De Mistura a-t-il vraiment proposé la partition du Sahara ?
CE QUE JE PENSE
Certains observateurs ont vite interprété l’intervention de Staffan de Mistura, l’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara, comme une proposition de partager ce territoire entre le Maroc et le Polisario, lors des consultations du Conseil de sécurité du 16 octobre 2024.
Or cette lecture ne reflète ni la réalité de ses propos, ni l’essence même de sa mission. De Mistura n’a pas soutenu cette option comme solution viable. En réalité, il s’inscrit dans une approche nuancée, cherchant à encourager un compromis durable tout en respectant les principes inaliénables que le Maroc défend avec force.
Une référence historique sans fondement actuel
De Mistura a effectivement évoqué le concept de partition du Sahara, mais sans en faire une véritable proposition. Il a rappelé une idée vieille de plus de vingt ans, explorée par son prédécesseur, James Baker III, dans les années 2000. Mais cette option avait été catégoriquement rejetée, à l’époque, par toutes les parties concernées, notamment le Maroc. Bien entendu, de Mistura n’avait aucun besoin de ressusciter cette idée, qui n’a jamais fait l’unanimité, et qui fut écartée d’un bloc. Selon lui, cette exploration s’inscrit dans le cadre d’une réflexion globale visant à sortir de l’impasse actuelle, mais il est essentiel de comprendre le contexte et l’intention derrière ces propos.
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Ainsi dans son rapport, il précise que « 17. D’une part, je dois vous informer que j’ai discrètement revisité et approfondi avec toutes les parties concernées le concept d’une partition du Territoire, mentionné pour la première fois par mon prédécesseur, James Baker III, il y a plus de 20 ans. » Ce rappel semble davantage s’inscrire dans une démarche de transparence historique que dans une volonté de la proposer activement. Cette idée, rejetée unanimement il y a deux décennies, n’apporte rien de nouveau aux discussions actuelles. Il est clair, par contre, que le fait de l’avoir mentionnée dans ce contexte, alors qu’elle n’a aucune validité aujourd’hui, peut prêter à confusion. De fait, de Mistura n’a donc pas fait de proposition, mais soulevé un point ancien qui n’avait pas lieu d’être rappelé, car déjà invalidé.
D’ailleurs, il a lui-même reconnu que ni le Maroc ni le Polisario n’ont montré d’intérêt pour approfondir cette option. Il a précisé dans son rapport : « 19. Je dois signaler que je n’ai, à ce jour, reçu aucun signe de volonté d’explorer davantage cette option, ni de la part du Maroc ni de celle du Front POLISARIO. Je le regrette — à mes yeux, cette idée de compromis mérite d’être prise en compte dans le cadre d’une solution mutuellement acceptée. »
Ce passage montre clairement que cette idée de partition est restée sans suite, car elle ne correspond pas aux réalités actuelles. Le Maroc, en particulier, a toujours été clair sur ce point : la souveraineté du Royaume sur le Sahara n’est pas négociable. Le Maroc ne négocie pas sa souveraineté sur son Sahara qui n’a jamais été et ne sera jamais un sujet de négociation. C’est dire que la marocanité du Sahara est un principe inébranlable, solidement ancré dans l’histoire, la géopolitique et la réalité géographique. Le Sahara Atlantique n’est pas seulement une donnée géographique, mais aussi une réalité stratégique et historique qui conforte la souveraineté marocaine sur ce territoire.
L’autonomie : la seule solution réaliste
Plutôt que de promouvoir des idées dépassées, de Mistura met l’accent sur la nécessité de solutions réalistes, pragmatiques et viables, en particulier le plan d’autonomie marocain proposé en 2007, qui bénéficie d’un soutien international croissant. Ce plan constitue aujourd’hui le cadre le plus crédible pour concilier les différentes aspirations tout en préservant la stabilité de la région.
Cependant, de Mistura a appelé à davantage de clarté autour de ce plan, afin que toutes les parties, y compris les populations sahraouies, puissent en comprendre pleinement les implications. Il a déclaré dans ce sens : « 22. Cependant, bien que le concept d’autonomie ait suscité de l’intérêt, et que le plan marocain de trois pages semble gagner du terrain au niveau bilatéral, je crois que cela crée également une attente, voire peut-être un droit, de mieux comprendre ce que ce plan implique. » Par ailleurs, le diplomate souligne l’importance de clarifier les modalités de cette autonomie pour permettre un débat éclairé et constructif, basé sur une solution durable et mutuellement acceptable.
Il est important de souligner ce que de Mistura a omis de dire : si une partie continue de bloquer une résolution pacifique, c’est bien l’Algérie. Depuis plusieurs décennies, Alger soutient activement le Polisario, un groupe qui, pour le Maroc et de nombreux observateurs, n’est qu’une organisation terroriste cherchant à déstabiliser la région. Cette position d’opposition systématique au compromis et à la paix reflète l’objectif d’Alger de maintenir une instabilité permanente dans la région. Il y a ici une distinction claire et une vérité infrangible : un État souverain, le Maroc, dans son plein droit, et un groupe terroriste.
En soutenant ce groupe, l’Algérie s’oppose au seul plan réaliste et soutenu par la communauté internationale : le plan d’autonomie marocain, qui offre une forme crédible d’autodétermination pour les Sahraouis tout en respectant la souveraineté du Royaume. Il est évident que la paix ne pourra être atteinte sans une reconnaissance pleine et entière du rôle déstabilisateur de l’Algérie dans ce conflit. Ceci dit, allez comprendre pourquoi Reuters a interprété cette référence historique comme une proposition formelle de de Mistura. Ce dernier n’a en réalité jamais avancé cette idée comme une option actuelle. Cette confusion n’a fait qu’alimenter des malentendus inutiles autour d’une situation déjà complexe.
Ce qui est incontestable, c’est que le Sahara Atlantique est une réalité géographique, historique, juridique et géopolitique. Le Maroc, en tant qu’État souverain, ne peut accepter la remise en question de cette réalité. La seule voie de paix passe par la reconnaissance de la souveraineté marocaine et l’adoption du plan d’autonomie, soutenu par un grand nombre de pays à travers le monde. « 23. Je continue de penser, sans préjuger de la solution qui sera choisie pour un règlement de la question du Sahara occidental, que le moment est venu pour moi et pour tous les interlocuteurs d’explorer les modalités que le Maroc envisage concrètement. Pour que cette exploration ait lieu, il est donc nécessaire que le Maroc fournisse des détails sur sa vision. Je me sens conforté à cet égard par ma compréhension, lors de ma consultation en tête-à-tête avec le ministre Bourita à la fin de notre réunion à New York le mois dernier, qu’il reconnaît l’urgence d’expliquer et de développer leur plan d’autonomie initial de 2007. »
Pour conclure, de Mistura n’a pas proposé de diviser le Sahara. Il a simplement rappelé une idée ancienne, sans en faire une solution concrète. Il devait tout simplement ne pas se référer à une proposition faite depuis vingt ans sans qu’elle ait d’écho.