Drame de Taroudant : Le point sur les constructions anarchiques dans le monde rural
Propos recueillis par Yasmine El Khamlichi
Taroudant a été frappé dernièrement par des montées d’eau meurtrières. Le bilan est lourd : les inondations ont coûté la vie à 8 personnes. Les victimes étaient en train de jouer un match de foot dans un terrain local, seul lieu de divertissement de cette zone, quand soudainement les crues ont emporté tout sur leur passage. Un sinistre qui a secoué l’opinion publique, laissant place à plusieurs interrogations, notamment, au sujet des règles de construction dans le monde rural. Les précisions avec Rachid Boufous, architecte-urbaniste à Rabat.
Pourquoi y a-t-il des constructions anarchiques dans le monde rural ?
Il faut savoir déjà qu’il n’y a pas de règlement spécifique pour le monde rural en termes de construction, à l’exception d’une loi qui stipule que seulement 10% d’une surface de terrain d’un hectare peut être construite.
Maintenant, il y a un grand problème dans le monde rural, les groupes d’habitation sont souvent très éparpillés.
Généralement, les gens préfèrent s’installer pas loin des terrains qu’ils cultivent, c’est pour cette raison qu’il y a beaucoup de construction au long des Oueds. Par conséquent, s’ils ne sont pas construits selon les normes de protection contre les inondations, ils peuvent subir ce qui s’est passé dans le sud, le cas échéant, les évènements de Taroudant.
Est-ce qu’il y a un contrôle des constructions dans le monde rural ?
L’Etat, de son coté, essaie de plus en plus d’encadrer ses régions, mais, il existe un peu prés 34 000 douars, ce qui rend la tâche difficile pour l’Etat de les contrôler tous, du moment que la quasi-majorité d’entre eux se trouvent dans des zones difficiles d’accès.
Par contre, on peut faire attention sur certaines zones qui existent au long des Oueds, puisqu’on sait qu’il va y avoir des crues et des inondations.
Que prévoit l’arsenal juridique marocain face à ce genre de situations ?
Le Maroc est actuellement couvert en termes de lois dans le domaine de la construction. Maintenant, il faut absolument exiger à ce que la loi soit respectée par tout le monde, inclue l’autorité elle-même, qui doit faire son travail au niveau local.
Ce ne sont pas les lois qui manquent, mais plutôt leur application. Par exemple, la loi 36-15 sur l’eau stipule dans l’article 177 qu’il est « interdit d’établir, sans autorisation, dans les terrains submersibles, des digues, constructions et autres aménagements susceptibles de gêner l’écoulement des eaux d’inondation, sauf pour la protection des habitations et propriétés privées attenantes ».
Aujourd’hui, mêmes les douars les plus enclavés disposent d’un caïd ou d’un agent d’autorité équivalent censé appliquer la loi.
Comment éviter ce genre de drames dans le futur ?
Quand on veut construire près d’un Oued, il faut y aller au point le plus élevé de l’Oued, à une altitude où l’eau ne peut plus monter et en plus on doit reculer de 6 mètres.
A votre avis, qui est responsable de ce qui s’est passé à Taroudant ?
Il est à noter qu’il ne faut jamais construire dans un lit d’Oued, parce qu’il peut retrouver sa mémoire même après 4 siècles, et embarquer tout ce qui se trouve sur son chemin.
Il fallait absolument interdire la construction de ce terrain, malgré la spécificité foncière de la zone qui rend l’aménagement d’un terrain de sport difficile.
C’est vrai que les agents d’autorité ont affirmé qu’ils n’ont jamais vu de crue de cet Oued dans cette zone, mais, il s’agit de personnes qui n’ont aucune conscience de la science de l’eau.