées dans le contexte de confinement, y compris l’impératif de porter des tenues à usage unique qui limitent leur liberté de mouvement.
Surexposé au Covid-19, le personnel soignant redoute à chaque instant d’être infectés et de devenir, du coup, contaminants pour leurs proches et tous leurs contacts.
« Pour les citoyens, le mieux à faire c’est de rester à la maison et de respecter les directives d’hygiène sanitaire. Bref ne pas prendre à la légère la situation exceptionnelle que traverse le pays« , a soutenu la Dr Meriem Bouchbika, urgentiste à l’hôpital Moulay Abdellah.
Après tout, sans approche proactive et sans mobilisation collective, les services de réanimation des hôpitaux marocains auraient été aujourd’hui submergés par des files interminables de patients, à l’image de ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée.
Mieux encore, c’est cette même stratégie qui prédispose le Royaume à produire ses propres respirateurs artificiels 100% marocains, en plein cœur de la zone franche casablancaise dédiée à l’industrie aéronautique.
Par Abdellah CHAHBOUN