Des criquets dévastateurs menacent la sécurité alimentaire du nord du Kenya
Déjà frappés par une sécheresse qui a duré plus de trois ans, plusieurs comtés du nord du Kenya font face depuis plusieurs semaines à des invasions de criquets qui dévastent et détruisent toutes les cultures sur leur passage menaçant la sécurité alimentaire de la région.
Le Centre de prévision et d’applications climatologiques (ICPAC), relevant de l’organisation régionale Igad, a mis en garde contre les péripéties de cette invasion acridienne sur la sécurité alimentaire des comtés du nord du Kenya, qui viennent de connaître des inondations destructives qui ont affecté plusieurs infrastructures et détruit des dizaines d’hectares de cultures. « Si cette situation persévère, cela pourrait provoquer un problème de sécurité alimentaire de premier plan », a averti Guleid Artan, responsable de l’ICPAC.
Pour lui, l’invasion actuelle qui a commencé par l’Ethiopie et la Somalie est le dernier symptôme d’une série de variations climatiques extrêmes en Afrique de l’Est en 2019, qui a commencé avec une forte sécheresse et s’est achevée avec des pluies et inondations dévastatrices, qui ont fait des centaines de morts.
Ces conditions extrêmes sont mises sur le compte du « dipôle océan Indien », un phénomène climatique créé par la différence de température à la surface de la mer entre les zones est et ouest de l’océan Indien.
« Nous savons que l’Afrique de l’Est est une des zones les plus vulnérables au changement climatique. Cette région va connaître de nouvelles variations extrêmes », a ajouté M. Artan.
Cette mise en garde concorde avec celle émise par l’Agence des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) qui a estimé qu’un seul essaim de criquets peut couvrir une surface de 2.400 km2, soit la taille du Luxembourg et ravager les moyens d’existence des populations rurales dans leur course effrénée pour se nourrir et se reproduire.
Si rien n’est fait, le nombre d’insectes ravageurs « pourrait être multiplié par 500 d’ici le mois de juin », envahissant le Soudan du Sud et l’Ouganda, dévastant les cultures sur son passage, dans des zones déjà très vulnérables, a mis en garde l’agence de l’ONU.
« Plus de 11 millions de personnes au Kenya, en Éthiopie et en Somalie souffrent déjà d’une insécurité alimentaire aiguë. Les criquets menacent d’aggraver les choses. Il est essentiel d’anticiper une éventuelle détérioration », a averti la FAO sur un tweet.
L’Ethiopie et la Somalie n’avaient pas vu d’essaims de criquets pèlerins d’une telle ampleur depuis 25 ans, et le Kenya n’avait pas eu à affronter de menace acridienne d’une telle force depuis 70 ans, selon la FAO.
Face à la menace des essaims géants qui assombrissent le ciel et dévastent la végétation, des Kényans ont eu recours à tous les moyens possibles pour les chasser, agitant des bâtons, frappant sur des boîtes de conserves ou même ouvrant le feu à coups de fusil. En vain.
Le Kenya dispose de seulement cinq avions, qui dispersent des pesticides sur les essaims, a précisé Stephen Njoka, directeur de l’organisme sous-régional qui surveille les criquets pèlerins en Afrique de l’Est (la Desert Locust Control Organisation for Eastern Africa), basé à Nairobi.
Il assure que les produits chimiques utilisés ne sont pas dangereux pour la santé des humains et que les autorités font de leur mieux pour limiter les dommages aux autres insectes, notamment pollinisateurs.
Des opérations similaires ont lieu en Ethiopie et en Somalie, mais dans ce dernier pays, elles sont parfois entravées par l’insécurité qui règne dans certaines régions, selon la FAO.
« Ce nouveau désastre présage mal de l’année 2020. Le climat imprévisible en 2019 et dans la décennie précédente a déjà gravement érodé la capacité des familles à récupérer de la crise », s’inquiète Ian Vale, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et du Sud de l’organisation Save the Children.