Développement durable : « Le Maroc est sur la bonne voie »
Le Maroc a été élu le 17 avril 2019 Président de la 5ème session du Forum Régional Africain sur le Développement Durable (FRADD) en la personne de Nezha EL OUAFI, Secrétaire d’Etat chargée du Développement Durable. Entretien.
Propos recueillis par Khadija Sansar
Quelle est la particularité de la 5ème session du FRADD (Forum Régional Africain pour le Développement Durable) ?
Avec l’achèvement des OMD à la fin de l’année 2015, un nouvel agenda 2030 a été adopté le 25 septembre 2015 par les 193 pays des Nations Unies, à même, d’améliorer la vie des populations et protéger la planète pour les générations futures.
Ce nouvel agenda 2015-2030 a été structuré en 17 Objectifs de Développement Durable (17 ODD) et visant à accorder une attention particulière aux 5 P en l’occurrence : la population (garantir à tous l’accès à la santé et au savoir et donner toute leur place aux femmes et aux enfants), la planète (protéger les écosystèmes dans l’intérêt de toutes les sociétés et des générations futures), la prospérité (développer une économie forte qui profite à tous et favorise le changement), la paix (favoriser l’édification de sociétés sûres et pacifiques et la mise en place d’institutions solides) et les partenariats (faire jouer la solidarité mondiale au service du développement durable).
Depuis 2016, la communauté internationale consacre chaque année des discussions autour de certains ODDs parmi les 17, dont les recommandations et messages clés sont soumis aux Forums de haut niveau qui sont organisés en juillet de chaque année au siège des Nations Unies à New York. Le premier cycle d’examen de l’ensemble des 17 ODDs sera achevé cette année. Ainsi la particularité de la 5ème session du FRADD c’est la coïncidence de son organisation avec la dernière année du premier cycle d’examen des ODDs.
De surcroît, on peut également rappeler que le FRADD a connu la participation d’une vingtaine de ministres et plus de 43 délégations africaines : ce qui en fait une réussite de tout point de vue.
Nous sommes à 11 ans de 2030, ou en êtes-vous par rapport aux 6 objectifs de la stratégie qui s’imposent aujourd’hui plus-que demain ?
Il s’agit aujourd’hui, des 17 ODDs du nouvel agenda 2030 et pas uniquement ceux qui sont examinés durant le FRADD 2019.
→ Lire aussi : Le Maroc élu président du Forum Régional Africain sur le Développement Durable
Pour répondre à cette question, je dirais que le Maroc est sur la bonne voie et que les objectifs seront concrétisés dans les délais impartis. En effet, depuis l’intronisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en 1999, le Maroc, et sous ses Hautes instructions, a instauré une réelle dynamique en faveur du développement durable à travers plusieurs actions menées dans le cadre d’un long processus à savoir :
Phase I (2000-2010) : Celle de la mise en place des leviers fondamentaux et d’accélération du développement.
La décennie 2000 a connu une accélération des réformes institutionnelles et juridiques, notamment sur les plans social, économique et environnemental avec :
- La réforme du code de la famille en 2004.
- Le lancement de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) en 2005 qui a permis de mettre sur pied une véritable ingénierie sociale pour lutter contre la pauvreté ;
- L’adoption des stratégies sectorielles dont la stratégie énergétique, le Plan Maroc Vert, la Stratégie de l’Eau, la vision du tourisme etc.
- L’intégration progressive de la composante environnementale à travers le renforcement d’un cadre juridique et réglementaire dédié à l’environnement ( la Loi 12-03 relative aux études d’impact sur l’environnement, la Loi 13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air, la Loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination etc. ) et à travers l’accélération des programmes de mise à niveau environnementale dont, le Programme national d’assainissement liquide et d’épuration des eaux usées (PNA) et le Programme national des déchets ménagers (PNDM) etc.
Phase II (2010-2015): Celle du parachèvement démocratique et de la mise en œuvre du développement durable en tant que projet de société
Cette deuxième phase a été marquée par l’adoption de la nouvelle constitution en 2011 qui considère le Développement Durable en tant que droit à tous les citoyens et par la charte nationale de l’environnement et du développement durable qui renouvelle l’engagement collectif du Maroc en faveur du Développement Durable et en faveur de la préservation de l’Environnement. Cette phase a été également marquée par l’accélération de la mise en œuvre des principales stratégies sectorielles dont : la Stratégie de l’Eau, la Stratégie de l’Energie, le Plan Maroc Vert, la vision du tourisme et de la deuxième phase de l’INDH.
Suite aux efforts déployés sur les plans économique, social et environnemental et sur le plan de la gouvernance, le Maroc a pu concrétiser l’ensemble des OMD avant 2015.
Phase III (2015-2019) : Phase de la poursuite des réformes et d’accélération de la mise en œuvre du Développement Durable
Durant cette phase, et conformément aux dispositions de la Loi Cadre N° 99-12 portant sur la charte Nationale de l’environnement et du Développement durable, la Stratégie Nationale du Développement (SNDD) a été élaborée, présentée au Conseil du Gouvernement en date du 1er juin 2017 et adoptée par le Conseil des Ministres sous la présidence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en date du 25 juin 2017.
La SNDD est considérée, aujourd’hui, comme un processus qui cristallise une prise de conscience effective et collective des enjeux de développement durable et propose une vision pour l’avenir. Elle vient conforter les stratégies sectorielles, leur assurer un portage politique plus fort, une mise en cohérence vers un objectif de durabilité commun et partagé. Elle offre un cadre de concertation, d’échanges et de partenariats entre les différents départements sectoriels. Dans le cadre d’une étude lancée par le Secrétariat d’Etat chargé du Développement Durable, on a pu montrer que parmi les 144 cibles des ODDs retenues pour le Maroc, environ 72% sont d’ores et déjà pris en charge par la SNDD.
Pour accélérer la mise en œuvre de la SNDD, un cadre de gouvernance a été mis en place par le Décret n° 655.17.2 portant création du Comité Stratégique du Développement Durable dont la publication a été faite en date du 29 mars 2018. Ce décret a permis l’institution de deux comités en l’occurrence : Un Comité Stratégique du Développement Durable constitué des Ministres, présidé par le Chef du Gouvernement et ayant un rôle politique et d’orientation stratégique et un Comité de Pilotage ayant pour mission le suivi et l’accompagnement de la déclinaison de la SNDD sur le terrain, et qui est constitué par les Secrétaires Généraux des différents départements et présidé par le Secrétariat d’Etat chargé du Développement Durable.
Je tiens à préciser qu’actuellement tous les ingrédients sont réunis pour permettre de consolider l’autonomisation et la garantie de l’inclusion et de l’égalité, notamment :
Sur le plan social
- Le lancement de la troisième phase de l’INDH (2019-2023) qui vise à consolider la valorisation du capital humain ;
- Lancement de la mise en place d’un “Registre Social Unique” (RSU) pour mieux cibler les catégories des familles éligibles aux programmes sociaux. Il s’agit d’un système national d’enregistrement des familles qui pourront bénéficier des programmes d’appui social. Les ménages habilités à jouir des prestations de ce régime, seront déterminés selon des critères objectifs et rigoureux et grâce aux nouvelles technologies.
- Le lancement de la deuxième édition du Plan Gouvernemental pour l’Egalité, « Icram », en tant que vision nationale intégrée visant à réaliser l’égalité des sexes à tous les niveaux et à autonomiser les femmes et les filles sur la base des droits humains. Ce plan vise l’amélioration de l’emploi des femmes et leur autonomisation économique, la promotion des droits des femmes dans leur relation avec la famille, le renforcement de leur participation à la prise de décision, la diffusion des principes d’égalité, et la lutte contre la discrimination et les stéréotypes basés sur le genre.
- La consolidation du programme Tayssir pour permettre l’accès à l’éducation, et la réduction de la déperdition scolaire, en particulier dans le monde rural et chez les filles. Pour ce faire le programme Tayssir a été étendu à partir de l’année scolaire en cours, pour couvrir toutes les communes rurales pour le niveau primaire ainsi que les communes urbaines pour le niveau secondaire. Il repose sur l’appui des familles nécessiteuses par le biais de transferts monétaires directs, conditionnés par leur engagement à inscrire leurs enfants à l’école et à s’y conformer.
- Le renforcement de la généralisation du préscolaire, en tant que maillon fondamental dans le processus éducatif.
- La consolidation de l’accès aux services de santé, à travers l’adoption du régime d’assistance médicale « RAMED », qui vise à permettre aux familles démunies, d’avoir une couverture maladie de base et de bénéficier gratuitement des services médicaux fournis dans les établissements de santé publics. Ce système a permis d’augmenter la couverture médicale à plus de 60% que le gouvernement ambitionne de porter à 90% d’ici 2021 grâce au système de couverture médicale des travailleurs non-salariés.
Sur le Plan économique
Le Maroc s’est engagé dans une stratégie de transformation profonde de son économie moyennant des stratégies sectorielles visant la modernisation de son appareil productif et le renforcement de ses performances et de sa résilience.
Ainsi, l’intérêt porté par notre pays à la modernisation accélérée des activités relevant du secteur primaire obéit autant à une logique de consolidation des ressorts sectoriels de la croissance de l’économie nationale et à la mobilisation de gisements additionnels d’emplois qu’à l’impératif d’assurer une meilleure valorisation des ressources naturelles et le renforcement de leur durabilité.
Notons que plusieurs stratégies, plans et programmes sont concernés par cette logique dont :
- Le Plan Maroc Vert et son objectif d’augmentation significative de la production, la productivité agricoles et la préservation de son impact social par l’accompagnement des populations rurales au travers des projets d’agrégation, tout en jouant un rôle de protection et conservation des ressources naturelles, notamment par l’économie et la valorisation de l’eau agricole, la réduction de la pollution des sols, la promotion des énergies propres en agriculture ;
- La stratégie énergétique et ses objectifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et de protection des ressources naturelles, et ce par le développement des énergies renouvelables ;
- Le Plan Halieutis pour la pêche maritime et ses objectifs de protection de la biodiversité marine et de la régénération des ressources halieutiques ;
- La Vision 2020 du Tourisme et ses objectifs environnementaux, en particulier dans l’aménagement des complexes touristiques, le déploiement de la Charte marocaine du tourisme responsable, la promotion des écolabels du tourisme, etc. ;
- Le Plan Emergence pour l’industrie et ses contributions environnementales comme le déploiement de zones industrielles à « management vert », et comme la promotion de la certification environnementale ISO 14001 auprès des entreprises ; etc.
Enfin et sur le Plan environnemental
- L’adoption de son plan national du changement climatique ;
- L’adoption de la Stratégie Nationale de la Biodiversité qui vise la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.
- L’adoption de la Stratégie Nationale de réduction et de Valorisation des Déchets qui vise à développer plusieurs filières dont celles de gestion des emballages (plastique, métal, papier, carton, verre, bois) ; de la gestion des huiles usées (lubrifiantes et alimentaires); de la gestion et valorisation matière des pneus hors usages ; de la gestion des batteries usagées ; de la gestion des différentes catégories des déchets des équipements électriques et électroniques (D3E) ; de gestion des déchets de construction et de démolition ; et de la gestion et de valorisation des véhicules en fin de vie.
- Le renforcement de son cadre juridique et réglementaire avec l’adoption de la nouvelle loi 36-15 qui vise la promotion de la gouvernance dans le secteur de l’eau à travers la simplification des procédures et le renforcement du cadre juridique relatif à la valorisation de l’eau de pluie et des eaux usées, la mise en place d’un cadre juridique pour dessaler l’eau de mer, le renforcement du cadre institutionnel et des mécanismes de protection et de préservation des ressources en eau et la refonte de la loi 28-00 sur les déchets, pour la recentrer sur la « gestion écologiquement rationnelle des déchets ». Etc.
Le Maroc vient d’être nommé président du Forum. Quelle est votre feuille de route ?
En tant que président du forum, le Maroc sera chargé de parler au nom de tous les pays de l’Afrique et d’être leur avocat dans tous les événements internationaux concernant le Développement durable pour plaidoyer en faveur de la mise en œuvre des deux agendas en l’occurrence l’agenda 2030 et celle de 2063 pour le Développement Durable.