Déconfinement au Maroc : comment contenir le taux de contagion ? Avis d’experts
À l’approche d’un probable déconfinement progressif, le Maroc s’apprête à entamer cette étape prudente et cruciale pour éviter une nouvelle flambée de contagions risquée pour le système hospitalier, et pouvant déboucher sur un re-confinement qui risque, par ricochet, d’étrangler l’économie nationale.
Pour comprendre les différents aspects d’une reprise de vie saine et sûre, la MAP a approché deux experts pour présenter leurs points de vue : Abderrahmane Benmamoun, expert en santé publique et consultant à l’OMS, et Mohamed Amine Berraho, médecin épidémiologiste et professeur d’enseignement supérieur en épidémiologie clinique.
Rapidité de contagion actuelle au Maroc (taux de R0)
Actuellement, on est dans “un plateau avec une évolution de la courbe épidémique en dents de scie”, explique M. Berraho, précisant que le confinement et les gestes barrières au Maroc ont permis de réduire significativement le risque chez la population confinée.
Le nombre de nouveaux cas varie d’un jour à l’autre et dans le sens de la hausse et de la baisse. Ceci est principalement lié à la taille des foyers. “L’évolution de l’épidémie dépend largement de la maîtrise de ces foyers”, précise-t-il.
La situation épidémiologique au Maroc est “atypique”, est-ce dû au confinement ou à d’autres facteurs protecteurs que l’on ignore toujours ? s’interroge pour sa part M. Benmamoun.
Côté chiffres, le Maroc est dans un stade idéal, avec un taux de mortalité “très bas”, ajoute-t-il, réaffirmant que le confinement joue un rôle fondamental.
Pour la mise en œuvre d’un déconfinement sûr M. Benmamoun estime que le déconfinement est une étape “très difficile à mettre en oeuvre” mais une volonté existe pour un passage sûr qui doit être mené d’une manière “très progressive”, car “la moindre erreur peut relancer l’épidémie”.
Le virus continuera à circuler à la sortie du confinement avec des niveaux différents selon les régions, souligne pour sa part M. Berrahou. La sortie du confinement doit donc “s’inscrire dans la stratégie de contrôle de l’épidémie jusqu’alors adoptée”.
Garder un taux de contagion bas durant le déconfinement
Selon M. Berrahou, il est impératif de : – limiter l’apparition de nouvelles infections et de nouveaux foyers,
– éviter la diffusion communautaire du virus dans les régions avec des cas sporadiques et/ou de petits foyers, – éviter la réintroduction du virus dans les régions avec éradication du virus par le contrôle de la mobilité entre les différentes régions.
Pour atteindre ces objectifs, le Dr Berrahou estime que la stratégie de déconfinement doit reposer sur :
– une identification des cas probables permettant un diagnostic précoce,
– la mise en œuvre de mesures d’isolement,
– des mesures systématiques de réduction des risques de transmission, notamment le port d’un masque et le maintien des règles d’hygiène et de distanciation sociale, – des mesures spécifiques de contrôle de l’épidémie par sous-populations, prenant en compte l’âge et la présence de comorbidités ; une sensibilisation de la population pour répondre efficacement à toutes ces mesures.
Gérer le retour au travail
Pour Dr Benmamoun, les personnes à risque doivent “rester confinées” car le virus est toujours présent. Les activités essentielles peuvent être relancées mais les rassemblements et les lieux de grande affluence devront rester fermés, notamment les cafés et restaurants.
Le port de masque et la distanciation sociale devront être maintenus et obligatoires, précise dr Benmamoun.
La reprise des cours
Les données disponibles à ce jour semblent indiquer que les enfants et les jeunes adultes risquent moins d’être gravement atteints, mais des cas graves peuvent tout de même survenir dans ces groupes d’âge, indique l’OMS sur son site.
Les transports en commun (bus et taxis)
Le port de masque et les mesures préventives, notamment la désinfection et la distanciation doivent être appliquées au niveau des transports en commun, souligne Dr Benmamoun.
Existe-il un risque d’une deuxième vague de contamination? Si le virus est saisonnier, il peut reprendre lors de la baisse de température mais à ce stade la saisonnalité du covid-19 ne peut pas être confirmée, indique l’expert.
Pour sa part, Dr Berrahou relève que le “risque de survenue d’autres vagues est très probable”.
En effet, vu la rapidité de transmission du virus et l’existence de formes asymptomatiques, le non-respect des gestes barrières est suffisant pour relancer l’épidémie et entraîner d’autres vagues, précise-t-il.
Un déconfinement mal géré peut-il mener à un nouveau confinement ?
Le déconfinement ne signifie pas une levée totale et brutale des mesures de contrôle instaurées jusqu’à maintenant, insiste Dr Berrahou. Ces mesures doivent être maintenues à “un niveau élevé car une sortie brutale et mal préparée du confinement pourrait bien relancer l’épidémie et entraîner une deuxième vague”, note-t-il.
De son côté, Dr Benmamoun affirme que le déconfinement devra être progressif et contrôlé, avec l’obligation du respect des mesures d’hygiène et du port du masque.