Dr. Rahma Iraqi dévoile les clés d’une aide psychologique efficace suite au séisme
Propos recueillis par Bachir Abdallah
Dans une interview réalisée avec Dr. Rahma Iraqi (*), psychologue et psychothérapeute à Casablanca, nous plongeons au cœur des actions prioritaires à entreprendre pour offrir une assistance psychologique efficace suite à un séisme. Dr. Iraqi met en évidence l’importance cruciale d’accompagner, de soutenir et de faire sentir aux victimes qu’elles ne sont pas seules dans cette épreuve. Elle souligne également l’instauration d’une cellule d’écoute et de soutien psychologique d’urgence, spécialement formée de psychologues et de psychiatres.
Dr. Rahma Iraqi souligne l’importance de l’aide psychologique dans les situations de crise post-séisme, en soulignant les actions prioritaires à prendre et en offrant des perspectives précieuses sur l’impact psychologique du séisme sur les individus et les communautés touchés.
- Maroc diplomatique : Dans ce genre de situation (le séisme qui a frappé la région d’Al Haouz) quelles sont les actions prioritaires à prendre pour l’aide psychologique ?
– Dr. Rahma Iraqi : L’aide psychologique apportée aux victimes consiste tout d’abord à les accompagner, les soutenir et leur faire sentir qu’elles ne sont pas seules. Une cellule d’écoute et de soutien psychologique d’urgence, mise en place par des psychologues et psychiatres, est nécessaire. L’écoute active et l’empathie sont utilisées afin d’amener le sujet à verbaliser son vécu, à mettre des mots sur ses émotions, à les exprimer et à les extérioriser. Il est important que le sujet se sente écouté, compris et soutenu avec bienveillance, sans jugement.
Le debriefing psychologique consiste à expliquer aux sujets les différents mécanismes psychologiques qui peuvent être à l’œuvre et les différents états émotionnels, afin de les aider à comprendre ce qu’ils sont susceptibles de ressentir.
Pour le gestion du stress et des symptômes du traumatisme, il faut recourir aux méthodes de gestion émotionnelle qui permettent de diminuer les tensions psychocorporelles et gérer les émotions liées au syndrome de stress post-traumatique.
Pour ce qui est de l’aide psychosociale : un sentiment d’insécurité et la peur du futur peuvent se manifester chez les victimes. Il est donc essentiel de les impliquer dans la reconstruction, afin de leur permettre de retrouver un sentiment de contrôle et de recréer un sentiment d’appartenance. Mais aussi la cohésion de groupe.
Lire aussi : Le Maroc dans le viseur des médias français : Manœuvre délibérée?
- Quels sont les premiers impacts psychologiques en cas de séisme ?
– Le caractère violent et soudain d’un tremblement de terre le rend potentiellement traumatisant pour les victimes et leur entourage. Les troubles psychologiques liés à cet événement marquant sont notamment liés au trouble de stress post-traumatique (TSPT), qui sont les plus fréquents après un événement traumatique. Cela se manifeste généralement par une souffrance morale et des complications physiques qui peuvent altérer la vie personnelle, sociale et professionnelle.
L’impact psychologique du séisme peut concerner différents groupes de personnes selon leur situation. Tout d’abord, il y a les personnes directement concernées, celles ayant subi des dégâts physiques et matériels, et qui peuvent faire face à la perte de membres de leur famille, se retrouvant ainsi à la fois en état de stress post-traumatique et deuil. Il y a également l’impact psychologique du côté des professionnels et des différentes personnes qui apportent leur aide et leur soutien : équipes de sauvetage, équipe soignante, entourage qui apporte son soutien. Toutes ces personnes sont aussi susceptibles de développer des symptômes et de souffrir d’épuisement psychologique. De plus, il peut y avoir des sentiments de culpabilité ressentis par les survivants au désastre.
- En cas de facteur de risque, qui est plus résilient entre les enfants, les adultes et les personnes âgées ? Quelles complications pourraient apparaître immédiatement chez ces groupes d’individus ? Comment les corriger ?
– Il est important de souligner le caractère très subjectif concernant la réaction à un tel événement. Chacun, selon sa propre résilience, va réagir différemment. Cela dit, même si la résilience, cette capacité à faire face, puis à rebondir et à se reconstruire suite à un traumatisme, varie d’une personne à une autre et n’est pas figée, elle se développe tout au long de la vie. Plusieurs facteurs y contribuent, tels que des facteurs génétiques, le soutien d’un adulte ou tout autre soutien social, ainsi que la qualité de l’attachement et la capacité de mentalisation (facteurs intellectuels et cognitifs).
Les enfants et les personnes âgées nécessitent un soin et une attention particuliers, ainsi qu’un soutien psychosocial, car ils peuvent se retrouver en grande vulnérabilité face à un tel événement. Paradoxalement, on a pu constater, selon des études, que les enfants peuvent faire preuve d’une plus grande résilience et posséder des mécanismes de protection psychique qui agissent comme un airbag affectif lors de tels chocs. Les personnes âgées, quant à elles, du fait qu’elles ont vécu un nombre important d’épreuves dans la vie, ont également cette capacité de prendre du recul.
Les complications psychologiques susceptibles d’être rencontrées sont liées au trouble de stress post-traumatique. Les sujets peuvent souffrir d’une reviviscence de l’événement sous forme de flashbacks ou de cauchemars, ainsi que de troubles de l’humeur, de troubles de la concentration et de troubles du sommeil. Proposer un suivi psychologique est donc très important. Parfois, un traitement psychiatrique et une psychothérapie peuvent s’avérer nécessaires pour certaines victimes. Les groupes de parole pourraient également aider les personnes à se sentir moins seules et leur permettre de partager leur vécu et de se sentir soutenues.
- Est-ce que les symptômes peuvent apparaître plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le drame ?
– En effet, certaines séquelles peuvent perdurer ou apparaître même plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le drame. De plus, le trouble de stress post-traumatique peut se chroniciser et s’associer à d’autres manifestations telles que la fatigue physique, le désintérêt pour la vie quotidienne, des troubles alimentaires ou encore un retentissement sur la santé somatique. Ceci démontre l’intérêt essentiel d’un suivi psychologique à long terme.