Dossier du mois : Le Pacte mondial sur la migration : Quel avenir?
Les Afro-européens au secours du Pacte Mondial
pour les migrants
Dossier réalisé par Souad Mekkaoui
Dans le cadre de nos Dossiers du mois, nous nous penchons sur la Conférence intergouvernementale sur la Migration et l’adoption officielle du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières dont le Maroc est l’hôte, les 10 et 11 décembre 2018. Pour cela, MAROC DIPLOMATIQUE ouvre ses colonnes à des experts qui nous aideront à mieux comprendre les objectifs du Pacte mondial et son impact sur l’avenir des migrations et des politiques migratoires. Nous vous invitons donc à lire la contribution d’Emmanuel Desfourneaux, Consultant et Analyste politique Afrique, Fondateur et Directeur général de l’ICAEP, Partenaire officiel de l’UNESCO.
Le succès du Pacte Mondial de Marrakech constitue une menace réelle et sérieuse pour le fonds de commerce des partis et gouvernements d’extrême droite en Europe. A titre d’exemple, l’objectif 17 c) envisage de combattre les propagandes fantasmatiques autour du migrant qui ont triomphé avec le Brexit. C’est pourquoi ces derniers jours, les populistes et les eurosceptiques montent au créneau contre le Pacte de Marrakech pour prophétiser l’apocalypse migratoire et la fin des nations européennes.
L’enjeu principal du Pacte migratoire de l’ONU est de contrer la propagation du populisme, surtout en Europe, en première ligne des chemins migratoires avec l’Afrique. C’est un Pacte résolument offensif grâce auquel les démocraties européennes entendent reprendre la main sur les questions migratoires. Dans son point 11, le Pacte adopte une approche positive des migrations internationales. Celles-ci seraient ainsi associées à une « identité relationnelle bénéfique», conjuguant diversité et souveraineté. C’est bien le dépassionnement des débats autour du migrant que le Pacte ambitionne avant tout.
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Mais voilà, la crise des classes moyennes et populaires, symbolisée par l’irruption surprise des «gilets jaunes» sur la scène politique française, risque de favoriser les interprétations à rebours du Pacte de Marrakech. Les détracteurs à ce Pacte dénoncent une atteinte identitaire portée aux peuples qui constituent l’Europe. C’est la théorie du grand remplacement qui refait surface, sur fond des sempiternelles critiques à l’encontre du communautarisme et de la multiculturalité qui gangrèneraient les sociétés européennes.
Dans ce contexte de polarisation du débat sur l’immigration, les démocraties européennes seraient inspirées de valoriser le concept afro-européen. Celui-ci regorge de ressorts insoupçonnables en faveur de l’objectif 16 du Pacte Mondial pour les Migrations relatif à l’intégration et à la cohésion sociale. En effet, les Afro-européens font partie intégrante des sociétés européennes, depuis des millénaires. Ils ont fait rayonner la culture européenne, bien avant le XXème siècle, comptant parmi eux les plus éminents penseurs, érudits, savants, généraux, artistes, écrivains. Ils s’identifient comme une des familles culturelles européennes, et non extra-européennes, au même titre que les Catalans, les Bretons… Par ailleurs, il a été rapporté que les religions africaines, comme la pratique de la mère noire par les anciens migrants africains, ont influencé le judéo-christianisme, présenté comme l’une des racines de la civilisation européenne. C’est dire si l’histoire et la culture afro-européenne a la capacité de renverser les préjugés sur l’immigration et d’apprendre à chacun d’entre nous qu’aucune société ne saurait se prévaloir d’une authenticité !